C’est devenu une mascarade ...
De la déliquescence de notre démocratie moribonde
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Le front haut …
Il fut une époque, pas si lointaine, où pour aspirer à une élection quelconque, il fallait être un notable implanté, un homme qui usait de son prestige pour porter haut et fort une posture qui lui permettait de recueillir les voix de gens redevables, admiratifs ou simplement respectueux. Il était encore possible d'être un arpenteur de terrain, un militant acharné qui n'avait de cesse de rendre service, de démontrer par l'exemple la solidité de son engagement. C'était, vous l'avez constaté, une époque où il était conseillé d'être un homme pour atteindre le Graal.
Les temps changèrent ; le candidat idéal : celui qui avait de bonnes chances d'emporter la mise devait être bien fait de sa personne, avoir de la distinction et de l'entregent. Il lui fallait encore être dans une grosse écurie : celle de droite ou bien celle de gauche. La vie était facile pour les jeunes loups qui n'avaient qu'à choisir la bonne porte pourvu qu'il n'y ait pas un vieux lion installé à vie sur la place …
C'était alors une période bipolaire. La loi sur le financement des partis politiques assurant définitivement -on le pensait alors- la prédominance des deux mafias politiques. Ils avaient des moyens financiers tels que nul candidat en dehors de la famille n'avait la moindre chance. L'argent et l'alternance décidaient du résultat final entre les deux écuries gavées d'argent public. Les autres étaient présents uniquement pour servir de caution et perdre leur mise s'ils n'atteignaient pas la barre des cinq pour cent.
Les candidats cependant devaient encore avoir une certaine prestance. Il leur fallait battre la semelle sur les marchés, multiplier les réunions publiques pour donner le change et éventuellement faire la différence sur leurs collègues de la maison d'en face. Les autres, quoiqu'ils fissent, de toute manière n'avaient aucune chance : méprisés par la presse locale, ignorés par les électeurs qui se moquaient de leurs valeurs réelles pour ne choisir qu'à hue ou bien à dia.
Tout cela est désormais du passé. Il y a des gens exceptionnels, à la droiture exemplaire, à l'engagement sans faille qui sont laminés dès le premier tour. Leur crime : ne pas être reconnus comme étant l'expression de la colère. Laissons de côté les candidats des deux bandes inévitables : ceux-là auront toujours les votes des électeurs, attachés à vie à leurs couleurs. Pour eux, qu'importe les mensonges, les trahisons, les reniements et les coups tordus, ils recevront toujours la confiance d'un électorat aveugle, sourd et borné.
La grande nouveauté, c'est l'apparition des candidats faute de mieux dans le meilleur des cas ou malgré eux parfois. Ils n'ont aucune envie de se montrer, aucune idée personnelle à émettre, aucun talent dans le débat, pas le moindre sens de la répartie. Ils sont si mauvais que, pour faire un bon score, il vaut mieux qu'ils restent cachés, silencieux et mystérieux.
Car leur seule qualité est de suivre la grande prêtresse de la contestation. Ils sont les amis et les faire-valoir de la fille du père. Ils n'ont aucune proposition personnelle, ne sont souvent même pas en photographie sur la profession de foi nationale :généraliste, identique pour tous et sans rapport avec les élections du moment ; tous les gars de la marine se rangeant derrière l'icône conquérante.
Ces candidats récoltent sans semer à moins que ce ne soit la haine et la peur. Ils reçoivent les dividendes d'une exaspération sans limite, d'un ras-le-bol gigantesque, nourri savamment par les candidats des deux camps frères ennemis. Ils n'ont rien à dire, rien à proposer et pourtant, sans rien faire, ils atteignent les sommets. Ils piétinent les véritables candidats des alternatives possibles, qu'ils soient au Front de gauche ou bien derrière Dupont-Aignan, qu'ils se rangent dans une pensée souverainiste ou bien plus libertaire. Ceux-là, sont balayés comme fétus de paille quand les silencieux, les candidats fantoches raflent la mise sans rien dire ni rien faire.
Ces candidats de l'impossible ont le mérite de démontrer à quel point le vote est une mascarade. Les électeurs agissent sans réflexion, sans comparaison, sans peser les arguments. Ils préservent leurs avantages en se tournant vers les partis immobiles ou bien ils se tournent vers le vote crachat. C'est une roulette sans espoir où systématiquement sont éliminés ceux qui pensent par eux-mêmes.
C'est la logique des partis qui l'emporte. Les partis de l'établissement d'un côté et le parti du pire de l'autre. Le front haut, les porteurs de la flamme nationale s'apprêtent à rentrer dans des conseils départementaux sans la moindre connaissance réelle. Ils rejoindront ceux qui obéissent aux directives des chefs. Nos futurs conseils départementaux seront un savant dosage entre de gentils béni-oui-oui d'un côté, et de vrais méchants de l'autre. Tout va bien dans une démocratie de façade qui sélectionne les moins bons d'entre tous !
Vote-blanchement leur.
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