Cette année, le foie gras on s’en passera !
Les badauds, nombreux ce samedi 3 décembre à Nice, s’approchent des banderoles qui drapent le stand installé sur la zone piétonne. L’étonnement. L’écoeurement. Beaucoup de moues, les yeux se plissent et les visages se ferment.

Le gavage des canards et des oies leur apparaît loin d’être un acte naturel et sans violence. Des pancartes dévoilent d’autres traitements infligés dans les hangars à production, les transports et les abattoirs, aux animaux traités "d’utilitaires". Des regards se détournent. Ne pas voir. Ne pas savoir. Pour continuer à ce faire plaisir. D’autres coups d’œil balaient les photos sans vraiment s’attarder. Le samedi on est pressé. Mais l’image a été vue...
Les affiches conçues par Stop Gavage sont éloquentes. Souillé de bouillie de maïs et le bec accroché aux barreaux de sa geôle, celui qu’en d’autres occasions on nomme affectueusement "Duffy" veut s’échapper ou se tapir au fond de son étroite cage. Impossible. Le tube en métal s’approche. Et s’approche encore.
Brusquement une main saisit fermement son cou. Violemment le tube s’engouffre au plus profond de sa gorge, atteint l’estomac et la mixture se répand. Régurgiter, régurgiter. Ça lui fait mal. Il ne peut pas. La main l’en empêche. Il doit tout garder dans son estomac. Autour de lui, ses congénères subissent le même sort. Le stress l’envahit. La souffrance l’habite. Dans quelques heures tout va recommencer. Dans quelques semaines il deviendra foie gras. Même à l’abattoir, pas sûr que la mort soit instantanée. Parfois le canard se vide de son sang conscient.
Le visage interrogateur et les sourcils froncés, un gamin s’approche de l’affiche. "Allez, bouge-toi !! Qu’est-ce que tu regardes ça ??", lance le père contrarié et déjà loin. D’autres personnes s’approchent des tables du stand pour consulter des documents plus explicatifs. Beaucoup découvrent. Le foie gras, foie malade, est bel et bien la résultante de mauvais traitements de l’animal gavé. Rappelons que la production de foie gras est déjà interdite dans plusieurs pays de l’Union. Les feuillets de la pétition se remplissent. Avec certains, le contact se fait et le dialogue s’engage. Les avis sont partagés, mais il y a des arguments convaincants. Si on fait avaler par force 10 kg de spaghetti plusieurs fois par jour à un être humain... sera-t-il content ? Souffrira-t-il ?
Comme par défi, deux-trois personnes s’approchent avec un large sourire pour clamer qu’elles "aiment manger du foie gras et qu’on ferait mieux de s’occuper de la misère humaine !". L’une d’entre elles, une lycéenne aisée, ne manquera pas d’avouer clairement qu’elle-même ne fait rien contre la misère humaine. Alors ? Plus sensibilisé par les pancartes, son copain repart en scandant "Le foie gras des oies... arrêtez-ça !"...
Le dimanche matin est plus calme. Un homme SDF d’une cinquantaine d’années s’approche du stand. Il semble méditer. Le dialogue s’installe. Lui aussi est outré par la souffrance qu’on inflige aux palmipèdes. Du foie gras, ce toulousain d’origine n’en mangera pas. C’est pas une question d’argent. C’est une question d’éthique. La venue d’une journaliste et d’un photographe de Nice Matin sur ce stand de sensibilisation et d’information donnera un article dans les pages régionales. Un homme "costard-cravate-cigare" s’approche de certaines photos. Il regarde intensément, un long moment. S’approche du stand et consulte un tract. Sans mots il part. Son regard a changé.
Certains repassent au stand. La veille, à la vue des images et après avoir dialogué avec des militants, ils ont réfléchi. "Ça m’a calmé, j’achète plus de foie gras", lance fièrement un jeune orné de piercing revenu exprès au stand. Un professeur de lettres à la retraite revient lui aussi d’un pas vif : "J’ai déjà signé hier, et merci. Merci pour cette phrase sur votre banderole que je cherche depuis longtemps : "De l’éthique dans votre assiette". Merci, et bravo". Affublée d’un manteau de fourrure, une vieille dame lance aux militants : "Tout le monde souffre, on est né pour souffrir. C’est comme ça". Argument pertinent !
L’équipe de militants adressera un grand merci à Monique. Descendue exprès de Pégomas, c’est humblement qu’elle a déposé au stand une pétition rédigée de sa main d’une trentaines de signatures contre le foie gras. La description des conditions du gavage des canards et des oies diffusée sur Cannes Radio l’a touchée. Quant aux deux personnes qui ont pompeusement déclaré que "les oies aiment qu’on les gave !".... No comment.
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