Charlie... Des couacs en rafale !
Au-delà de la théorie du complot, très en vogue par les temps qui courent, de ceux qui sont Charlie, ou pas, une chose devient évidente : ce qui s’est passé le 7 janvier, et les jours d’après, n’aurait jamais dû arriver.
Ils sont quand même 2% de nos concitoyens à être fermement convaincu d’un complot, et si 16% des français estiment qu’il y a des zones d’ombre, il reste tout de même 70% qui valident le fait que ces attentats ont été planifiés et réalisés par des terroristes islamistes, alors que 12% ne se prononcent pas. lien
Sur ce sujet, Jean-Yves Camus, l’un des membres de l’équipe Charlie, survivant du massacre, s’est exprimé dans les colonnes du numéro des survivants : « la théorie du complot possède cette particularité qu’elle est impossible à démonter : chaque élément apporté pour la déconstruire est interprété par les complotistes comme une « preuve » supplémentaire qu’ils ont raison ».
Pour prolonger sa réflexion, on peut aussi écouter le témoignage éclairant de Luz, l’un des autres rescapés du massacre. vidéo,
Au-delà de ça, des questions essentielles restent posées et elles concernent les moyens qui avaient été mis en place (ou pas) pour empêcher de pareils actes.
C’est une fois de plus le Canard Enchainé qui a « tiré le premier », dans son édition du 14 janvier 2015, en publiant une info qui n’a pas, c’est le moins qu’on puisse dire, été relayée par les grands médias traditionnels.
Mais avant tout, il est nécessaire de faire un petit retour en arrière pour mieux comprendre ce qui s’est passé.
On se souvient que le syndicat policier Alliance avait réclamé en haut lieu que la surveillance des locaux de Charlie, impliquant jusqu’à 9 policiers, soit levée immédiatement, expliquant, le 4 avril 2013 dans un tract sans nuance, (photo) que cette protection était « inadmissible et de luxe », se basant sur « leur bonne intuition ». lien
Selon le Canard Enchaîné, la préfecture n’avait pas donné suite, mais la « garde statique permanente » devant le siège de l’hebdo avait été remplacée dès septembre par de simples rondes aléatoires, comme ont pu le constater les agresseurs du 7 janvier 2015.
L’un des responsables du tract, un certain Pascal Disant, interrogé après le drame que l’on sait, avait pourtant persisté et signé : « si 3, 4 ou 5 policiers avaient été postés devant les locaux, il y aurait eu simplement plus de policiers tués »…ce qui laisse planer un doute sur l’efficacité des forces de police. lien
On savait aussi que Coulibaly, dont le nom figurait dans les fichiers de l’antiterrorisme, avait été contrôlé par hasard le 30 décembre 2014 au volant d’une voiture, quelques jours avant l’attentat que l’on sait…sans être autrement inquiété. lien
La hiérarchie avait bien été prévenue, mais n’avait pas donné suite…lien
Pourtant la fiche de Coulibaly portait la mention AT P J02, ce que l’on peut décoder comme suit : AT= « anti-terrorisme », et PJ02= « obtenir un maximum de renseignements sans attirer l’attention du suspect, considéré comme dangereux et appartenant à la « mouvance islamiste ». lien
En tout cas, comme l’écrivait « le Canard Enchaîné », 10 jours avant le massacre, la police avait perdu la trace de Coulibaly. lien
Ajoutons quand même que le frère du patron de l’épicerie casher avait révélé avoir vu Coulibaly repérer les lieux quelques jours plus tôt. lien
Mais il y a mieux…si l’on peut dire.
C’est dans le courant de l’été dernier, quelques temps après que la surveillance ait été relâchée autour des bureaux de Charlie Hebdo, que ça s’est passé.
Extrait de l’article du « Canard Enchaîné » du 14 janvier 2015 signé Didier Hassoux : « 2 individus déboulent rue Appert, où se trouvent les bureaux de l’hebdomadaire. Ils veulent connaitre l’adresse exacte et interrogent à la volée, dans la rue, un voisin, journaliste à l’agence de presse toute proche. Le ton est menaçant. À tel point que ce confrère en réfère au commissariat du 11ème arrondissement. Il décrit les individus, transmet l’immatriculation de leur voiture. Un procès verbal est dressé »...sans suite. lien
S’agissait-il des frères Kouachi ?
Peut-être, ce qui est sur c’est que 2 personnes sont allées en repérage, qu’elles ont été signalées aux force de l’ordre, et que ça n’a servi à rien.
Pour en revenir à Didier Hassoux, il avait couvert à l’époque l’agression que Charlie Hebdo avait subi en novembre 2011, l’incendie avait, on s’en souvient, privé l’hebdo de ses locaux.
Déjà, le Canard Enchaîné s’était étonné du peu de surveillance dont avait bénéficié Charlie, et si la Préfecture avait bien envisagé la possibilité d’un tel attentat, elle disait avoir renoncé à le prévenir, « faute de moyens »…12 000 membres des forces de police étant retenus au G20 de Cannes. lien
Malgré les forces importantes prévues pour ce sommet mondial, on pouvait tout de même imaginer que quelques membres des forces spéciales auraient pu être mis en vigie près du journal menacé une nouvelle fois le 31 octobre.
Les gendarmes de Guéant avait envisagé la pose d’une caméra thermique, repoussant la décision au lendemain de la Toussaint…trop tard ! lien
On se souvient aussi de la trouble affaire Merah, dont on savait qu’il était sur la liste noire des personnes interdites de vol aux USA. lien
L’histoire serait donc un éternel recommencement ?
Mais revenons aux frères Kouachi et relevons un aspect plutôt glauque de leur vie de tous les jours, puisque Chérif Kouachi, accusé de complicité lors de la tentative d’évasion de plusieurs détenus incarcérés pour des faits de terrorisme, avait passé 5 mois en prison.
Or une enquête faite dans sa planque à cette époque avait révélé qu’il détenait dans son ordinateur des photos de petits enfants se faisant violer par des adultes…images que Kouachi avait tenté d’effacer, ce qui fera dire au juge d’instruction : « je vous avise que, s’agissant des images pédopornographiques (…) un soit-transmis (copie de procès verbal) à été envoyé au procureur de la république ».
Depuis le drame que l’on sait, on ne peut que déplorer que l’affaire ait été classée.
Oublions cet aspect sordide de l’affaire et découvrons les infos publiées en amont sur le site tunisien « Tunisie Secret » sous la plume de Nebil Ben Yahmed, « en 2012, Saïd Kouachi a passé ses « vacances d’été » en Tunisie, probablement à Hammamet. en janvier 2013, Chérif Kouachi s’est rendu en Tunisie (…) suivi par son frère Saïd, (…) après avoir suivi un stage de « perfectionnement » dans le maniement des armes (…) les frères Kouachi ont dû regagner la France il y a 3 ou 4 mois parce qu’ils avaient une mission à accomplir ». lien
Difficile d’imaginer que les services spéciaux français n’étaient pas au courant de tout ça ?
Plus grave encore, c’est que, tout comme pour Coulibaly, la trace des Kouachi avait été rapidement perdue.
En effet, s’il faut en croire Didier Hassoux, les deux frères avaient quitté leur planque parisienne, (peut-être parce qu’ils se savaient surveillés) et avaient déménagé dans la région de Reims.
Les dirigeants de la SRPP (direction du renseignement de la préfecture de police de Paris, avaient prévenu aussitôt la DGSI, (direction générale de la sécurité intérieure) lors d’une réunion de coordination…le hic, c’est que cette DGSI n’a pas demandé à l’époque à ses correspondants champenois de prendre le relais.
Les deux frères sont donc restés sans la moindre surveillance pendant 6 mois, préparant tranquillement l’attentat que l’on sait.
Aujourd’hui la réponse gouvernementale a été de déployer 10 000 militaires dans les rues des grandes villes. Or le nombre de terroristes soupçonné de préparer un attentat fluctue entre 300 et 3000…et d’après les services du 1er ministre, ils seraient 1400 candidats à vouloir partir faire le djihad en Syrie et en Irak, alors qu’ils n’étaient qu’une trentaine dans ce cas à la mi-2012, le chiffre des étrangers impliqués en Syrie atteignant 11 000. lien
L’ex-juge d’instruction Gilbert Thiel, très impliqué alors dans la lutte antiterroriste, aujourd’hui adjoint à la sécurité en mairie d’Epinal, est plus précis, affirmant que « 1167 terroristes potentiels ont été recensés ». lien
Les services de l’état estiment qu’il faut 25 policiers pour surveiller une seule personne, ce qui mobiliserait donc près de 30 000 policiers, ce qu’on pourrait trouver exagéré, et un haut responsable d’ajouter « de toutes façon il est quasiment impossible de les filer en permanence ». lien
Pourtant, si l’on veut bien s’en souvenir, les gendarmes qui avaient contrôlé Coulibaly le 30 décembre n’avaient pas besoin d’être très nombreux pour l’arrêter, empêchant en tout cas provisoirement, le carnage de l’épicerie casher.
Idem pour les frères Kouachi, si les responsables du commissariat du 11ème avaient donné suite au procès verbal dressé à la fin de l’été 2014, les martyres de Charlie seraient peut-être toujours vivants…mais avec des si…
Comme le dit Lawyer, un blogueur de Médiapart, des têtes devraient tomber. lien
En tout cas, en ce début d’année, l’efficacité policière n’était pas exempte de failles, …mais comme dit mon vieil ami africain : « être aimé par des cons, c’est dur, être haï par des amis, c’est pire ».
L’image illustrant l’article est signée David Pope
Merci aux internautes pour leur aide précieuse.
Olivier Cabanel
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