Être ou ne pas être en démocratie
Alors que la majorité des électeurs votaient normalement dimanche dernier avec des bulletins de vote, une partie d’entre eux a utilisé le vote électronique. Ce mode de vote est radicalement différent, il n’y a plus de bulletins de vote.
Donc, très logiquement, la journée s’est déroulée en parfaite harmonie officielle avec l’article III (3e alinéa) de la Constitution : « Le suffrage (...) est toujours universel, égal et secret ». Bien noter le terme "égal", un peu coincé entre le grand "universel" et le timide "secret", tout cela sous l’escorte imposante de "toujours".
Bref, passons.
Nous avons tous eu des échos des problèmes posés par cette nouvelle procédure de vote : formation de files d’attente, difficulté pour de nombreuses personnes à voter, etc.
Ces aléas peuvent être imputés à la nouveauté de la chose. Il est regrettable d’avoir largement mis en place le vote électronique pour l’élection présidentielle, alors que la procédure était encore peu sûre. Tant pis, c’est fait.
Les bureaux de vote vont
se roder, les électeurs vont se familiariser avec le nouveau
matériel. Ces errements de mise en route devraient bientôt
être oubliés et les élus renoueront avec le
discours habituel : « Tout s’est bien passé »,
ou encore « nous n’avons pas enregistré de
résultats anormaux » (sic ! Qu’est-ce qu’un
résultat anormal ?).
Reste le problème fondamental, qui n’a rien à voir avec les files d’attente ou le manque d’ergonomie : le vote électronique, tel qu’il est pratiqué en France, est opaque. Il est impossible aux citoyens de vérifier directement que leur vote est correctement compté.
Cette vérification est également impossible pour les membres du bureau de vote, ou encore pour les délégués des partis ou le ministère de l’Intérieur. Si la machine (peu faillible, mais fabriquée par des humains largement faillibles et corruptibles) modifie quelques votes (par erreur, ou par fraude), personne ne peut s’en apercevoir.
La transparence du vote n’est pas une option. Il s’agit au contraire d’une condition indispensable pour que le vote ait un caractère démocratique.
Il faut se souvenir que la démocratie n’est pas seulement un mot qui fait joli. La démocratie a un sens précis : le pouvoir au peuple. C’est ce que rappelle l’article II (5e alinéa) de notre Constitution : « [Le] principe [de la République] est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ».
Dans un régime de
démocratie représentative comme le nôtre, le
peuple se défait volontairement de ses pouvoirs pour le
confier aux élus qui le représentent. Cette délégation
est importante : le peuple se défait de tous ses pouvoirs
y compris la justice, la police, etc. Si un policier peut m’arrêter
dans la rue, c’est uniquement parce qu’il tient ses pouvoirs de son
ministre qui est dans un gouvernement nommé par le Premier ministre choisi par le président, lui-même élu
par le peuple. Sans cette délégation de pouvoir, cet
humain en uniforme bleu et casquette n’aurait aucun droit sur moi.
Donc le peuple se défait de son pouvoir au profit des élus. Il n’en garde qu’une once pour, le jour des élections, contrôler directement que cette délégation de pouvoir (l’élection des représentants) se déroule bien, honnêtement, sans fraude. Le vote avec bulletins papier et urne transparente permet à chaque citoyen d’exercer ce contrôle, parce que chacun en a le droit (c’est la loi) et parce que tous en ont la capacité (même un enfant de dix ans peut comprendre un dépouillement ou surveiller une urne transparente).
Ce mode de vote simple, amélioré pendant plus d’un siècle, garantit de manière éclatante les principes fondamentaux de tout vote démocratique : transparence, confidentialité, unicité, sincérité, anonymat.
A contrario, le vote électronique est une procédure absolument opaque qui, en plus d’échapper au contrôle de tous les citoyens (n’est-ce pas déjà disqualifiant ?), présente des faiblesses quant à la confidentialité, l’unicité et l’anonymat. Quant à la sincérité, je ne sais plus quoi en dire, elle a disparu. Comme il est impossible de vérifier les résultats, il est impossible de prouver que le dépouillement est sincère. Et il est tout aussi impossible de prouver une fraude.
On est bien avancé !
Le vote électronique représente un danger majeur. Si le peuple se laisse défaire du pouvoir de contrôler les élections, seul moment entre deux délégations de pouvoir où il recouvre son autorité, il ne lui reste alors plus rien. C’est la fin de la démocratie réelle, avec de vraies élections, et le début d’un régime qui n’a pas de nom dans lequel on joue à la démocratie.
Très peu pour moi !
Signer la pétition demandant la suspension de toute utilisation d’ordinateurs de vote : www.votepapier.org.
Cette pétition
a déjà recueilli plus de 82 000 signatures.
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