Faire le pari des régions, car toutes les régions sont capitales !
La création d’un secrétariat d’Etat dédié à la Région capitale montre que décidément Nicolas Sarkozy n’est pas à la hauteur des enjeux institutionnels et démocratiques du temps.
Ce geste est en effet une rupture de certains principes démocratiques, une erreur de cible au regard des enjeux européens et la permanence d’un regard politique parisiano-centré.
Il n’est pas question de nier ici l’importance de la question de la création du Grand Paris. Il est évident qu’aujourd’hui la vie économique et la vie quotidienne de Paris et de ses voisins immédiats sont très liées. Pour autant, cette situation n’est pas propre à la capitale.
Partout aujourd’hui, ou presque, les grandes orientations politiques en matière de développement économique, de transport, de déchet ou de logement sont définies à l’échelle des bassins de vie, au-delà des frontières communales.
Le législateur a favorisé ce mouvement par les lois dites « Chevènement » (communautés d’agglomérations) et « Voynet » (projet de pays).
Mais partout où des communes ont cherché à se rassembler sur la base de ces lois, elles l’ont fait en toute autonomie, à leur rythme et en définissant des périmètres et des compétences adaptés aux contextes locaux, quitte à ménager des phases de transitions.
Il est donc curieux de voir l’Etat créer un poste gouvernemental pour conduire la discussion entre collectivités sur un espace précis du territoire, aussi stratégique soit-il. Tout élu honnête est en droit de s’inquiéter de cette mise sous tutelle à peine déguisée de communes et Conseils régionaux ou département librement élus et administrés.
En réalité, Nicolas Sarkozy se trompe de cible au regard des enjeux européens. La création du Grand Paris est un besoin pour le quotidien de ses habitants, mais pas une urgence pour inscrire cette région dans le concert européen.
En effet, l’Île-de-France est suffisamment armée pour cela. Elle concentre tellement de centre de décisions, de nœud de transport et d’équipement public qu’elle exerce sans peine une attractivité européenne.
La responsabilité du président de la République et de son équipe est plutôt de veiller à ce que les autres régions puissent elles aussi inscrire leurs actions et leur économie dans un espace européen structuré autour de grandes régions puissantes (Lands allemands, Provinces autonomes d’Espagne, Coste et Pays-de-Galle...). Pour réussir ce pari, il faut que l’Etat crée les conditions pour que les régions aient une taille adaptée, mais en veillant à ce qu’elles correspondent à un espace vécu et perçu.
Qui ne voit qu’une Normandie réunie ou qu’une Bretagne renouant avec Nantes constitueraient des espaces conciliant ce double enjeu de la taille critique et de la lisibilité ?
Celui qui va bientôt présider l’Union européenne pour six mois aurait eu une attitude adaptée aux circonstances s’il avait missionné un membre du gouvernement sur la place des régions en Europe, et non sur la seule question parisienne. Et on sait que cette question ne se résoudra pas que par des problèmes de taille et de périmètre, mais aussi par une autonomie de décision comparable entre nos régions et leurs voisines européennes. La Catalogne ou l’Ecosse prennent des initiatives déterminantes pour leur avenir là où la Bretagne ou l’Alsace sont bridées par leur Etat central.
Cela aurait pu être le rôle d’un secrétaire d’Etat aux collectivités locales de travailler le sujet.
Mais il est de notoriété publique que si M. Marleix a été nommé à ce poste, c’est en raison de son habilité supposée à opérer un tripatouillage des circonscriptions électorales...
Mais, s’il ne prend pas la mesure de ces enjeux, c’est parce que Nicolas Sarkozy perpétue et amplifie un regard parisiano-centré. Ce président issu de Neuilly et des Hauts-de-Seine veut garder la main sur son territoire, oubliant de prendre de la hauteur.
Un responsable politique de ce niveau ne peut pourtant méconnaître que la France est un Etat hypertrophié. En effet, l’Île-de-France concentre sur seulement 1,8 % du territoire français :
18 % de la population, 22 % des emplois et 27 % du PIB de la France. Cette concentration contre nature est, on le sait, source de problèmes sociaux, environnementaux, énergétiques...
Elle concentre ensuite les principaux leviers de la décision publique, favorisant ainsi le regroupement des centres économiques et étouffant de fait les opportunités de développement des vingt et une autres régions.
La création du secrétariat d’Etat au Grand Paris révèle donc une absence d’ambition face à la sclérose institutionnelle de la France et une conception napoléonienne de la relation avec les élus locaux. Loin de ces vieux schémas, il est temps de faire le pari des régions, car toutes les régions sont capitales.
Yann SYZ
Adjoint au maire de Lorient
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