Garde à vue, 4 arrêts importants de la Cour de Cassation du 15/04/2011
L'Assemblée Plénière de la Cour de Cassation vient de rendre 4 arrêts fondementaux concernant la conformité du système français de la garde à vue avec la Convention Européenne des Droits de l'Homme.
Ces arrêts confirment notamment que le fait que le gardé à vue ne soit pas assisté au cours des interrogatoires n'est pas conforme à l'article 6 de la CEDH.
Ces arrêts innovent en ce qu'ils donne la possibilité au justiciable français d'invoquer immédiatement la jurisprudence européenne en la matière la ou le Conseil constitutionnel et la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation reporté au 1er juin les effets de leurs décisions laissant un délai au législateur pour adapter la loi pour des raisons de sécurité juridique et de bonne administration de la justice.
Ces 4 arrêts sont susceptibles de remettre en cause toutes les gardes à vue en france actuellement.
Le 15 avril 2011, l'Assemblée Plénière de la Cour de Cassation a rendu 4 arrêts concernant la conformité du système français de garde à vue à la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales.
Le 1er est un arrêt de cassation sans renvoi, les 3 autres sont des arrêts rejetant le pourvoi du Ministère Public.
Les faits des 4 espèces étaient identiques et forts simples : Un étranger en situation irrégulière est placé en garde à vue et sollicite l'assistance d'un avocat. Les services de Police avisent l'avocat de permanence mais n'attendent pas son arrivée pour procéder à un interrogatoire.
Faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière, la personne sort de garde à vue pour être immédiatement placée en centre de rétention administrative dans l'attente de son expulsion. Mais elle ne peut y être maintenant que 48 heures sauf si le Juge des Libertés et de la détention décide de prolonger la période de rétention.
La personne est donc présentée au Juges des Libertés et de la détention qui dans les trois premières affaires juge qu'il n'y a pas lieu au maintien en rétention au motif que la procédure de garde à vue est irrégulière. Le Juge relève que la personne n'a pas pu bénéficier de l'assistance effective d'un avocat dès le début de sa garde à vue et qu'elle a été entendue hors la présence de celui-ci.
Le Parquet fait appel mais les Cours d'Appel confirment les décisions de première instance.
Dans la quatrième affaire, le Juge valide la procédure mais l'intéressé fait appel et la Cour valide la décision du premier juge.
La Cour de Cassation est donc saisie de quatre pourvois dans quatre affaires traitant d'une même question.
Les quatre arrêts de ce jour rendus par l'Assemblée Plénière de la Cour de Cassation, ce qui souligne la valeur de ces arrêts, jugent d'une part que l'impossibilité pour le gardé à vue d'être assisté d'un avocat dès le début de la garde à vue et au cours des interrogatoires est contraire à l'article 6 de la Convention.
Cela n'est pas une nouveauté car d'une part la Cour Européenne des Droits de l'Homme s'était déjà prononcée en ce sens tout comme le Conseil Constitutionnel et la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation.
Toutefois, le Conseil Constitutionnel et la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation avaient reporté les effets de leur décision dans le temps au 1er juin 2011 afin de permettre au législateur d'adapter le droit français en tenant compte d'impératifs de sécurité juridique et de bonne administration de la justice.
Le raisonnement retenu avait ceci de curieux que la non conventionalité du système français était reconnue sans pouvoir être invoquée immédiatement.
Or dans l'arrêt n°589 de ce jour (n° pourvoi 10-17.049), l'Assemblée Plénière juge que "les Etats adhérents à cette Convention sont tenus de respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, sans attendre d’être attaqués devant elle ni d’avoir modifié leur législation ;"
Autrement dit, un justiciable français peut invoquer devant les juridictions nationales les arrêts rendus par la Cour Européenne des Droits de l'Homme immédiatement et ne peut se voir opposer le report dans le temps des décisions rendues par les juridictions nationales.
La Cour juge donc que la non conventionalité du droit français est d'application immédiate.
L'Assemblée Plénière juge ensuite "pour que le droit à un procès équitable consacré par l’article 6 5 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales soit effectif et concret, il faut, en règle générale, que la personne placée en garde à vue puisse bénéficier de l’assistance d’un avocat dès le début de la mesure et pendant ses interrogatoires ;
Ces 4 arrêts sont de nature à remettre en cause immédiatement la quasi totalité des gardes à vue en France car dans la pratique, il n'est pas rare que les services de Police procèdent à des interrogatoires avant même que l'avocat du gardé à vue ne soit présent au commissariat. Surtout, la loi actuelle ne prévoit pas que l'avocat assiste son client au cours des dits interrogatoires. Elle ne lui octroie que la possibilité de s'entretenir 30mn avec son client.
La loi nouvelle sur la garde à vue à certes été votée mais n'est pas encore entrée en vigueur. Le texte ancien continue donc de s'appliquer.
Pire, le texte nouveau apparaît à certains comme n'étant pas conforme à la CESDH.
Vous trouverez via ce lien les 4 arrêts rendus par la Cour de Cassation ainsi qu'un communiqué de la Président expliquant le sens et la portée de ces arrêts.
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