La classe moyenne est-elle aux commandes de notre pays ?
La classe moyenne figure en bonne place parmi les plus courtisées de notre pays. Cette majorité est caressée dans le sens du poil, le gouvernement et les journalistes en font presque le sujet de toutes leur attentions. Mais qui sont-ils exactement ? En effet, le don d’être "moyen" est assez difficile à définir, il est variable suivant le point depuis lequel on se place : du citoyen au consommateur en passant par le travailleur, il y a autant de perspectives qui pourraient faire de nous des êtres "moyens". Un sondage sur expression-publique dresse le profil de la classe moyenne, ainsi en France 82 % des personnes interrogées estiment appartenir à la classe moyenne. Le critère principal d’appartenance est le revenu (indépendamment du capital), il va de 1500 euros à 4000 euros mensuels, la plupart sont des travailleurs salariés qui visent prioritairement à être propriétaires de leur résidence. On voit ici que le critère est large et que chacun voudrait être moyen ! Et pour cause, on les cajole, le catalogue des mesures pour l’emploi proposé par Dominique de Villepin s’adresse d’abord à ceux-là, elles déclinent assez précisément les attentes qu’on lit dans ce sondage : faciliter l’accession à la propriété, permettre de continuer à travailler lorsqu’on a des enfants, améliorer la protection sociale, chèques-transport : uniquement des mesures que l’on dirait d’une gauche au service de la classe moyenne. Certes, tous les désirs qu’on y voit ne sont pas socialistes, ainsi 82 % pensent que l’exonération sur les patrimoines ferait du bien aux classes moyennes et 61% estiment que la prime pour le retour à l’emploi est sans effet, même si 74 % se sentent menacés par la paupérisation. Ce profil psychologique est tout à fait intéressant, il témoigne d’une inquiétude pour l’avenir, d’un besoin de sécurité, mais également d’une envie d’amélioration de la situation matérielle. Il s’agit de sentiments bien humains, mais y a-t-il là une vision d’avenir ?
La politique se bornerait-elle à expliquer aux classes moyennes qu’on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre ! Quid alors de l’idéologie ? Ainsi, la question environnementale, qui n’entre pas dans les préoccupations à court terme de ceux-là, n’est pas traitée sérieusement. On continue sans rire à proposer des chèques-transport pour diminuer les frais d’essence des travailleurs moyens. Il y a une véritable responsabilité politique à prendre mais on continue de concevoir la chose économique comme indépendante de l’écologie, dans une schizophrénie dangereuse.
Il est bien entendu que pour diriger une démocratie, il est bien difficile de se passer de la classe moyenne, il y a de nombreuses raisons à cela : c’est la plus grande réserve de consommateurs et le meilleur réservoir de votes. Ces deux raisons sont largement suffisantes pour en faire le noyau d’une démocratie, mais à moins d’avoir inculqué la responsabilité du futur à cette masse (est-ce impossible ?), ce n’est pas suffisant pour diriger un pays. C’est une sorte de victoire tardive du socialisme dans sa conception d’une société de classe, mais également c’est le déni projet de société au profit d’un projet de classe. Cela relève aussi d’un certain processus d’industrialisation dans la manière de faire de la politique, et d’une dérive insidieuse vers la technocratie, où il s’agit de suivre les indicateurs au lieu de dessiner des projets de sociétés. Le futur nous dira si on avait raison de prétendre que la démocratie était le moins mauvais des régimes.
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