La liberté ne guide plus nos pas !
Le courage non plus d’ailleurs. Insidieusement, disons depuis les premières années de la décennie 80, la liberté a doucement disparue de la sphère publique et de la vie individuelle. Cela commence grossièrement en France à la fin premier gouvernement Maurois, de façon concomitante avec l’apparition du sida, des premiers balbutiements audibles de l’écologie politique et de la crise économique. En Europe et dans le monde, c’est l’élargissement de l’Union européenne, la guerre des Malouines, les premiers glapissements de l’environnementalisme, le pontificat de Jean-Paul II en même temps que l’apparition de l’islamisme radical et aussi, bien entendu, le sida.
La France et l’Europe se complaisent dans une facilité et félicité douceâtre qu’en d’autres temps on aurait qualifiée de louis-philipparde ou de biedermeier de l’autre côté du Rhin. Les gauchistes et les maoïstes auraient dit petit-bourgeois. Le Chant du départ de Méhul et de Chénier n’a plus aucun sens aujourd’hui, les Français dans leur ensemble, mais aussi quasiment tous les Européens, à l’exception des Russes et des Serbes, sont devenus peureux, frileux, ne cherchant plus que la tranquillité et l’absence de nuisances. Le bonheur n’est plus l’idée neuve de Saint-Just. La liberté est devenue un concept de droit civil, elle ne vient plus des tripes, car qui dit liberté, la « liberté chérie » de La Marseillaise, dit prise de risques. Et de risque, plus personne ne veut en prendre. Alors s’installe la tristesse consensuelle, les défenseurs des droits de l’homme ont remplacé les soldats de l’an II.
Les premiers signes de libération de l’individu du carcan moral issu du XIXe siècle et imposé par le gaullisme apparaissent avec la loi Neuwirth sur la contraception, élaborée par un gaulliste progressiste en 1967. La libération des moeurs et l’explosion des libertés individuelles culmine en 1975 avec l’adoption de la loi Weil sur l’avortement et le déclin des libertés coïncide avec les premiers cas de sida vers 1982. Troublant, mais y a-t-il relation de cause à effets ? Cela est très difficile à démontrer, il peut s’agir uniquement de coïncidences, certes, mais il est aussi probable, que la société acceptant la libération de la sexualité ait eu par réflexe, le besoin de répression d’un autre ordre. D’où les restrictions sur le tabac, l’alcool, l’automobile et la reprise de la morale sexuelle venue des Etats-Unis. Le sexe était trop libre, cela ne pouvait plus durer. Car les censeurs en tout genre, reviennent toujours à leurs vieilles lunes. Harcèlement sexuel au bureau traqué dans la moindre allusion graveleuse, pédophile considérée comme omniprésente et pourchassée avec le succès que l’on sait à Outreau. En même temps, les sites pornos pullulent sur le net, mais les cinémas de même type sont vides ou ont déjà fermé. Beaucoup consomment du sexe sur internet, mais en catimini.
Même, hors d’Europe, malgré le libre marché des armes et l’esprit cow-boy de pacotille, les Américains, qui avaient applaudi à tout rompre la première guerre du Golfe, sont de plus en plus nombreux à condamner la seconde. Car la première ressemblait à un jeu vidéo où l’on voyait les bombes s’écraser sur l’Irak, mais quasiment sans pertes pour les GI’s. La seconde a vu plus de 3 000 morts, probablement 5 000 si on compte ceux morts ensuite de leurs blessures hors du territoire irakien et les privés des milices de sécurité qui ne sont pas comptabilisés. Les Américains n’ont pas eu une compassion soudaine pour les Arabes, ils ont simplement compté leurs morts. En Europe, le dernier regain de courage pour défendre la liberté et l’honneur date du début des années 80 avec l’IRA et ses grévistes de la faim et la Grande-Bretagne capable de déclencher une guerre pour récupérer les moutons les plus chers du monde aux Malouines (eux ils disent Falkland). Des Anglais se battant comme des lions contre des Argentins tout aussi courageux et bellicistes pour quelques îlots du bout du monde. Cela dit, ce fut probablement la première et la dernière guerre propre, sans victimes civiles, sans torture, sans attentats. Et l’opinion publique anglaise sut alors soutenir à fond Margaret Thatcher et le royaume. On était loin des pitreries larmoyantes de Diana.
Mais il n’y a pas que les exploits guerriers qui aient disparus. Les fantasmes de la jeunesse des années 50 et 60 qui se cristallisaient sur des films devenus cultes comme La Fureur de vivre ou L’Equipée sauvage, avec James Dean et Marlon Brando en héros mythiques ne se sont plus reproduits depuis les années 80. Louis Malle ne ferait plus de film comme Le Souffle au cœur ou La Petite de nos jours, on ne peut plus écrire de roman comme Lolita, tout est aseptisé. Oser parler ou écrire sur l’inceste ou la prostitution infantile, c’est se faire lyncher. Qu’on se souvienne de la polémique créée par le petit roman Rose Bonbon ! Qu’espérer d’une jeunesse qui aime Le Seigneur des anneaux ? Le film d’Oliver Stone Tueurs nés- Natural born killers a même été retiré des vidéoclubs après la randonnée mortelle de Florence Rey et de son ami. Prétexte, le couple aurait regardé en boucle le film avant de passer à l’acte et de commettre un carnage. Quelle stupidité, soit dit en passant que cet interdit. Que penser d’un jeune juif gringalet qui, ayant trop lu les livres sacrés, aurait voulu imiter David s’en serait pris avec un nutchaku à un costaud arabe de la taille de Mike Tyson, assimilé à Goliath ? Interdire le Talmud, répondrait à l’unisson de nos jours les partisans du principe de précaution. Cela dit, certains Israéliens ont beaucoup plus de courage que la majorité des Européens, quand il s’agit de défendre leurs idées. On doit le reconnaître, même si l’on est antisioniste et pro-palestinien.
Le sida dès 1982 engendre la peur, il n’y a alors pas de traitement efficace, on ne connaît même pas le virus et les gens tombent comme des mouches. C’est l’époque des 4 H (Hémophiles, Homosexuels, Héroïnomanes, Haïtiens). On plaint les hémophiles, « victimes innocentes » ce qui sous-entend que les autres sont coupables parce que « pédés, toxicos et nègres ». La peur, voire la panique engendrée par la maladie se comprend fort bien, mais elle va se généraliser en peur diffuse de tout ce qui peut être potentiellement dangereux. C’est l’avènement de l’écologie politique, de la défense de l’environnement, du principe de précaution, du tout sécuritaire. Le sida a réussi là où l’Eglise piétinait péniblement. Jean-Paul II, le chantre d’une morale pure et dure dit urbi et orbi « N’ayez pas peur ! » et tout le monde crève de trouille. Si le préservatif est indéniablement utile dans la prévention du sida, la société en arrive à se recouvrir d’un immense préservatif législatif et moral qui la couvrirait, la protégeant de tous les maux de la terre, y compris les plus improbables et les plus imaginaires. Le sida aurait dû entraîner la peur de la sexualité, il a accéléré la peur diffuse de tout.
De nos jours, la peur s’empare de la société européenne. Chaque fait-divers entraîne une loi ou une réglementation drastique. Il suffit qu’un gamin meure dans une cour de recréation ou un accident de car scolaire, heureusement cela n’arrive pas tous les jours, pour que des hordes de parents assiègent les écoles, les ministères et les plateaux de télévision. Le bizutage est en voie de disparition à cause de quelques rares abus. Al-Qaïda est craint au même titre que l’époisses (qui pourrait contenir des bactéries) que le Perrier, avec des traces de benzène, ou qu’un jouet de fabrication chinoise. Je me souviens d’avoir offert un flacon de bain moussant à un petit garçon. Il s’agissait d’un Schtroumpf de 20 centimètres de haut avec une tête de la taille d’une pomme se dévissant. Une étiquette disait : « Ne convient pas aux enfants de moins de 4 ans, risque de suffocation avec le bouchon. » A moins de l’enfoncer au pied de biche dans la gorge du gosse, je ne vois pas comment il aurait pu suffoquer. Nous en sommes arrivés là en Europe, et c’est de pire en pire.
La liberté disparaît
La France, et cela peut paraître paradoxal, n’a jamais été aussi libre que sous le règne de Valery Giscard d’Estaing (je parle des libertés individuelles et non d’économie et de politique intérieure). Et ce depuis au moins la Régence et le Directoire, grandes périodes de liberté de l’histoire de France. Je considère le Front populaire comme une période d’acquis sociaux, mais pas de liberté.
Qu’on se souvienne de Giscard : majorité à 18 ans, avortement, films pornos en salle, regroupement familial qui sonna le glas d’une France mono-ethnique, fin de la censure et de la télévision gaullistes, sécurité routière non fanatisée par des ayatollahs de la ceinture et du gilet réfléchissant. Les années 1967 à 1982 (malgré le sinistre Pompidou dont la principale qualité était de fumer clope sur clope) ont été celles de la liberté en France. Seul le premier gouvernement Maurois a été dans cette ligne, sur des décisions que Giscard aurait probablement prises lors d’un second mandat (abolition de la peine de mort, radios libres…). Et dire que j’étais antigiscardien à l’époque, si j’avais su ce qui m’attendait ! D’ailleurs, Giscard essaya en vain de redonner vie au Chant du départ de Méhul et Chénier en tentant de le remettre au goût du jour, le préférant probablement à La Marseillaise (voir paroles en fin d’article). Mitterrand n’a entretenu l’espoir que pendant moins de deux ans, je ne parle pas de la suite. Il n’a pas « changé la vie » dans le sens que beaucoup de libertaires attendaient.
Le courage disparaît
Les Russes et les Serbes sont les derniers Européens courageux et libres dans la tête malgré des régimes peu démocratiques. Les derniers en Europe ayant le sens de la fête, sans frilosité, sans lâcheté, sans mesquinerie. Les seuls, capables de louer tout un orchestre ou d’acheter toutes les places d’un théâtre pour séduire une femme ou la demander en mariage. Quelle joie aussi de voir les députés russes faire le coup de poing dans l’hémicycle (qui n’en est pas un si je me souviens bien). Je préfère des politiciens qui se tapent dessus par conviction à d’autres qui se votent une augmentation de leur rémunération et de leur retraite en restant bien au chaud à l’abri de leur mandat. Et puis, souvenez-vous de Gaston Defferre en 1967, allant se battre en duel contre le député André Ribière, le dernier duel connu en France à nos jours. Qui oserait faire cela maintenant, sûrement pas Lang ou Douste-Blazy ! Quant aux Serbes, sans justifier les crimes de Karadzic et Mladic, il faut leur reconnaître le courage d’avoir résisté à toute l’Europe au nom de leur identité. Nous nous préparons une société de poltrons, couverts d’assurances et protégée par des lois de plus en plus répressives, qui va mourir de la maladie d’Alzheimer, ou bien d’ennui faute de prendre le moindre risque durant sa longue et affligeante existence.
Dans les années 70, on avait l’homme à la tête de choux, La Marseillaise chantée a cappella devant les paras, de nos jours nous avons les personnages des chansons de Bénabar, véritables têtes à claques que l’on aurait envie de gifler s’ils existaient. De fait, ils existent, ce sont nos voisins et nos collègues qui sont devenus mesquins à force de regarder TF1 et de Grenelle de l’environnement. Imaginez Kropotkine ou Bakounine prenant de nos jours une assurance contre le manque d’enneigement dans une station de ski !
La faute à qui ?
Certains beaux esprits diront que cette dévirilisation de la société est le résultat du féminisme et de l’homosexualité. C’est absolument faux. Le féminisme existe depuis longtemps et, pour parler comme Danton, Olympe de Gouges avait probablement plus de « couilles » que Sieyès, Talleyrand et Fouché réunis. Sans parler de Louise Michel et de Rosa Luxembourg. Quant aux homosexuels, sans remonter aux Spartiates et aux Thébains, ils y en a toujours eu de courageux, voire de téméraires (et aussi de festifs, on ne dit pas gay pour rien). La peur, le manque de courage viennent d’ailleurs. Du confort d’abord (les Belges avec une chute de pouvoir d’achat de 50 % se comporteraient exactement comme des Serbes et des Croates), du psittacisme télévisé ensuite. De la société du risque zéro, qui a la crainte des OGM, des acides gras, des produits chimiques et des jeunes de banlieue, dont la plupart de ceux qui dérapent se calmeraient s’ils recevaient quelques coups de pied au cul éducatifs. L’homme aurait des droits, il n’aurait plus de devoirs ! Des droits gnan-gnan, une soupe tiède que tout le monde doit avaler sans broncher.
Finissons par Danton, un homme libre disant avant sa mort : « Je lègue mon cœur à la France et mes couilles à Robespierre ! ». A quand le retour de l’audace !
Le Chant du départ
Un député du Peuple
La victoire en chantant
Nous ouvre la barrière.
La Liberté guide nos pas.
Et du Nord au Midi
La trompette guerrière
A sonné l’heure des combats.
Tremblez ennemis de la France
Rois ivres de sang et d’orgueil.
Le Peuple souverain s’avance,
Tyrans descendez au cercueil.
La République nous appelle
Sachons vaincre ou sachons périr
Un Français doit vivre pour elle
Pour elle un Français doit mourir
Une mère de famille
De nos yeux maternels ne craignez pas les larmes :
Loin de nous de lâches douleurs !
Nous devons triompher quand vous prenez les armes :
C’est aux rois à verser des pleurs. Nous vous avons donné la vie,
Guerriers, elle n’est plus à vous ;
Tous vos jours sont à la patrie :
Elle est votre mère avant nous.
(Refrain)
Deux vieillards
Que le fer paternel arme la main des braves ;
Songez à nous au champ de Mars ;
Consacrez dans le sang des rois et des esclaves
Le fer béni par vos vieillards ;
Et, rapportant sous la chaumière
Des blessures et des vertus,
Venez fermer notre paupière
Quand les tyrans ne seront plus.
(Refrain)
Un enfant
De Barra, de Viala le sort nous fait envie ; (des enfants soldats, quelle horreur !)
Ils sont morts, mais ils ont vaincu.
Le lâche accablé d’ans n’a point connu la vie :
Qui meurt pour le peuple a vécu.
Vous êtes vaillants, nous le sommes :
Guidez-nous contre les tyrans ;
Les républicains sont des hommes,
Les esclaves sont des enfants.
(Refrain)
Une épouse
Partez, vaillants époux ; les combats sont vos fêtes ;
Partez, modèles des guerriers ;
Nous cueillerons des fleurs pour en ceindre vos têtes :
Nos mains tresseront vos lauriers.
Et, si le temple de mémoire
S’ouvrait à vos mânes vainqueurs,
Nos voix chanterons votre gloire,
Nos flancs porteront vos vengeurs.
(Refrain)
Une jeune fille
Et nous, sœurs des héros, nous qui de l’hyménée
Ignorons les aimables nœuds ; (j’aime beaucoup l’allusion)
Si, pour s’unir un jour à notre destinée,
Les citoyens forment des vœux,
Qu’ils reviennent dans nos murailles
Beaux de gloire et de liberté,
Et que leur sang, dans les batailles,
Ait coulé pour l’égalité.
(Refrain)
Trois guerriers
Sur le fer devant Dieu, nous jurons à nos pères,
À nos épouses, à nos sœurs,
À nos représentants, à nos fils, à nos mères,
D’anéantir les oppresseurs :
En tous lieux, dans la nuit profonde,
Plongeant l’infâme royauté,
Les Français donneront au monde
Et la paix et la liberté.
(On en est loin)
(Refrain)
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