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Accueil du site > Actualités > Citoyenneté > La responsabilité sociale de l’entreprise à l’épreuve de la (...)

La responsabilité sociale de l’entreprise à l’épreuve de la crise ?

De nombreux salariés se plaignent d’un durcissement des modes de management légitimé, aux yeux de certains dirigeants, par un contexte de crise économique. Mais l’effort collectif imposé flirte parfois avec un profond mépris de l’individu. Résultat : chez France Télécom, le climat interne a révélé l’ampleur du malaise social qui se solde par une vague de suicides. Ce drame humain de l’entreprise, ayant également frappé Renault, affecte désormais Peugeot, et depuis peu, Thalès… A contrario, il existe des entreprises qui veillent au bien-être de leurs salariés, et parviennent malgré tout à conserver le leadership sur leur marché. Eric Schmidt, de Google, Eric Jacquemet, PDG de TNT France, ou Franck Riboud, PDG de Danone, comptent parmi ces nouveaux « patrons sociaux » qui ont perçu que la richesse humaine était le meilleur allié du résultat…

Bien-être et développement des compétences : clés de voûte de la productivité du travail ? 

On imagine souvent à tort que la France est en pointe dans le domaine social. Voilà qui devrait malheureusement contrecarrer cette idée reçue : dans les pays anglo-saxons, au Québec, ou encore en Finlande, il existe des « Employee Assistance Programs » destinés à accompagner le salarié dans les cas de stress, de violence, de problèmes conjugaux ou d’addictions… Aux Etats-Unis, 80% des entreprises de moins de 500 salariés ont recours à ces programmes, et enregistrent une réduction significative de l’absentéisme et des congés maladie, ainsi qu’une amélioration de la productivité globale (l’article de Novethic). Ceci étant, ne vaut-il pas mieux prévenir que guérir ? Quelques exemples de management responsable…

L’exemple Google : un management alternatif

L’entreprise est un espace professionnel très particulier au sein duquel règnent l’autonomie, la confiance et l’incitation à la créativité. On y travaille par équipes de petite taille auxquelles sont confiés des projets clairement circonscris, à échéance assez brève. Ce qui permet notamment aux salariés de se projeter dans un avenir proche sans se sentir submergés par la tâche. (Source : Girard B., Une révolution du management : le modèle Google, Ed. MM2, 2006 - la fiche de lecture). L’exécutif tricéphale de Google (Eric Schmidt, Larry Page et Sergey Brin) sait aussi faire en sorte que ses informaticiens donnent le meilleur d’eux-mêmes, grâce au bien-être qu’il leur procure : restaurant gratuit, piscine, salle de sport et… massages gratuits ! Notons également que chaque salarié peut consacrer 20% de son temps de travail à des projets personnels : c’est valorisant, et témoigne du climat de confiance qui règne dans l’entreprise. C’est aussi comme cela que fut inventé Google News par un ingénieur indien !

 

L’exemple de TNT Express : la justice sociale selon Eric Jacquemet

Il est rare de voir un grand patron se ranger aux côtés des syndicats. C’est pourtant le cas d’Eric Jacquemet qui, dernièrement, s’est fermement prononcé en faveur d’une refonte de la convention collective du secteur du transport express (source). Monsieur Jacquemet, en effet, a osé manifester son mécontentement à l’encontre de termes qu’il considère comme inférieurs aux minimas sociaux. Et le patron, de prendre position dans les colonnes de La Tribune en déclarant : « il faut clairement revoir une convention collective qui date d’une autre époque où subsiste encore des catégories tel que l’employé aux écritures ! » Très attentif à la gestion des ressources humaines dans sa branche (lui qui dirige pas moins de 5000 salariés…), on attribue sa fibre sociale à son profil d’autodidacte : Eric Jacquemet est entré dans l’entreprise en tant que commercial. De quoi lui conférer une vision plus humaine du management. Non seulement, il parie sur le lien intergénérationnel pour former les plus jeunes dans l’entreprise ce qui, accessoirement, valorise le rôle social des « anciens ». De surcroît, l’entreprise recrute dans les quartiers sensibles, est attentive à la parité, et a mis en place des coordinateurs sociaux chargés d’identifier les difficultés rencontrées par ses salariés. Pour Eric Jacquemet, la diversité est une source de richesse. Résultat : le dernier baromètre social de l’entreprise révèle un taux de satisfaction des salariés de 86%. Ce qui n’a en rien empêché ce grand patron de hisser TNT Express au premier rang du secteur pour ses résultats financiers (source)... En fin de compte, Eric Jacquemet est proche du terrain : il a côtoyé les salariés en tant que collègue avant d’en devenir le responsable juridique... et moral !

 

Franck Riboud, de Danone : un PDG tourné vers l’Homme

Le 12 avril 2009, le magazine Etisphere cite Danone parmi les entreprises « les plus éthiques » au monde. Et la dimension sociale du patron de Danone, Franck Riboud, ne se dément pas : celui-ci se lance en septembre dernier dans le « social business » au Bangladesh, épaulé par Muhammad Yunus, Prix Nobel de la paix 2006 (Source). Il déclarait récemment : « Quand je vois ce que font Warren Buffet et Bill Gates, je crois qu’il y a une voie qui correspond parfaitement au double projet, à la fois commercial et social, inventé par Antoine Riboud, il y a déjà plus de quarante ans. » Pas étonnant dès lors que le tempérament responsable de l’homme se reflète au cœur même de l’entreprise qu’il dirige : il a fait de thèmes comme le dialogue social, l’égalité de traitement, ou la sécurité au travail son cheval de bataille (un article détaillé ici). Cette attitude n’est que la première pierre de l’édifice social qu’imagine Riboud. Tandis que ses concurrents manient la compression des coûts avec ferveur, Danone lance en plein cœur de la crise « Danone Communities », un fonds qui financera les entreprises à vocation sociale…

En conclusion...

Les trois entreprises que nous avons évoquées figurent parmi les leaders de leurs secteurs respectifs. Le bien être des salariés n’est pas seulement un discours correspondant aux aspirations de patrons idéalistes, il est source d’efficacité. Souhaitons qu’à l’instar d’Eric Schmidt, d’Eric Jacquemet ou de Franck Riboud, davantage de patrons s’inspirent des principes de responsabilité sociale de l’entreprise, plutôt que de faire porter le poids de la crise à leurs salariés qui n’en sont pas moins des femmes et des hommes, avec leurs forces, mais aussi avec leurs vulnérabilités. Managers, ouvrez les yeux : performance et humanité sont conciliables, et peut-être même interdépendants !


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5 réactions à cet article    


  • Ovide Ovide 11 novembre 2009 09:50

    Effectivement je ne crois pas que « manager par le stress » ait jamais été productif. Une pratique marrante se développe à Paris : de plus en plus d’entreprises installent des espaces détentes sur les toits, histoire que les salariés puissent souffler à l’air libre et au calme de temps à autres. Bientôt, Paris vu du ciel sera « zen » ! 


    Je lisais par contre, je ne sais plus où, que des chercheurs ont fait l’estimation suivante : chaque employé de bureau passerait en moyenne 5 heures de son temps de travail devant... Facebook !!! (Une heure par jour, ça commence à peser dans la productivité). Alors je me demande : si les salariés y passent autant de temps, c’est une forme de fuite ? Ne faudrait-il pas trouver un juste milieu, comme autoriser plus de pauses courtes dans l’entreprise pour favoriser les contacts humains, et en parallèle interdire l’accès à Facebook ?

    Je sais que des entreprises le font déjà. Mais la notion de « juste milieu », me direz-vous, est tellement subjective !

    • Ovide Ovide 11 novembre 2009 09:52

      Au fait merci beaucoup : très chouette la fiche de lecture sur le modèle Google !


      • herbe herbe 11 novembre 2009 12:54

        Merci pour cet article !


        • Bardamu 12 novembre 2009 10:21


          Petite fiction :

          2020. Dassault, secteur développement durable.
          Cerclée de hauts murs végétaux, une sécurité assurée par de charmantes hôtesses en tenues vertes -textile biodégradable, mazette !-, se présente à nos regards extasiés, l’Entre-Prise !... ses locaux, son parc résidentiel, ses pelouses d’un immaculé gazon parsemé d’oeuvres d’art contemporain, sa pièce d’eau ! 

          5 heures du matin, Florentin, responsable de la formation « Eco-énergies. Dassault s’arme pour l’avenir », se prépare avant de se jeter, corps et âme, dans l’immense salle de conférence.
          Ici, l’attendent des salariés hyper motivés, férus d’apprentissages, avides de conditionnements.

          Florentin hurlant à la lune -à cette heure matutinale, encore suspendue en haut de la baie vitrée :
           -« J’y crois, j’y crois, j’y crois ! »

          Son coach, au regard hypnotique :
          -« Tu es le meilleur ! Tu as un potentiel !
          L’entreprise te soutient ! Laisse-toi aller !
          Aime-la ! »

          Florentin, maintenant en transe, un vernis liquide luisant sur son front :
          -« Je l’aime, je l’aime, je l’aime ! »

          Le coach, les yeux exorbités, écumant de rage et d’amour :
          -« Tu l’aimes, tu l’aimes, tu l’aimes ! »

          A l’accoutumée, Florentin sera brillant !
          Il subjuguera son auditoire, galvanisera les foules, entonnera à s’en briser la voix l’hymne managérial, dictera les slogans, criera, pleurera, aimera, sera aimé en retour... bref, vivra !

          Car Florentin y croit, il désire son Entre-prise.

          Petit retour en arrière.
          Deux ans auparavant, Florentin n’était rien. 
          Mais après un stage de motivation, ce fut la révélation. 
          Un nouveau Florentin naissait alors, magnifique papillon, après avoir trop longtemps été une insignifiante chrysalide.

          Un Florentin qui avait désormais un quotient émotionnel, un énorme potentiel, savait enfin se répandre en pleurs, confier ses faiblesses, s’extérioriser, « externaliser », acter ses affects, laisser s’exprimer ses joies, ses colères, sa hargne, sa pugnacité.

          Bref, il était mûr, ce Corentin-là, fin prêt pour la nouvelle Entreprise.

          Certes, sa femme l’avait quitté : une perdante oisive qui ne voyait en son travail qu’un moyen de subvenir à ses besoins matériels : quelle ineptie ! quelle insane absurdité ! quelle incurie !

          Alors, perdait-elle son temps en loisirs inutiles, lectures ou travaux manuels sans finalité !

          Lui, dès qu’il disposait d’un peu de temps -autant dire, presque jamais !-, il relisait Attali, génial précurseur de cette vision autre... d’un monde autre, où l’autre est le même, où l’autre enfin n’est plus autre.

          La vision d’une nouvelle entreprise, humaine, à l’écoute... maternelle !
          Veillant sur ses employés, les sécurisant, les assistant, mais réclamant d’eux une dose égal d’amour, le juste retour en une saine relation partagée... un attachement filial, donc ! 

          Sa femme était partie, oui !... avec ses enfants, de pauvres êtres insuffisamment motivés, se perdant en des utopies, s’abîmant en des rêves de changement.
          Il avait bien essayé de les convaincre que l’unique mutation, la seule autre voie était là !... dans l’entreprise, dans le travail, la réalisation de soi, la formation, l’expression de tous ses potentiels.
          La mauvaise influence de leur mère l’avait emporté, les gâchant à tout jamais.
          Victime de sa femme et de sa progéniture, il avait bien failli sombré.
          Ils l’avaient pour un temps brisé !

          Mais Corentin était un battant.
          Il saurait rebondir, et allait le prouver !
          « Ne pas rester sur un échec, lui avait dit le responsable de la cellule de soutien psychologique !
          -Se nourrir de ses souffrances !
          -Résilience !
          -Travail de deuil !
          -Rebondir encore, rebondir toujours -un vrai trampoline !
          -Renaissance, résurrection, entreprise, salut et rédemtpion par le travail ! »

          Alors Corentin rebondit-il, et de belle manière - à faire pâlir d’envie un troupeau entier de kangourous.
          Depuis deux maintenant, il avait emménagé dans un bel appartement au sein même de l’Entre-Prise.
          Faible loyer, accès gratuit et illimité à la piscine, au club de remise en forme, au baby-foot même.
          Oui, l’occasion de rire avec ses nouveaux camarades, nombreux à résider sur place désormais.
          Plus d’horaires fixes ! la possibilité de travailler à toute heure ! la flexibilité, la souplesse, aller de l’avant, rompre avec des habitudes poussiéreuses d’un passé sclérosé.

          On était en 2020, tout de même !
          Le monde devait bouger !

          Plus de dimanches moroses et inemployés, à se perdre en des activités inutiles, se gâcher autour d’une table à boire et fainéanter.

          Travail, relaxation.
          Travail, séance de motivation.
          Travail, séquence de cris tribaux.
          Travail, et jeux de rôle.
          Travail, et externalisation des émotions.
          Travail, et massages.
          Ou, selon les partenaires de sexes opposé ou identique disponibles et disposés, 30 minutes de réalisation de soi au travers de jeux sexuels.
          Travail ! travail ! travail !
          Plus d’heures, plus de week-ends, la liberté atemporelle, l’homme enfin libéré de ses chaînes !

          « La vie, le travail, la vie, le travail, la vie, le travail !
          Le tra-vie qui vaille, le travail que j’en-vie !
          Il n’y a que la travail qui m’aille, et cette vie-là que j’envie ! »
          Oui, il en était désormais convaincu :

          -« Un monde meilleur.
          Le meilleur des mondes existait.
          Et Corentin l’avait enfin trouvé ! »


          • Tina_src 17 novembre 2009 20:15

            Il est « agréable » de voir que le problème qui a récemment été (re)soulevé à travers les nombreux suicides France Telecom, soit abordé sous un angle différent et un peu plus positif.

            Je suis également convaincu que stress, mal être des employés et productivité ne font pas bon ménage. Dans votre article, il apparait bien qu’il n’est pas si difficile d’améliorer les conditions de travail des salariés. Il faut que les managers comprennent qu’un investissement tel que ceux cités dans l’article (confort, assistance, projet personnel ...) seront bénéfiques pour tous. Il ne s’agit pas d’une perte d’argent/ de temps, mais bien au contraire d’un avantage sur le long terme, car la productivité des salariés n’en sera que meilleure.

            Ces trois exemples devraient être suivi par un bon nombre de managers .. Je pense que cela éviterait pas mal de bêtises. De plus, le suicide au travail devient une mode. Il faut arrêter d’accentuer ce phénoméne, et plutôt consacré ce temps à la mise en place d’un nouveau mode de fonctionnement des entreprises.

            Enfin bref, merci pour cet article !

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