Le débat escamoté des municipales...
Immigrés sans papiers par-ci, expulsions par-là... Sarkozy et l’UMP ont escamoté tout un débat qui touche de loin ou de près aux immigrés et à leur intégration dans la société française.
Même la gauche (enfin, ça dépend de quelle gauche on parle) n’ose plus évoquer ce thème.
Et pourtant, des thèmes de discussion liés aux immigrés, qu’on peut évoquer sans passion ni excitation, peuvent donner lieu à des débats intéressants.
Par exemple, un débat était né au début des années 2000 et qui n’est plus d’actualité à quelques jours des municipales : le droit de vote des étrangers aux élections locales. (1)
C’est vrai qu’aujourd’hui, ce qui préoccupe la France et les médias sont les immigrés sans papiers. La droite radicale qui se réjouit des expulsions, et la gauche radicale (tout autant caricaturale) qui réclame la régularisation des sans-papiers, ont confisqué tout débat rationnel (2) concernant les immigrés légaux.
To vote or not to vote
Si on parle d’élections municipales, on évoque notamment l’aspect local de ces élections. Il est en effet important de permettre aux immigrés installés depuis longtemps en France de participer à l’élection de leur maire.
Quoi de plus logique puisqu’ils vivent dans les villes et les villages depuis des années et ils sont tout autant concernés par les décisions de la mairie que les Français.
Dans un sens, les élections municipales s’adressent aux habitants de France. Pourquoi un étranger qui réside depuis 5 ou 10 ans en France n’aurait pas le droit de choisir son maire ?
Est-il nécessaire de rappeler que les immigrés travailleurs paient des impôts (dont une partie sert au fonctionnement des mairies) ?
Pourquoi je n’aurais pas mon mot à dire sur le travail fait par M. Moudnec et son équipe à Toulouse depuis 2001(3) (qui coïncide avec mon arrivée en France) ?
Je suis tout autant légitime pour apprécier ce bilan que n’importe quel Toulousain. Mais les étrangers sont nombreux et risquent de tout faire basculer... 10 000(4) par exemple en Savoie seraient privés de ce droit...
Le contre-argument est que le vote d’une certaine catégorie d’étrangers serait marqué à gauche. L’exemple qu’ils donnent (notamment Eric Zémour) est l’accentuation des votes « ethniques ». En effet, on a bien vu lors des présidentielles que plusieurs quartiers de banlieues ont été divisés : les Français musulmans ont voté pour Ségolène alors que les Français catholiques ont voté pour Sarko. Même si cette information reste à vérifier, ce n’est pas le même cas de figure pour les élections locales. Le vote des étrangers ne serait pas foncièrement différent de celui des Français : je pense qu’il existe un vote de classe et non d’ethnies. Et chez les immigrés, les classes aussi existent et leurs votes varient selon qu’ils sont les traders du côté du grand capital ou des étudiants gauchistes alter-mondialistes...
Il existe d’autres arguments qui dessinent une vision cauchemardesque des conseils municipaux ouverts aux immigrés (pousser les élus à financer des mosquées, obtenir des horaires de piscine pour les femmes...). A ces arguments je répondrai que comme les Français, des points de vue extrêmes existent partout mais il faut savoir que beaucoup d’étrangers sont laïques et savent que la loi de 1905 protège la République et son bien-être mais aussi les immigrés eux-même. Si un référendum ouvert aux immigrés était organisé sur toutes ces questions (laïcité, religion...), on serait surpris de leurs prises de position...
Ce qui se fait ailleurs
Une proposition de loi constitutionnelle avait vu le jour dans les bancs de l’Assemblée le 3 mai 2000. Mais, elle n’a pas abouti puisqu’elle a été bloquée par le Sénat...
Comme la droite sarkozyste use et abuse des arguments du style « ...ça se fait dans les autres pays, alors pourquoi pas nous ! », je vais en faire de même.(5)
L’Irlande offre le droit de vote aux étrangers sans condition de durée mais en plus... elle donne l’éligibilité à tout étranger qui souhaite se présenter sur une liste ! Récemment, Rotimi Adebari, Nigérian, 43 ans, a été élu maire de Portlaoise en Irlande ! Il était arrivé depuis 7 ans (6)...
La Belgique, le Danemark, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Suède et une partie de la Suisse relient ce vote à la durée minimale de séjour dans le pays (entre 3 et 5 ans).
Finalement, l’Espagne, le Portugal et le Royaume-Uni accordent le droit de vote respectivement aux ressortissants de pays d’Amérique Latine, lusophones et faisant partie du Commonwealth.
Mais au vu de tout ce que font ces pays, pourquoi pas la France ?
Le mot du président
Au niveau de l’establishment politique (UMP-PS), François Hollande à l’époque était pour le droit de vote des immigrés mais aussi un certain... Nicolas Sarkozy !
Il a écrit dans son livre Libre (en 2001) : « J’avoue ne pas être outrageusement choqué par la perspective de voir des étrangers, y compris non communautaires, voter pour les scrutins cantonaux et municipaux. À compter du moment où ils paient des impôts, où ils respectent nos lois, où ils vivent sur notre territoire depuis un temps minimum, par exemple de cinq années, je ne vois pas au nom de quelle logique nous pourrions les empêcher de donner une appréciation sur la façon dont est organisé leur cadre de vie quotidien. » (7)
Je prends au mot le président de la République : ouvrons le débat M. le président !
Je ne me fais pas d’illusion pourtant : ça reste de la politique politicienne... Notre président toujours en campagne ne va pas risquer de se mettre à dos une frange de ses électeurs convaincus de l’absurdité du droit de vote des étrangers.
Conséquences
Plusieurs conséquences positives se feront sentir si les immigrés votent. On nous parle souvent d’intégration à la société française, voire même d’assimilation pour certains...
On ne peut pas trouver plus intégrateur dans la vie citoyenne que le vote. Les immigrés se sentiront finalement pris en compte et pourront donner leur avis sur leurs villes.
Autre conséquence, on peut espérer que dans certaines villes, le traitement des médias locaux des élections l’emporterait sur l’hystérie des médias nationaux. Grâce à cette proximité, on pourra espérer, en plus d’autres débats inhérents à la politique de la mairie, avoir accès à des discussions logiques, dénaturées de toute provocation, sur l’intégration des immigrés.
Certes, la mairie n’est pas dans son rôle pour discuter de la politique nationale concernant l’immigration, mais ce genre d’élections pourra faire avancer les mentalités sur la vraie situation des immigrés.
Un maire immigré en France
On peut même aller plus loin : et pourquoi pas des immigrés sur les listes électorales ? Je sais que je rêve un peu trop, déjà que les Français qui sont là depuis 30 ans et qui sont d’origine maghrébine ont du mal à être sur les listes (à part les parachutés du gouvernement...). Avoir des immigrés russes, libanais ou même américains (pourquoi pas ?) sur les listes électorales n’est pas un crime !
En attendant, peut-être qu’un jour, nous verrons un maire immigré d’une grande ville...
Mais est-ce qu’il aura ses papiers ?...
______
(1)A noter que les étrangers ressortissant de l’Union européenne ont le droit de vote. Ils l’ont fait pour la première fois en 2001. Pourquoi pas nous ?
(2)Malheureusement, la rationalité n’est pas de rigueur dans les débats actuels...
(3)Même si c’était Douste-Blazy qui avait été élu à l’époque et remplacé par Moudenc quand Douste-Blazy était appelé à d’autres fonctions dans le gouvernement de l’époque...
(4)Une belle initiative du collectif savoyard contre les racismes : A voir le reportage de France 3 locale ici : http://rhone-alpes-auvergne.france3.fr/info/elections-mun...
(5)http://www.senat.fr/lc/lc154/lc154.html
(6)Source : http://www.lemonde.fr
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