Le débat sur l’identité nationale - Contribution et censure
Ma contribution au débat sur l’identité nationale ayant été censurée (comme beaucoup d’autres) par les modérateurs du site debatidentitenationale.fr, j’ai décidé de la poster ici :
Le débat sur l’identité nationale est donc lancé. Soit. Ma première idée était de ne pas y participer car pour moi la question ne se pose même pas. Je ne me suis jamais demandé si je me "sentais“ Français, je "SUIS“ Français, j’aime la France et je n’ai aucune envie de changer de nationalité. Mais j’ai décidé d’y participer quand-même après avoir lu la contribution du Premier Ministre François Fillon, je cite : "Refuser ce débat et stigmatiser l’idée même que notre peuple puisse avoir une identité singulière, c’est laisser le champ libre aux extrémistes, eux dont le succès repose notamment sur la prétendue faiblesse de notre sentiment national. C’est aussi baisser notre garde devant tous ceux qui contestent l’autorité et la laïcité de la République.“.
Pour me faire une idée de l’humeur du débat, j’ai commencé par lire avec attention ce qui a été dit depuis l’ouverture du site. Je reprends ici quelques fragments de contributions :
De Monsieur Jean-Luc Mélenchon, Député européen, Président du Parti de Gauche, Ancien ministre : Etre Français c’est avoir une carte d’identité française. Et les droits qui vont avec. Point. [...].
- D’un point purement légal, il n’y a rien à dire. Mais pour moi, ma nationalité française signifie bien plus que ça ne vous déplaise Monsieur le Député.
De Monsieur Xavier Darcos, Ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville : [...] La place de l’Islam par exemple n’était pas du tout la même, il y a cinquante ans. La question de l’identité nationale doit donc être posée régulièrement [...].
- Ce fragment est la quatrième phrase de la contribution du ministre, telle qu’elle apparaît sur le site debatidentitenationale.fr. Après seulement trois phrases, le ministre parle déjà de l’Islam ! Est-ce donc là le centre du propos ?
De Monsieur François Fillion, Premier Ministre : Il y a quelques années de cela, il était de bon ton dans certains milieux de dénigrer notre pays et de railler ses principes et ses symboles fondamentaux. [...].Notre nation est notre protection et notre tremplin. Elle nous rassemble, nous solidarise, nous grandit, nous permet, dès lors que nous sommes fiers de nous-mêmes, de nous ouvrir sur d’autres peuples et d’autres cultures sans craindre de nous perdre. Elle n’est pas, et n’a jamais été, l’expression d’une race, pas plus qu’elle ne fut et ne doit être une juxtaposition de communautés repliées sur elles-mêmes. [...] la France accueille et a assimilé depuis des siècles des générations d’étrangers qui ont apporté leur concours au développement de notre pays.[...]
- Oui Monsieur le Premier Ministre, elle ne doit pas être juxtaposition de communautés, je suis parfaitement d’accord avec vous ; mais pour ce qui est de l’accueil et l’assimilation d’étrangers, vous me permettrez de vous dire que ce n’est pas tout à fait exact et j’y reviendrai un peu plus loin. Je désirerais également reprendre votre propos sur la dénigration et les railleries dont notre pays fait l’objet. Je fais partie de la minorité de Français qui lit la presse étrangère, et je peux vous dire que depuis deux ans les railleries ne viennent pas seulement des milieux auxquels vous faites allusion, mais également de l’étranger (à mon grand désarroi) et ne sont dues qu’au comportement de votre gouvernement et de notre président.
Ainsi donc, Eric Besson nous pose la question "Pour vous qu’est-ce qu’être Français ?“. Comme je l’ai déjà évoqué plus haut, il ne s’agit pas pour moi d’être en possession d’une carte d’identité française comme l’indique Monsieur Mélenchon, mais d’une émotion.
Je vis actuellement dans un pays de l’union européenne et je n’ai jamais eu aucun problème particulier en raison de ma citoyenneté européenne. Je travaille dans ce pays, j’en respecte les lois, j’y paie mon loyer, mes impôts (plus élevés qu’en France, sic) et parle même la langue du pays. Je côtoie les nationaux de ce pays et contrairement à beaucoup de mes compatriotes, dont la plupart ne se sont jamais donnés la peine d’apprendre la langue nationale, je ne recherche pas systématiquement les associations françaises ni les sorties ou autres activités de groupe des Français établis ici. Cela dit, je ne me sens pas du tout national de ce pays ! J’ai beau me sentir et être parfaitement intégré, je suis Français et je le reste ! Et cela ne gêne en rien mon intégration. En outre, les nationaux me félicitent régulièrement pour ma maîtrise de leur langue.
Je suis convaincu que l’intégration d’un étranger en France peut être similaire à mon cas. En revanche, quand un étranger veut accéder à la nationalité française, puisque c’est de cela dont il s’agit, là c’est différent ; s’ajoute à l’intégration une notion que je trouve fondamentale, le patriotisme. Voilà pour moi ce qu’est être Français Monsieur Besson ; avoir le sens de la patrie, et ce, dans le sens noble du terme. Etre prêt à se lever pour défendre la France si elle venait à être à nouveau envahie et occupée. Entrer dans la résistance dès les premiers jours de l’occupation serait mon obstination. Outre connaître les us et coutumes, parler la langue, respecter les lois… un sentiment de reconnaissance patriotique me paraît indispensable. Il y a une phrase que j’aime bien et je regrette qu’elle fût prononcée par un Américain et non par un Français : “Ask not what your country can do for you – ask what you can do for your country.” – John Fitzgerald Kennedy.
Je suis catholique, mais pour moi la religion n’a rien à voir là-dedans Monsieur Darcos ; et j’y reviendrai plus loin dans mon propos.
Je l’ai déjà dit, pour moi, la question d’être français ne se pose pas, je suis français. Mais en me mettant à la place d’un étranger désirant ou ayant obtenu la nationalité, je me rends compte que cela ne suffit pas ! En effet, en tant que "naturalisé“ ou fils/fille d’immigrés, je me dirais qu’être français c’est aussi se sentir accepté en tant que tel par les Français, ou tout du moins par la France. Et c’est là que j’en reviens au propos du Premier Ministre lorsqu’il dit : "[...] la France accueille et a assimilé depuis des siècles des générations d’étrangers qui ont apporté leur concours au développement de notre pays [...]“. Qu’entend François par "a assimilé“ ? Est-ce qu’il s’agit de donner à ces étrangers une nationalité française et rien de plus ? Ou cela comprend-il également faire en sorte qu’ils ressentent une émotion particulière ? Qu’en est-il du "générations d’étrangers qui ont apporté leur concours au développement de notre pays“ ? Pour illustrer mon propos, j’ai pris au hasard deux exemples parmi tant d’autres.
En 1914-1918, ce sont environ 200 000 « Sénégalais » de l’AOF qui se battent dans les rangs français, dont plus de 135 000 en Europe. Les tirailleurs sénégalais ne sont pas nécessairement Sénégalais, ils sont recrutés dans toute l’Afrique noire (Wikipedia). [...]
De nombreux Africains sont morts sur les champs de bataille français de la Première Guerre mondiale. Jacques Chirac, en tant que président de la république française, dans son discours pour le 90e anniversaire de la bataille de Verdun, a évoqué 72 000 combattants de l’ex-Empire français morts entre 1914 et 1918, « fantassins marocains, tirailleurs, d’Indochine (Cochinchine, tirailleurs annamites), marsouins d’infanterie de marine » (Wikipedia). [...]. Comme lors du précédent conflit, la France utilise pendant la Seconde Guerre mondiale les colonies comme réservoir d’hommes pour son armée. [...]. Le Parlement français a finalement voté le 15 novembre 2006 la revalorisation des pensions des soldats des ex-colonies dans le cadre du budget 2007 des anciens combattants. “84 000 anciens combattants coloniaux de 23 nationalités devraient en bénéficier”, s’ils se manifestent (Wikipedia).
Il aura donc fallu attendre 2006 pour que la France se sente redevable envers ces "générations d’étrangers qui ont apporté leur concours au développement de notre pays“. Pour en revenir au propos de Monsieur Darcos, est-ce que la France a vérifié leurs religions avant de les enrôler ?
Extrait d’un article paru le 18 juin 2008 sur le site internet france24.com : La France compte aujourd’hui 15 000 médecins étrangers. Parmi eux, 7 000 ont obtenu leur diplôme hors de l’Union européenne. On les appelle les Padhue (Praticiens à diplôme hors Union européenne). Un tiers des Padhue vient du Maghreb, un autre tiers d’Afrique noire. Le dernier tiers se partage entre le Proche-Orient et autres pays du monde. [...]. Le docteur Joseph Bakar, de nationalité syrienne, est gynécologue obstétricien. Il exerce depuis cinq ans en région parisienne. Son titre : assistant spécialiste associé. Même compétence, même travail que ses collègues français mais son salaire est divisé par deux. Pourtant, ce ne sont pas les diplômes qui lui manquent.[...]. Le gouvernement français reconnaît au docteur Joseph Bakar la responsabilité de donner la vie, mais ne lui octroie que 2 400 euros brut par mois, soit moitié moins que ses collègues français ou de l’Union européenne. De plus, les heures effectuées au-delà des 35 heures, appelées plages additionnelles, lui sont payées 70 euros, contre 200 pour ses collègues chirurgiens français ou originaires de l’UE. La Halde (la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité), dont l’avis n’est que consultatif, a qualifié cette situation d’injuste et de discriminatoire. [...].
Certes, il ne s’agit pas de Français (de nationalité) dans ces deux exemples ; mais si j’étais le fils ou la fille né(e) à Paris de Joseph Bakar ou d’un tirailleur Sénégalais, ne me serait-il pas légitime d’avoir des doutes sur la considération que porte la France envers les miens ? Les étrangers que nous accueillons et à qui nous accordons la nationalité doivent, et c’est mon humble avis, ressentir des émotions au-delà d’un simple état civil, j’en suis pleinement convaincu. Mais je pense également que la France a un rôle à jouer pour que les personnes naturalisées ou issues de l’immigration n’aient pas le sentiment d’être vues voire traitées en Français de seconde zone.
18 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON