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Accueil du site > Actualités > Citoyenneté > Le drapeau tricolore et la croix blanche

Le drapeau tricolore et la croix blanche

Tout voyageur français de passage en terre helvétique sera surpris de voir flotter sur sa route des milliers de croix blanches. Accrochée à un balcon fleuri ou valsant dans la bise, la bannière suisse aime à s’exposer. Notre visiteur s’interrogera : la patrie d’Henri Dunant est-elle constituée de féroces nationalistes ?

Contrairement à son voisin gaulois, la confédération ne réserve pas son drapeau aux édifices publics. Le symbole rouge et blanc s’affiche sur divers produits du quotidien. Qu’il s’agisse de casquettes, de t-shirt, de tasses ou même de clés USB, l’emblème national est sollicité par les citoyens. Pour autant, il serait injuste d’y voir une lubie xénophobe.

Même si un parti comme l’UDC (Union Démocratique du Centre), dirigé par l’ancien conseiller fédéral Christoph Blocher, remporte de plus en plus de succès aux élections législatives, l’amour du Suisse pour son drapeau n’est guère motivé par les harangues du leader d’extrême droite. L’Helvète exprime avant tout son contentement. Son sceau ne lui paraît ni sacré, ni motif de honte : il s’en considère tout simplement le propriétaire.

La France, on le constate rapidement, montre plutôt une gêne envers son emblème. Il ne lui viendrait pas à l’idée de pendre le drapeau tricolore à son balcon. Tout d’abord il est vrai que nombre de règlements de copropriétés interdisent les banderoles ou autres sur leurs élégantes façades. Mais, en dehors des grandes manifestations sportives, le drapeau est tabou pour le citoyen français. Si, graphiquement, il se prête moins à la marchandisation que la croix blanche, il n’en est pas moins délaissé au quotidien. Afficher les couleurs de sa patrie ne devrait pourtant pas s’amalgamer avec les velléités xénophobes. On peut affirmer son attachement pour son pays sans se faire accuser de nourrir des arrière-pensées :

Ajoutons à cela que le drapeau français a émergé au prix d’une révolution, balayant la fleur de lys qui ne prendra sa revanche qu’à la chute de Bonaparte. Le citoyen français n’oublie donc pas que son drapeau est avant tout le symbole des luttes, et qu’il a plus sa place sur un tableau de Delacroix que sur une assiette en carton.

Concrètement, le symbole tricolore est un compromis entre le drapeau parisien (une bande bleue et une bande rouge) et le blanc monarchique. Paris étant donc employée en opposition à Versailles, siège du pouvoir royal. Si la première révolution française fut un mouvement national, opposé aux terres royalistes comme la Vendée, elle s’ébaucha dans la bonne vieille Paname. Les autres révolutions, de 1830 (dite révolution de juillet) ou de 1848 se sont également déroulées sur les boulevards parisiens. L’insurrection mythique de 1871 qui a vu la proclamation de la Commune a eu avant tout pour scène la capitale française. L’histoire l’a confirmé, Paris insérée dans le drapeau français incarne admirablement l’esprit de lutte et de contestation caractéristique du peuple français.

Le 14 juillet, on y célèbre un événement émouvant, celui des premiers élans pour conquérir sa liberté. La prise de la Bastille, il faut se l’avouer ne tient guère de l’exploit militaire. Louis XVI, plus serrurier qu’homme de pouvoir, apposa dans son journal à cette date une seule mention : « rien ». Totalement prisonnier de ce déni, le monarque se laissera plus ou moins porter par les événements. Inconscient des réalités politiques, il ne saura sauver sa tête ni celle de la fantasque Marie-Antoinette d’Autriche et fera indirectement condamner le dauphin Louis Charles à mourir au Temple de maladie et de malnutrition. Seule sa fille aînée Marie Thérèse, devenue duchesse d’Angoulême mourra à un âge avancé. Tragique pour la famille royale, la révolution française inspira le monde et mena la France sur le chemin de la démocratie. S’inspirant des philosophes tels Rousseau, elle ébaucha les premiers paragraphes des droits de l’homme et les fondements de l’égalitarisme.

La Suisse, envahie par les troupes de Napoléon en 1798, adopta dans sa constitution finale de 1848 les principes fondateurs de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. Mais contrairement à l’hexagone, l’unité nationale s’est constituée avec un certain calme. Composée de 4 langues (dialectes germaniques, français, italien et romanche) elle est constituée d’un ensemble de cantons disposant chacun d’une certaine autonomie. Le rattachement à la confédération helvétique des différents cantons s’est fait progressivement sans de véritable émergence d’un mouvement nationaliste. Pourtant, la Suisse a connu une guerre civile aux pertes humaines peu importantes, la guerre du Sonderbund. Il s’agissait alors de soumettre les cantons catholiques, opposés à plusieurs principes de la constitution, à adopter celle-ci.

Par son histoire plus sereine, la Suisse, qui n’a subi des deux guerres mondiales que les contraintes du rationnement, arbore son drapeau d’une manière un peu plus détendue. Symbole de cohésion nationale d’un pays où se répartissent diverses communautés linguistiques, le drapeau lie les citoyens helvétiques comme le parlement de Berne assure l’harmonisation de lois fédérales. En affichant son drapeau, le Suisse affiche son attachement à un pays qui ne connaît pas d’unité de langage ni d’unité religieuse (composé à la fois de luthérien, de calvinistes et de catholique). Mais le Suisse, qu’il soit originaire du Tessin qui semble un petit bout d’Italie, des alpes bernoises ou des rives verdoyantes du lac Léman, se retrouve autour de la croix blanche.

A l’approche du 14 juillet, avec ou sans drapeau, nous souhaitons à nos lecteurs français une excellente fête nationale ! Les Suisses eux, attendront le 1er août pour admirer leur feu d’artifice !


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16 réactions à cet article    


  • rocla (haddock) rocla (haddock) 14 juillet 2008 11:10

    Merci Maggie pour ce clin d’ oeil Hélvétique-tac , vive le fromage d’ Appenzell , le fendant et les cerises au kirsch...


    • yannick yannick 14 juillet 2008 11:31

      Juste pour montrer l’importance de la symbolique des drapeaux, voici une petite expérience de psychologie sociale où des étudiants américains ont tenté de brûler des drapeaux de différentes nations pour analyser les réactions des témoins : burning flags
      Je me suis souvent demandé pourquoi certains accordaient plus d’importance à leur drapeau que d’autres, aux états-unis, c’est fortement lié au patriotisme et à la propagande constante qui les pousse à soutenir leurs couleurs de manière parfois fanatique.
      En France, nous faisons face à un sentiment contradictoire, les couleurs du drapeau sont utilisées par le logo du front national qui a pour nous une connotation négative et personne ne veut afficher publiquement un drapeau qui pourrait faire penser qu’il est fasciste. Par contre, cet effet s’annule lors de manifestations sportives ou il faut bien afficher quelque chose pour montrer quelle équipe on soutient.
      c’est marrant.


      • jaja jaja 14 juillet 2008 11:31

        @ l’auteur, "L’insurrection mythique de 1871 qui a vu la proclamation de la Commune a eu avant tout pour scène la capitale française. L’histoire l’a confirmé, Paris insérée dans le drapeau français incarne admirablement l’esprit de lutte et de contestation caractéristique du peuple français."

        A noter que le drapeau de la Commune était le drapeau rouge dont l’histoire remonte aux Jacobins et dont les quarante-huitards voulaient d’ailleurs faire l’emblème de la République. Le drapeau bleu-blanc-rouge étant vu comme celui de le répression et de la bourgeoisie....

        Cette histoire des révolutions a laissé des traces. C’est Maurice Thorez, ex-secrétaire général du PC français qui a décrété, avant-guerre (à vérifier) la réconciliation du drapeau rouge et du drapeau tricolore avec plus ou moins de bonheur...

        En Mai 68, comme à chaque soulèvement populaire, drapeaux rouges et drapeaux noirs coloraient les manifestations et le drapeau tricolore parfois porté par les troupes du PC était copieusement sifflé...

        Voila pour l’histoire, très différente de celle de la Suisse, et l’explication, consciente pour certains, des réticences à planter le drapeau tricolore à nos fenêtres...


        • maggie maggie 14 juillet 2008 17:48

          à jaja : Merci pour vos précisions


        • dom y loulou dom 14 juillet 2008 13:18

          vous pouvez aussi noter que la croix blanche relève du symbole de paix chrétien et le rouge un monde en guerre autour, une sorte de mémoire de ce qui vaut la peine d’être sauvegardé et qui signifie la civilisation en nous-mêmes. la paix du coeur oui ! (Bien mise à mal ces dernières années) Cette universalité exprimée par l’exception d’un drapeau carré et non rectangulaire.

          anecdotique... et le fond du drapeau devrait être bleu aujourd’hui... les étoiles y viendraient le jour où la suisse entrerait dans l’union dans la garantie de ses droits populaires... ce qui ne semble pas demain la veille... ô tristesse.

          En clin d’oeil laissez-moi ajouter quelque chose que même beaucoup de suisses ont oublié, la fête du premier aout est la dernière relique de la fête celtique de lugnasad fête de la lumière (lug) et des moissons sur les quatre fêtes annuelles des celtes.


          Les racines comme les vieilles montagnes ont toujours quelque chose de rassurant . 


          • Parpaillot Parpaillot 14 juillet 2008 16:12

            Quelques précisions :

            En fait Bonaparte imposa en 1798 à la Confédération une organisation politique et une constitution calquées sur celle de la France : la « République Helvétique, une et indivisible », système qui perdura bon gré mal gré jusqu’en 1803. Cette organisation jacobine, tout à fait inadaptée à la Confédération, qui n’était alors qu’une alliance d’états souverains que sont les cantons et pas du tout un Etat-Nation tel que la France, engendra beaucoup de tension et de disputes. Les Suisses eux-mêmes demandèrent alors à Bonaparte d’arbitrer le conflit, ce qu’il fit en imposant un pacte connu sous le nom « d’Acte de Médiation ». La Suisse redevint alors une Confédération d’états souverains jusqu’au lendemain de la « Guerre du Sonderbund » à la fin de 1847. Entre-temps, il y eu la défaite de Napoléon à Waterloo et le Congrès de Vienne en 1815, où les puissances de l’époque reconnurent la souveraineté de la Suisse, lui confirmèrent son statut de neutralité en la fixant dans ses frontières actuelles, pour couper la France de la Lombardie. C’est ainsi que le Valais, la Principauté de Neuchâtel et Genève, ainsi que les territoires francophones de l’ancienne Principauté épiscopale de Bâle furent annexés à la Suisse.

            Jusqu’à la fin de la « Guerre du Sonderbund », la Suisse n’était dotée d’aucune constitution, hormis durant la période de la République Helvétique. La Constitution fédérale de 1848 en fut la première. Elle fut rédigée en un temps record au lendemain de la « Guerre du Sonderbund », avant tout pour imposer l’Etat fédéral tel que nous le connaissons aujourd’hui, les cantons perdant une partie de leur souveraineté. La Constitution de 1848 est en fait l’acte fondateur de la Suisse moderne. Mais contrairement à ce qu’écrit « maggie », cette constitution ne fut pas « la constitution finale », car elle fut remplacé par celle connue sous le nom de « Constitution fédérale de 1874 ».

            Le drapeau rouge à croix blanche est une adaptation du drapeau de Schwyz, l’un des trois cantons fondateurs de la Confédération. Il en est de même du nom « Suisse », qui se prononce « Schwyz » en dialecte suisse-alémanique.

            L’omniprésence du drapeau rouge à croix blanche en Suisse ne doit rien au chauvinisme et encore moins à la xénophobie : ce n’est qu’une particularité culturelle.

            Merci à « maggie » pour son article, bonne Fête Nationale à tous mes amis Français et « Vive la République quand même », pour plagier un certain « Cambronne » connu sur AV !

            Cordialement !


            • maggie maggie 14 juillet 2008 17:44

              Merci pour cet "erratum"


            • Basebou Basebou 14 juillet 2008 17:14

              Les drapeaux, suisses mais aussi portugais, itlaiens espagnols, que l’on a vu récemment fleurir en Suisse étaient simplement dus en grande partie à l’Euro, qui avait lieu dans ce pays et en Autriche ^^


              • maggie maggie 14 juillet 2008 17:46

                Détrompez-vous, le drapeau suisse est bel et bien présent tout au long de l’année et indépendamment des événements sportifs.


              • herope kayen 14 juillet 2008 17:42

                Et pas de drapeau ? 
                Au début la planète ne possédait aucune des "inventions humaines" qui font les guerres : drapeaux,  frontières etc.....
                Pour un petit bout de torchon  un simple quidam devient une bête : pas franchement une bonne idée.
                Tant mieux pour notre ami suisse qu’il soit si content de sa croix blanche, mais je ne crois que cela permettra le rapprochement des peuples .


                • RogerTroutman RogerTroutman 15 juillet 2008 04:50

                  Au debut on etait nus, on n’avait pas de feu et on dormait dans des grottes aussi. Par contre on vivait en tribu qui se reconnaissaient a des signes distinctifs. Un drapeau n’est autre que le symbole de son appartenance a une nation. L’Humain a besoin de se ratacher a un groupe, a une la culture, et de symboliser son appartenance sans pour autant que cela signifie tuer ou renier l’autre.

                  Dans un pays federal et multiculturel comme la Suisse, ou dans un pays multiethnique comme les USA, le drapeau est un veritable ciment de la Nation. Dans un pays ou certains brulent des voitures et des gymnases le jour de la fete nationale comme la France, le drapeau devrait avoir un role federateur aussi.

                  Bon 14 juillet a tous.


                • Arnes Arnes 14 juillet 2008 18:32

                  Ce que vous dites pour la Suisse peut aussi etre dit des Etats Unis et d’autres pays comme l’Angleterre où le symbole national est arboré sans agressivite, mais avec fierte. La caracteristique de ces pays, par opposition à la France est qu’ils se sont donnés des institutions democratiques avec une participation significative des populations, que ces institutions ont ete paufinees au fil du temps sans remise en question fondamentale.

                  Pendant ce temps, les français ont vu passer 5 republiques, 3 rois, 2 empereurs et 2 dictateurs, tous imposes par Paris au reste de la France, d’où le sentiment des francais qu’ils sont sujets et non pas citoyens. Cet etat d’esprit est renforcé par une administration centralisatrice et arrogante.

                  Les français ne se sont donc pas approprié l’état, ni ses symboles ; là où un suisse s’offusquera de depenses d’apparat du gouvernement, parce qu’il considère que l’argent de la confederation lui appartient ; le francais considerera que l’argent de l’etat est inepuisable,  et n’est pas choqué par les depenses extravagantes des élus du peuple.


                  • camerone 14 juillet 2008 22:36

                    au usa le drapeau est aussi un emblème pour fédérer les diverses couches de la population qui ne sont pas forcément toutes issus du "may flower " un immigrant qui descendait de sont bateau ce sentait presque immédiatement américain car ont lui présentais sans arret la bannière étoilées , hymmes et autres choses patriotiques ....c’est ce qui manque en France où le seul fait de brandir un drapeau tricolore fait de vous un
                    " facho " .


                  • Yannick Harrel Yannick Harrel 14 juillet 2008 23:25

                    Bonjour,

                    La Suisse est un exemple pour ma part dans de nombreux domaines. Cette île au sein de l’Union Européenne est selon moi le dernier village d’irréductibles refusant une entité supranationale faisant fi des peuples. Et si la Suisse a réussi à passer la Seconde Guerre Mondiale loin des affres du continent Européen c’est qu’elle a su se préparer au pire, je recommande à ce titre chaudement l’ouvrage de Jean-Jacques Langendorf : La Suisse dans les tempêtes du XXème siècle / Die Schweiz in den Wirren des 20. Jahrhunderts.

                    Vive la Suisse... et son birchermüesli ! 

                    Cordialement


                    • Fergus fergus 15 juillet 2008 09:29

                      Pour très bien connaître ce pays, je suis persuadé, comme l’a souligné à juste titre Parpaillot, que l’omniprésence du drapeau suisse en territoire helvétique n’a rien à voir avec un quelconque nationalisme, sauf chez quelques « allumés », mais à une tradition profondément ancrée, et parfois vaguement flokloriste.

                      Dans le même esprit, des milliers d’habitations suisses arborent à côté de la croix blanche, et au même niveau qu’lle, l’emblème cantonale, particulièrement lorsqu’elle est superbe sur le plan esthétique comme l’ours bernois dans ses diagonales rouge et or. La tradition du drapeau est à relier à cette autre présence omniprésente en Suisse des rappels au serment du Rütli (serment fondateur, dans une clairière, de la confédération entre les représentants des trois premiers états : Schwyz, Uri et Unterwalden).

                      C’est ainsi que l’on ne compte plus, à côté des hôtels, auberges et restaurants Weisses Kreuz (ou Croix blanche) les hôtels, auberges et restaurants Drei Schweizer (ou Trois Suisses). Et l’on n’est pas un vrai Suisse si l’on n’a pas assisté, au moins une fois dans sa vie pour ceux qui en ont les moyens, au superbe et émouvant « Guillaume Tell » de Schiller joué par des amateurs inspirés dans le théâtre de verdure d’Interlaken.

                      Tout cela pour dire qu’il ne faut pas chercher de nationalisme là où il n’existe pas, si ce n’est dans une frange très minoritaire de la population alémanique. Allez, un petit verre légèrement pétillant de Fendant pour arroser cela : ce n’est pas demain que l’on pendra l’Helvétie à la lanterne pour fait de nationalisme nauséabond !


                      • samlepirate 21 juillet 2008 08:57

                        Tous les jours, je vois ces drapeaux car je travaille en Suisse. Il n’y a rien de choquant. En France on sort les drapeaux pour quelques événements. Par expérience, si quelqu’un plante un drapeau à l’année, on dira qu’il est soit un ancien des armées, un partisan du FN ou un fêlé.
                        Les Suisses sans arrière pensé nationaliste sont fier de leur pays et le revendique au bord de leur fenêtre par leurs drapeaux.

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