Le peuple, seul contre-pouvoir légitime
« Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir », disait Montesquieu dans L’Esprit des lois en 1758. Et si cette idée avait été mal interprétée par tous ? Si ce principe que l’on appelle « contre-pouvoir » pour la première fois formulé dans l’esprit des lois, était la cause la plus profonde de l’immobilisme français ? En parlant de contre-pouvoir, Montesquieu montre le chemin qui mène à la démocratie : l’homme, bien trop centré sur lui-même, ne saurait, seul, se contrôler. Il est par conséquent nécessaire de disposer les choses de manière à ce que le pouvoir ne soit pas détenu par un seul homme, certes, mais cela revient-il à dire que le contre-pouvoir doit se faire ressentir dans chaque domaine d’action de celui qui dirige le pays ?
Le contre-pouvoir institutionnel, base incontournable de la démocratie
A la base d’une démocratie se trouve sa Constitution. C’est elle qui dicte les lois fondamentales régissant l’organisation institutionnelle d’un pays, elle peut donc presque par elle-même rendre un pays démocratique ou dictatorial. Ce que dit Montesquieu, c’est qu’il faut diviser le pouvoir, le séparer. Il différencie trois sortes de pouvoirs connus de tous : l’exécutif dirige le pays, le législatif approuve les lois ou les amendes part le biais d’un vote, le judiciaire juge celui qui enfreint la loi.
La base d’une démocratie est respectée à partir de l’instant où chacun de ces trois pouvoirs est détenu par des personnes différentes, capables de se contredire et de limiter le pouvoir de chacune envers l’autre. Si le même homme détient le pouvoir exécutif, législatif et judiciaire, il en abusera en ne raisonnant pas selon ce qui est bien pour l’intérêt général, mais, au contraire, en primant son intérêt propre.
Il découle de cela que l’intérêt collectif de la société est d’avoir une Constitution permettant le contre-pouvoir institutionnel.
Le contre-pouvoir politique, faille démocratique
Dans toute démocratie, le contre-pouvoir institutionnel s’accompagne d’un contre-pouvoir politique - syndicats, représentation proportionnelle (etc.) - permettant au pouvoir de ne pas se concentrer entre les « mains » d’un seul homme ou plutôt d’un seul parti politique.
Après avoir été porté au pouvoir par une majorité des citoyens, le parti vainqueur doit ainsi justifier ses choix, ses orientations, son programme devant ses opposants politiques défaits par le peuple ! Les réformes promises avant une élection devront être acceptées par les perdants de cette même élection sous peine de ne jamais voir le jour ! Comment peut-on concevoir que cela soit démocratique ? Dialogue syndical ? Pour quelle raison une minorité peut-elle bloquer les choix et désirs émis par la majorité du peuple votant ? Un comportement citoyen n’est-il pas, au contraire, d’accepter la décision de la majorité bien que celle-ci ne corresponde pas à nos propres attentes, l’intérêt collectif étant censé passer avant les choix individuels ? Dans ce cas, quelle est la légitimité de groupes de pression sur un gouvernement choisi par la majorité des citoyens ? Voilà ici la première faille démocratique du contre-pouvoir politique.
Une seconde faille existe dans ce que l’on appelle la représentation proportionnelle. La première réaction lorsque l’on entend parler de représentation proportionnelle est : « Pourquoi pas ? Pourquoi chacun ne serait pas représenté selon ses idées au sein d’un Parlement démocratique ? ».
La réponse est simple : la représentation proportionnelle donne une fausse impression d’équité et de démocratie. Chacun pense être représenté du fait que sa tendance politique siège au Parlement. En réalité, la représentation proportionnelle tue la démocratie. Le parti vainqueur ne doit plus gouverner seul, mais se mettre d’accord avec d’autres partis afin de constituer une majorité, seul problème, si ces deux partis n’en forme pas un seul, c’est que leurs idées sont différentes sur bien des points. Les négociations faisant, les deux partis, pour se mettre d’accord, devront chacun abandonner des idées-phares qu’ils défendaient durant l’élection et ainsi dénaturer leur programme propre, au profit d’un consensus mou dans lequel les électeurs ne se reconnaissent plus.
Si vous êtes perdu dans un bois, vous pouvez hésiter entre prendre le chemin de gauche ou celui de droite, peser le pour, le contre, et cela est nécessaire, mais il faut prendre une décision : rester sur place à réfléchir ne vous fera pas avancer ! Il en va de même en politique, suivez un chemin même si vous pouvez vous tromper est mieux que de rester statique. La représentation proportionnelle, c’est ne pas choisir de chemin afin que personne ne soit déçu à court terme, mais finalement, tout le monde le sera à moyen ou long terme lorsque rien de ce qui avait été promis aux électeurs des deux partis ne sera mis en place durant le mandat.
Le peuple, seul contre-pouvoir légitime
Face à cela, comment procéder ? Qui doit assurer le contre-pouvoir et comment ? Premièrement, les partis d’opposition doivent assurer un contre-pouvoir dans le discours, ils doivent proposer aux citoyens une solution alternative à celle du gouvernement lorsqu’ils estiment cela nécessaire (c’est-à-dire pas systématiquement !).
Mais le rôle le plus important au sein d’une démocratie est sans doute celui du citoyen : c’est à lui d’exercer le seul contre-pouvoir politique légitime. Non pas par le simple fait de déposer un bulletin dans une urne une fois tous les cinq ans comme se moquent certains, mais en s’informant sur l’état de leur pays, des réformes mises en place par le gouvernement, ses succès, ses échecs, ce que propose l’opposition, puis, le jour de l’élection, faire un choix. Récompenser le gouvernement pour son travail en le réélisant, se laisser tenter par l’opposition et ses choix alternatifs, sans stéréotypes, avec pragmatisme puisque le peuple, seul détient le contre-pouvoir politique légitime et démocratique.
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