Le rappel très ferme d’Emmanuel Macron contre l’antisémitisme
« S'en prendre à un Juif, c'est toujours aussi chercher à atteindre le projet politique qui le reconnaît libre et égal, qui le reconnaît comme tel. C'est toujours chercher à atteindre la République. » (Emmanuel Macron, le 8 novembre 2023 à Paris).
Je reviens sur les mots du Président Emmanuel Macron à l'occasion de la lutte contre l'antisémitisme et plus particulièrement de la grande marche contre l'antisémitisme et pour la République du 12 novembre 2023. Même si cette marche n'a pas eu la foule des plus grandes manifestations revendicatives et corporatives, les près de 200 000 participants sont un nombre d'autant plus honorable que les risques de débordements étaient à craindre. Au contraire, la manifestation à Paris a été très pacifique, aucun trouble n'a été constaté, aucune violence, ce qui est désormais assez rare pour le noter.
Finalement, après bien des hésitations, Emmanuel Macron n'a pas souhaité participer à cette manifestation organisée par la Présidente de l'Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet et le Président du Sénat Gérard Larcher. Considérait-il que le Président de la République devait être neutre dans ce combat ? Il n'y a pas à être neutre dans la lutte contre l'antisémitisme et Emmanuel Macron l'a lui-même rappelé à deux reprises cette semaine-là.
Probablement souhaitait-il dépassionner le débat public et ne pas mettre de l'huile sur le feu, même s'il faut récuser l'idée saugrenue de croire qu'on mettrait de l'huile sur le feu quand on manifeste contre l'antisémitisme. Il faut surtout récuser l'idée que lutter contre l'antisémitisme signifiait prendre position dans le conflit israélo-palestinien. Il n'y a pas deux camps, les antisémites et les Juifs. Il y a les partisans des valeurs de la République qui accueille en son sein toutes les religions (et non religions), notamment juive et musulmane, des valeurs qui sont défendues, activement par la participation à cette marche du 12 novembre 2023 ou plus passivement au moment de voter, et puis, ultraminoritaire, il y a ce courant politique intolérant et haineux qui refuse la liberté de penser, d'avoir une religion, qui refuse la laïcité et le vivre ensemble pacifié, qui est le bagage de l'islamisme politique à l'origine de nombreux attentats meurtriers, en France, en Europe, comme dans le Proche- et Moyen-Orients.
Malgré son absence de la grande marche, on ne pourrait pas dire que le Président de la République combattrait mollement l'antisémitisme. Il a au contraire pris l'occasion deux fois de le combattre très fermement.
La première fois est à l'occasion de sa participation d'un grand anniversaire du Grand Orient de France (le 250e anniversaire de son appellation) le 8 novembre 2023. Emmanuel Macron a salué les lumières de la franc-maçonnerie (rappelons que le pape François vient de rappeler l'incompatibilité entre franc-maçonnerie et catholicisme), en associant la répression contre la franc-maçonnerie à la répression contre les Juifs qui se faisait souvent en même temps : « La haine des Juifs, la haine des francs-maçons procèdent du même élan. Ce sont deux préludes, deux prétextes à la haine de la République. ».
Dans son discours où il a employé trois fois le mot maïeutique (bravo pour l'exploit), Emmanuel Macron n'a pas mâché ses mots : « Et je le répéterai sans cesse : là où l’antisémitisme entend s’installer prospèrent avec lui toutes les autres formes de racisme et de haine identitaire, très rapidement. Et veillons à toutes les confusions dans une époque où, les uns préfèrent rester ambigus sur la question de l’antisémitisme, par souci de flatter de nouveaux communautarismes, et les autres prétendent soutenir nos compatriotes de confession juive en confondant le rejet des musulmans et le soutien des juifs, en refusant ceux-là même, de condamner clairement leurs positions passées, et tous les maux définitifs d’hier. Il n'y a pas de lutte véritable contre l'antisémitisme sans un réel universalisme qui voit dans chaque citoyen un être de droits et de devoirs, appartenant pleinement, totalement, à la République et à la Nation. ».
Et de poursuivre : « Dans cette époque en proie à la déraison, votre parole de raison a une place essentielle. Alors que les séparatismes et les fanatismes tentent de fissurer la Nation, visant au chaos, au mépris parfois de leurs engagements passés ici même, il nous faut à nouveau pouvoir compter sur des soldats de l'idéal, prompts à rassembler ce qui est épars. Il nous faut restaurer l’autorité, la civilité, l’harmonie. Et ce n’est pas un combat que la République peut mener seule. Ce combat pour l'unité est à reconquérir et à reprendre chaque jour. Par la démonstration en paroles et en actes, par cette capacité à renouer le fil de la parole, à sortir des différences, des assignations à résidence dans lesquelles une époque qui n'est soumise qu'aux émotions et à la solitude, immanquablement, renfermera les uns et les autres. La réponse, vous le voyez, n'est dans aucun communautarisme. Elle est dans cet universalisme qui suppose cette maïeutique. ».
Emmanuel Macron a exposé les nombreuses menaces qui interpellent la République : « Aujourd'hui, le risque existe de l'asservissement de l'Homme par l'écran, de l'esprit humain par ses répliques artificielles, des peuples libres par de nouvelles forces totalitaires, des opinions éclairées par de puissants mouvements de haine, de notre civilisation industrielle par ses propres excès. Il existe une crise profonde et structurelle, une crise de l'esprit et de l'espoir humanistes face aux grandes bascules technologiques, géopolitiques et climatiques. Je crois qu'il faut justement, dans cette période, renouer le fil d'un humanisme français et européen, qui tiennent ensemble la liberté, l'égalité et la fraternité. Qui conjugue progrès et écologie, progrès et régulation du numérique, progrès et réinvention démocratique, progrès et justice sociale. ».
Le message principal du Président qui n'était pas adressé seulement au Grand Orient de France mais plus généralement à l'ensemble des Français, le message d'ailleurs qui a été retenu par tous les médias, c'est que la République ne transigera pas : « L’antisémitisme refait surface, dans les mots, sur les murs. Il s’affiche sans crainte et sans honte. Et à cet égard, je veux ici être définitif : la République ne transige pas et ne transigera pas. Et nous serons impitoyables face aux porteurs de haine. ».
La seconde fois où Emmanuel Macron évoque la lutte contre l'antisémitisme, c'est à l'occasion de la publication d'une "Lettre aux Français" le 12 novembre 2023, en guise de participation morale à la grande marche contre l'antisémitisme.
D'abord, ce que j'appellerais la "double peine" des Juifs en France : « Mille deux cents personnes ont été assassinées avec une cruauté absolue. Quarante de nos compatriotes ont été victimes de la barbarie, huit sont portés disparus ou retenus en otage. Nous sommes tous meurtris. Tous aux côtés des familles. Tous mobilisés pour obtenir la libération de tous les otages. À cette douleur de la Nation s’est ajoutée l’insupportable résurgence d’un antisémitisme débridé. Qu’il soit religieux, social, identitaire ou racial, l’antisémitisme est toujours tel que le présentait Émile Zola : odieux. En un mois, plus d’un millier d’actes antisémites ont été commis sur notre sol. Trois fois plus d’actes de haine contre nos compatriotes juifs en quelques semaines que pendant toute l’année passée. Nos compatriotes juifs éprouvent dès lors une légitime angoisse. Peur d’emmener leurs enfants à l’école. Peur de rentrer seuls chez eux. Peur jusqu’à gommer leur nom pour se protéger. Comme si le chagrin ne suffisait pas, les voilà étreints par l’angoisse et la solitude. Comme si les sentiments passés transmis par leurs parents, leurs grands-parents ressurgissaient soudain. ».
D'où ce message essentiel dans cette lettre présidentielle : « Une France où nos concitoyens juifs ont peur n’est pas la France. Une France où des Français ont peur en raison de leur religion ou de leur origine n’est pas la France. (…) Pas de tolérance pour l’intolérable. Cette lutte contre l’antisémitisme ne doit jamais nous diviser ni jamais conduire à opposer certains de nos compatriotes à d’autres. Dans notre Histoire, l’antisémitisme fut toujours le prélude à d’autres haines et au racisme. ».
Et le soutien sans faille au peuple israélien ne signifie pas non plus absence de compassion pour la population civile de Gaza : « Le dessein des terroristes est de créer partout des clivages pour nourrir les affrontements et le chaos. Nous ne tomberons pas dans ce piège. Nous sommes la Nation de l’universel. Un peuple qui n’a jamais rien cédé de ce principe simple, installé par la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen : une vie vaut une vie. Par-delà les origines, les parcours, les croyances, les choix. Nous voulons la justice, la paix et la sécurité pour le peuple d’Israël, pour le peuple palestinien et pour les États de la région. Nous voulons l’unité des Français. ».
Une vie vaut une vie. C'est dans cet esprit qu'Emmanuel Macron a conclu la lettre : « [Les marches contre l'antisémitisme expriment] ce qui est l'essence même du projet français : le refus de l'assignation à différence. La défense de l'universalisme. Cette idée fondamentale qu'il n'y a pas de communautés, seulement des citoyens égaux à des citoyens. Des vies qui valent d'autres vies. Ainsi parle la France dès qu'il s'agit de porter un message d'humanité. Et sur ce chemin, dans les moments que nous vivons, rien ne doit nous diviser. La France doit rester unie derrière ses valeurs, son universalisme. ».
Il faut noter cette belle formule de refus de l'assignation à différence, car c'est exactement cela le communautarisme et sa caricature, le racisme : voir en l'Autre les différences au lieu d'y voir l'universalisme. La diversité nourrit l'unité (c'est en quelque sorte la devise de l'Union Européenne) tandis que les différences la noient.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (12 novembre 2023)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Le rappel très ferme d'Emmanuel Macron contre l'antisémitisme.
Lettre aux Français du Président Emmanuel Macron le 12 novembre 2023 (texte intégral).
Discours du Président Emmanuel Macron le 8 novembre 2023 au Grand Orient de France (texte intégral et vidéo).
Emmanuel Macron participera-t-il à la grande marche contre l'antisémitisme du 12 novembre 2023 ?
Quel est le bilan de la visite d'Emmanuel Macron au Proche-Orient ?
Pourquoi Emmanuel Macron se rend-il en Israël ce mardi 24 octobre 2023 ?
Horreur en Israël : les points sur les i de Gérard Larcher et Emmanuel Macron.
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 12 octobre 2023 (vidéo et texte intégral).
Les propositions constitutionnelles d'Emmanuel Macron.
Discours du Président Emmanuel Macron le 4 octobre 2023 sur la Constitution de la Cinquième République (texte intégral et vidéo).
L'autonomie de la Corse ?
Discours du Président Emmanuel Macron le 28 septembre 2023 à Ajaccio sur le statut de la Corse (texte intégral et vidéo).
Emmanuel Macron : bâtir une écologie à la française.
Discours du Président Emmanuel Macron le 25 septembre 2023 sur la planification écologique (texte intégral et vidéo).
J'y veillerai personnellement !
Interview du Président Emmanuel Macron le 24 septembre 2023 à 20 heures sur TF1 et France 2 (vidéo).
Charles III accueilli par Emmanuel Macron.
Der Spiegel : "La France, c'est l'Allemagne en mieux".
Les Rencontres de Saint-Denis : une innovation institutionnelle d'Emmanuel Macron.
La France Unie soutient l'Ukraine !
Décalage.
Interview du Président Emmanuel Macron le 24 juillet 2023 à 13 heures sur TF1 et France 2 (vidéo).
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Intervention filmée du Président Emmanuel Macron au conseil des ministres du vendredi 21 juillet 2023 (vidéo).
Composition complète du gouvernement d'Élisabeth Borne au 20 juillet 2023.
Le 4e remaniement ministériel du premier gouvernement d'Élisabeth Borne du 20 juillet 2023.
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Faut-il encore polémiquer sur le RSA ?
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