Logement et discrimination
Petit état des lieux de la discrimination dans l’accès au logement en France, et quelques propositions de la Halde pour y mettre fin.
Ce court exposé fait suite à un débat mené dernièrement avec Louis Schweitzer, président de la Halde.
Parmi les sujets retenus par
Mais le domaine de la discrimination dans l’accès au logement est un sujet difficile ; première constatation de Louis Schweitzer :
Aujourd’hui, les réclamations transmises à
- 50 % concernent l’emploi ;
- 6 % seulement concernent le logement (3 % pour le logement privé, 3 % pour le logement public).
Est-ce à dire qu’il y a si peu de discrimination dans le logement ?
Etonnée de recevoir si peu de réclamations sur un thème aussi sensible,
Typologie des témoins : couple d’origine maghrébine, couple d’origine africaine, femme seule avec enfants ; ces candidats devant être comparés à des candidats dits de référence.
Les tests ont été menés dans différentes régions de France.
Résultat :
Les candidats africains et maghrébins ont 3 fois moins de chance d’obtenir un rendez-vous pour visiter un appartement.
Et, à l’issue du rendez-vous, encore 3 fois moins de chance de signer un bail pour toutes les catégories de candidats « discriminés » par rapport aux candidats de référence.
Soit au total, 9 fois moins de chance !
La réalité de la discrimination dans l’accès au logement est donc incontestable !
Le test n’a pu être réalisé que dans le secteur privé ; dans le secteur public, il est impossible à mener du fait des listes d’attente sur lesquelles il faut s’inscrire, la durée d’attente pouvant atteindre entre 3 et 5 ans en région parisienne notamment.
L’accueil a été plutôt tiède. Les raisons invoquées pour justifier ces discriminations ont porté sur la liberté de choix des propriétaires, le risque de les dissuader de mettre leurs biens en location si la loi devenait trop rigide...
La Fnaim [3], elle, a passé une convention avec
Les organismes signataires s’engagent notamment à refuser de publier des annonces dont les propriétaires affichent des exigences discriminatoires.
Pour autant, les discriminations existent toujours car elles sont difficiles à prouver.
Dans le logement social public, les réclamations parvenues à
Recommandations faites par
· on ne sait pas gérer une situation de pénurie de façon juste ; il faut donc augmenter l’offre de logements ;
· on ne peut pas assurer la diversité que dans les quartiers pauvres.
Cela pose le problème de la création de réserves foncières. Il faut des systèmes de subvention, des moyens juridiques. Il faut que l’Etat puisse se substituer aux collectivités locales ;
· la diversité implique la prise en considération de la stratégie des gens (par exemple : la sectorisation scolaire provoque des stratégies pour que ses enfants soient inscrits ou évitent certaines écoles) ; il faut des politiques d’accompagnement en matière de transport, de loisirs, d’éducation... ;
· il faut donner le droit de vote aux étrangers pour les municipales ;
· l’accession à la propriété du parc social (vente de HLM) n’est pas une bonne chose tant qu’on est en situation de pénurie, car elle renforce, entre autres, le problème de fluidité ;
·
Quelques problèmes de méthodologie :
o pour réaliser, atteindre l’objectif de mixité sociale, on ne peut pas légalement établir des critères ou quotas ethniques, d’origine... donc la mixité se calcule juste sur des critères sociaux (niveaux de formation, revenus, CSP [4]...).
Il faudrait pouvoir rétablir la possibilité de réaliser des études statistiques sur des critères d’origine pour être plus dans la réalité, mais actuellement, pour rester dans le cadre de la légalité, cela implique de travailler sur des données déclaratives facultatives, ce qui limite la lisibilité desdites études ;
o une intervention dans la salle propose de considérer la diversité générationnelle dans la définition de la mixité, car cela n’est pas pris en compte actuellement.
Louis Schweitzer n’est pas persuadé qu’imposer de la mixité générationnelle soit une bonne idée, pour des raisons de modes de vie, d’activités, différents selon les âges... ;
o une intervention dans la salle rappelle qu’en Angleterre, notamment, les collectivités locales peuvent acheter des droits d’attribution dans des programmes privés de construction pour ensuite y installer des locataires demandeurs du logement social.
La collectivité peut se substituer au propriétaire pour percevoir les loyers des locataires, gérer les situations d’impayés, réaliser certains travaux et, parallèlement, elle règle directement le loyer dû au propriétaire, le déchargeant des risques liés à la location ;
o Marie-Noëlle Lienemann propose également d’imposer, par exemple, 20 % (taux à réfléchir) de logement social dans tout programme de construction de logements neufs, ce qui permettrait de dépasser les objectifs de construction de la loi SRU, notoirement insuffisants, pour augmenter la taille du parc locatif social rapidement.
Quelques informations complémentaires :
En 2006, la pénurie de logement est évaluée entre 600 et 900 000 unités, et il y a environ 1 million de demandeurs de logement, dont un tiers pour la région Île-de-France.
Facteur aggravant de cette pénurie : un état de mal-logement qui concernerait près de 3 millions de personnes d’après une étude menée en 2006 par la fondation Abbé-Pierre.
Halde : Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité créée par la loi du 30 décembre 2004 et présidée par Louis Schweitzer. C’est une autorité administrative indépendante.
Ses missions : lutter contre les discriminations prohibées par la loi, accompagner les victimes, identifier et promouvoir les bonnes pratiques pour faire entrer dans les faits le principe d’égalité...
[1] La loi du 6 juillet 1989 pose le principe de non-discrimination en matière d’accès au logement avec un aménagement de la charge de la preuve au profit du locataire.
[2] La loi du 31 mars 2006 élargit les pouvoirs de
[3] Fnaim : Fédération nationale de l’immobilier, syndicat professionnel qui représente 70 % des agences immobilières.
[4] CSP : nomenclature de catégories socioprofessionnelles ; les individus sont classés selon leur situation professionnelle considérée selon plusieurs critères (métier proprement dit, activité économique, qualification, position hiérarchique et statut).
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