par quatre chemins...
Chacun connait l’expression populaire, « on n’y va pas par quatre chemins ! », qui induit l’idée d’un radicalisme, lequel n’en emprunte qu’un seul, aux seules fins d’être efficace.
Pourtant, pour sortir de la crise sociale, financière, écologique et européenne que nous connaissons, il faut justement peut-être y aller par 4 chemins.
Ces chemins, proposés par quelques experts, économistes, penseurs, chercheurs, sont ceux de la solidarité, du partage, d’une économie différente, de l’abondance dans la sobriété et dans le respect de l’environnement.
Au-delà d’une règle qui devrait empêcher un écart supérieur de 1 à 20 pour les salaires (lien), réduire les inégalités devrait aussi passer par ce que l’on appelle le revenu inconditionnel de base, ou R.U. (Revenu Universel) ceci impliquant qu’il soit préférable qu’il soit décidé à l’échelle européenne, afin, entre autres, de mettre un frein aux délocalisations. lien
Or, pour qu’il puisse être mis en place, il est possible de passer par une initiative citoyenne.
Cette innovation, est possible grâce au traité de Lisbonne, si elle rassemble au moins 1 million de signatures, réparties sur les 27 pays de l’Union, venant d’au moins ¼ des pays membres, avec comme condition supplémentaire qu’au moins 7 pays atteignent près de 100 000 signatures en 18 mois. lien
Si l’objectif est atteint, l’Europe sera tenue de mettre en œuvre les moyens pour étudier sa réalisation.
Or cette initiative a été lancée en mars 2013.
En Suisse, c’est plutôt bien parti, 110 000 signatures sont déjà acquises, mais d’autres pays sont encore très loin du compte, comme l’Irlande avec seulement 160 signatures. lien
Sur ce lien, on peut découvrir le décompte des votes en temps réel, et l’initiative peut être signée sur ce lien.
Mais qu’est-ce que ce « Revenu Universel » ?
Il s’impose dans une économie qui ne peut plus garantir le plein emploi, permettant ainsi à l’homme de valoriser son potentiel créatif, et à ceux qui ne voit là qu’une utopie, il faut y réfléchir à 2 fois, car s’il s’agit seulement de contester sa possibilité au nom de la crise financière, il est facile d’opposer que les moyens existent, sauf qu’ils sont utilisés aujourd’hui pour d’autres causes.
Le budget annuel de l’Union Européenne s’élève à 142 milliards, ce qui ne représente qu’1% de la richesse crée chaque année par les états membres de l’Union. lien
Or au titre de « la croissance durable », l’Union Européenne avait consacré en 2011 près de la moitié de son budget, l’autre moitié étant consacré à la conservation et à la gestion des ressources naturelles. lien
On voit donc très bien que le R.U. pourrait parfaitement s’inscrire dans ces deux lignes budgétaires, puisque d’une part, il permettrait de relancer la croissance, et d’autre part de favoriser un meilleur environnement.
Et puis la volonté affichée de l’Europe de traquer les fraudeurs fiscaux pourrait générer une manne abondante, apte à financer ce R.U.
Rien qu’en France, ce sont en effet 60 milliards d’euros qui pourraient être récupérés, ce qui permettrait de financer la totalité de ce R.U, puisque son cout est estimé entre 30 et 50 milliards d’euros. lien
Les avantages de cette mesure sont considérables : réduction des inégalités sociales, éradication de la pauvreté, banalisation de la notion de chômage, puisque le R.U. serait cumulable avec un revenu d’activité, elle court-circuite la stigmatisation des bénéficiaires des minimas sociaux, déconnecte le revenu de l’activité, favorise des activités personnelles choisies non rémunérées, et relance la consommation, donc la croissance d’un pays.
Et puis s’il faut en croire Joseph Stiglitz, « l’austérité ne marchera pas », et plus d’un an après son élection, le continuel effondrement économique et social de notre pays lui donne raison. lien
Situer le niveau de ce R.U. est l’objet de débats, certains penchant pour le mettre au niveau du seuil de pauvreté (environ 900 €) quand d’autres proposent de le mettre au niveau du smic. lien
L’un des premiers à le promouvoir était l’économiste Jacques Marseille, qui proposait un R.U. de 750 € à toutes les personnes de 18 ans jusqu’au décès. lien
Il faut croire que l’idée n’est pas si utopique, puisque maintenant, même des banquiers la soutiennent, ou du moins elle a soulevé l’adhésion validée de Jean Louis Bancel, président du Crédit Coopératif. lien
Le professeur émérite, (université Paris-ouest Nanterre) économiste et sociologue Bernard Friot va encore plus loin évoquant un « salaire à vie » qu’il positionne entre 2000 et 4000 € par mois. lien
Les avis politiques sont variés, et s’il semble que Christine Boutin ait été la première à le proposer, le montant qu’elle envisageait était relativement modeste, avec 400 € par adulte, et 200 € par enfant, alors que Dominique de Villepin, en 2011, avait placé la barre un peu plus haut : 850 €. lien
L’idée n’est pas nouvelle, et Giscard d’Estaing en soutient le principe formant le vœu que l’UDI « s’engage dans la défense du revenu de base », considérant qu’il s’agissait d’une mesure humaniste, sociale, mais aussi libérale. lien
Dans un pays ou chaque citoyen se verrait attribuer un revenu, c’est autant de consommateurs qu’il retrouve, ceci étant naturellement de nature à relancer la croissance.
Pourtant, est-ce une raison pour faire de la croissance une panacée ?
Comme l’expliquent Paul Aries, Serge Latouche, (lien) et d’autres, la décroissance est incontournable si nous voulons laisser aux générations suivantes un monde vivable, refusant les inégalités, les exclusions, et les abus de pouvoir d’où qu’ils viennent.
Loin de l’idée de se « serrer la ceinture », il s’agit plutôt de consommer différemment, dans un esprit de « sobriété heureuse », privilégiant la qualité, l’échange, la consommation sur place des aliments produits, freinant ainsi le développement exponentiel des infrastructures de transport, et permettant de faire de logiques économies énergétiques.
Sont évoqués dans cette « décroissance » le SEL (systèmes d’échanges locaux), la confiance donnée aux banques solidaires, dans le droit fil de ce qu’avait proposé Cantona, lequel avait opposé aux banksters, les bankrunners. lien
Cela implique aussi l’abandon de l’obsolescence programmée, refusant une société de gaspillage, avec la volonté de fabriquer du durable, sans pour autant se priver d’innover, mais aussi une production agricole locale, avec une multiplication des jardins partagés (lien), pratiquant une culture avare en eau, grâce au BRF (bois raméal fragmenté), à la permaculture, permettant un enrichissement rapide du sol, et une production abondante de qualité, sans quasi ne jamais arroser. lien
Les AMAP connaissent un essor évident, au point que certaines manquent de bras, (lien) ou de consomm’acteurs. lien
Ce qui a fait dire à Pierre Rabhi, ce célèbre « homme de la terre » : « la beauté qui sauvera le monde, c’est la générosité, le partage, la compassion, toutes ces valeurs qui amènent à une énergie fabuleuse qui est celle de l’amour ». lien
Sur le chapitre de l’énergie, le chemin proposé par Jeremy Rifkin s’harmonise avec le choix du R.U.
En effet, en organisant ce qu’il appelle « la production distribuée », il permet de lancer à la base, avant même une décision politique, la transition énergétique locale et renouvelable.
Convaincu que nous sommes entrés dans la « civilisation de l’empathie », il nous propose de partager l’énergie comme nous l’avons fait avec l’information, et les réseaux sociaux.
Cet économiste novateur avait annoncé la destruction de l’emploi stable par les nouvelles technologies, impliquant d’après lui la fin du travail. lien
Cette 3ème révolution industrielle qu’il appelle de ses vœux écarte définitivement le nucléaire, en déclarant : « vu que le nucléaire ne crée pas d’emplois et rend possible des irradiations, pourquoi continuer à investir dans une telle énergie ? ».
Pour lui, à l’évidence, les jeunes qui vivent déjà dans la révolution des communications devront accomplir celle de l’énergie. lien
Ce qu’il prévoit est de nature à assurer l’indépendance énergétique de chaque pays, ce qui, pour la France, aurait aussi comme conséquence de rétablir la balance commerciale.
On le voit, ces 4 chemins se rejoignent en un seul, tant leur interconnexion est évidente.
Alors bien sur, ces 4 chemins vont susciter aux 4 coins de l’Europe les réactions hostiles de ceux qui refuseront ces mesures au simple fait qu’il n’est pas possible de se saigner aux 4 veines, pour faire les 4 volontés d’un peuple qui souffre.
Mais est-ce faire preuve d’avoir de l’esprit pour 4, que de couper ainsi les cheveux en 4, continuant de laisser se disperser aux 4 vents les talents de ceux qui aujourd’hui en sont réduits à fouiller les poubelles pour survivre, et négligeant ceux qui se coupent en 4 par solidarité ?
En septembre 2014, lorsque l’initiative européenne sera arrivée à terme, nous saurons si le R.U. a une chance d’aboutir, et si nous sommes prêts à changer d’ère.
Comme dit mon vieil ami africain : « Après le bruit des bottes, aurons-nous le silence des pantoufles ? »
L’image illustrant l’article vient de « memphis.typepad.com »
Merci à Manu et aux internautes de leur aide précieuse
Olivier Cabanel
Articles anciens
BRF, trois lettres qui vont révolutionner l’agriculture.
A voir un film : « revenu de base, une impulsion culturelle »
A lire : le revenu d’existence, attac
L’enjeu du salaire, Bernard Friot, éditions la dispute.
Revenu de citoyenneté, droit au travail, intégration sociale, revue du mauss n°7, 1996
Fin du travail et revenu universel, Michel Husson, n°176, juillet 2005
L’allocation universelle, Yannick Vanderborght et Philippe Van Parijs, la découverte 2005
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