Pour une démocratie réelle (III : comment l’établir ?)
Après dans les deux précédentes parties avoir caractérisé la démocratie réelle et montré l’écart avec notre système pseudo-démocratique, en fait aristocratique électoral, maintenant une oligarchie et soutenu par une crypto-ploutocratie de moins en moins masquée, il s’agit maintenant de proposer une voie afin d'établir la démocratie par un parti ayant pour but d’établir une constitution démocratique en se présentant aux diverses élections.
Pour finir, deux annexes émiettent les deux tartes à la crème antidémocratiques, prétendant qu’Hitler aurait eu une accession démocratique au pouvoir, et brandissant la peine de mort comme un épouvantail.
Nous ne pouvons guère attendre qu'un aristocrate comme à Athènes accorde plus de démocratie, ainsi l’avait fait Clisthène afin de préserver son pouvoir face à ses rivaux ; or l'oligarchie est si forte, si diverse maintenant qu'un seul de ses membres n'a pas assez de pouvoir pour agir ainsi.
Aussi parce qu’elle est plus du côté des dernières générations, l’abstention des abusés désabusés augmente, à raison, puisque suite à la compréhension que les votes sont de plus en plus des miroirs aux alouettes (Alain Garrigou, « Élections sans électeurs », Le Monde Diplomatique, juillet 2009, p. 3). Comme ce sont les jeunes qui votent de moins en moins et les vieux qui persistent (aux élections municipales de 2008 : 54% d’abstention des 18-24 ans contre 18% des 55-64 ans, soit le triple !), on peut s’attendre à un effondrement du système électoral, qui peut déboucher soit sur plus de dictature, soit au mieux sur la démocratie.
Étienne Chouard affirma : « Je ne vois pas d’autre solution que l’insurrection. » (émission sur Ici et Maintenant avec André-Jacques Holbecq, rediffusée le 13 février 2012 vers 4h), c’est-à-dire une probable violence de la foule et contre la foule, et sans que le peuple soit encore informé d’une issue de secours, et cela pourrait encore aboutir d’une façon anti-démocratique, une minorité faisant cette insurrection et une minorité de cette minorité accaparant le pouvoir politique. Or une solution pacifique est envisageable dans le cadre légal constitutionnel actuel.
Alors que le tirage au sort commence à ré-émerger afin d’assurer une représentation moins biaisée par des aspects sociologiques (par exemple éviter une surreprésentation des « gens blancs et retraités » dans le volontariat des conseils de quartier : Arthur Frayer, « La démocratie athénienne version picarde, ou comment Amiens veut réconcilier ses citoyens avec la politique », Le Monde, 27 décembre 2011, p. 10), un moyen démocratique de sortir de la pseudo-démocratie (aristocratique, oligarchique et ploutocratique) et d’instaurer la démocratie réelle serait de fonder un parti démocratique (et donc évidemment républicain) dans le but d’établir une constitution démocratique (avec parmi les résultats l’abolition des partis politiques), qui pourrait être appelé « Démocratie Réelle », et où les candidats seraient tirés au sort parmi les adhérents, engagés dans l'application de la charte démocratique du parti, qui n'aurait aucun porte-parole officiel, mais juste une liste publique des membres qui accepteraient de répondre aux médias. S'ils sont élus, ils s'efforceraient de l'appliquer et pour tous les autres thèmes débattus dans l’assemblée, ils expriment leurs opinions de citoyens, comme tout citoyen hors d’un parti.
Les partisans auraient en commun d’être démocrates, donc d’être pour un changement constitutionnel, et donc de ne pas être par exemple électoralistes, monarchistes, royalistes, etc.
Quelques propositions d’éléments d’une constitution démocratique
Une Constitution démocratique est égalitariste, et ne peut donc accorder à une collectivité, y compris l'État, des droits très supérieurs aux personnes. Ainsi, si une personne n'a le droit de tuer qu'en cas de légitime défense, il peut en être de même pour l'État, et la peine de mort pourrait ainsi être anticonstitutionnelle.
L’assemblée législative serait composée d’environ un millier de citoyens tirés au sort, libres de refuser le mandat, mais des aménagements pourraient être proposés afin de faciliter l’acceptation de la mandature (par exemple en faveur des mères).
Les mandats seraient assez brefs (un an comme proposé par Montesquieu, voire deux).
Il y aurait une séparation stricte des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire
Pour des postes exécutifs il y pourrait y avoir une démocratie par tirage au sort parmi les candidats qui s'estiment compétents pour un poste (ministre de la santé, de l'écologisme, etc.), et des décisions collégiales au conseil des ministres (pas d’hyperprésidence monarchique, mais une présidence tournante par exemple chaque semaine ou mois).
Il n’y aurait pas évidemment pas de cumul des mandats.
Il y aurait une possibilité de destitution avant terme par le peuple à son initiative, avec une majorité de par exemple deux tiers.
Une hiérarchie entre les ministères pourrait être établie par le pouvoir législatif (par exemple considérer que la santé prime sur l'industrie ou le travail).
Il n’y aurait aucune immunité pour aucun mandat (un des privilèges que se sont auto-accordés les politiciens).
Nous ne connaîtrions pas la paralysie cyclique d’action politique lors des périodes électorales, car les assemblées seraient renouvelées (lors des journées référendaires) par tiers ou quart sans campagnes électorales autopromotionnelles.
La république serait totale, car aucun lobbysme ne serait autorisé, l'influence dans des couloirs feutrés étant interdite : toute tentative d’influence des instances politiques doit être publique, à travers des communications écrites ou orales à l'assemblée législative, aux ministères, ou les médias, de la part des citoyens, scientifiques, philosophes, professionnels, spécialistes, industriels, etc.
Les citoyens seraient interdits d’exercice de mandat politique s'ils ont été corrompus, mais pourraient toujours voter (le suffrage resterait universel).
Les référendums et tirages au sort, ainsi que le paiement des mandataires (au salaire médian de la population) seraient beaucoup moins onéreux que les dizaines de millions d'euros des campagnes électorales, et économiseraient encore beaucoup plus de coûts par l'intérêt général des lois votées.
Quel suffrage dans une démocratie ?
Un suffrage universel autoriserait toute personne qui le veut à voter. En fait de "suffrage universel", nous avons un suffrage capacitaire (classiquement attribué selon l'instruction) : la discrimination âgiste (dix-huit ans en France) est une façon d'établir un critère simple de la maturité de la capacité à juger. L’exclusion des condamnés est aussi capacitaire (incapacité à bien se comporter en société). Aux États-Unis, c'est pire avec une exclusion de fait des plus pauvres (dont une majorité de pauvres dans les deux millions de prisonniers) qui confine à un suffrage censitaire, comme le montre Thierry Meyssan dans son implacable et accablante démonstration des verrouillages antidémocratiques de la politique aux États-Unis dans « Un bon show ne fait pas une démocratie » (Profil n° 630, Russie, 22 octobre 2008).
Le suffrage familial proposait une voix par membre de la famille, mais au chef de famille, ce qui était plus facile en des temps machistes d’interdiction de vote des femmes ; mais cela a l’avantage de donner plus de voix dans l’intérêt des familles et des enfants, et donc dans une politique soucieuse de l’anticipation du futur.
Dans le cadre du suffrage capacitaire, le critère de la majorité est simple, mais arbitraire : en quoi un bachelier surdoué de seize ans devrait attendre deux ans pour voter là où un illettré de dix-huit en aurait le droit ? Autant laisser à chacun la liberté de voter dès qu'il est motivé. Un devoir pourrait être exigé, comme un temps consacré à la collectivité, une formation sur la citoyenneté, ou un examen du type questionnaire à choix multiples (comme pour le code de la route).
Il est pertinent de s'interroger sur le vote obligatoire (comme en Belgique), lorsqu'on sait que ceux qui s'excluent du droit de vote sont ceux qui ont le plus intérêt à voter afin de changer la société : c’est-à-dire les pauvres (chômeurs, salariés précaires, moins diplômés) qui en souffrent plus, et les jeunes qui vont y vivre plus longtemps.
Mais plutôt que de rendre le vote obligatoire, il serait plus judicieux de proposer une rémunération du vote, au salaire minimal, selon le temps passé à voter, selon l’accessibilité du lieu de vote depuis le domicile, et aussi pour le temps éventuel consacré à la participation au dépouillement ; car ce sont des actes qui profitent à la collectivité (c’est-à-dire d’intérêt public).
Perspectives concrètes : se présenter aux élections en vigueur en démocrates
Les opposants à la démocratie, ces loups à masque d'agneau, devront sortir du bois pour s'opposer à ce qu'ils prétendent mensongèrement défendre. Et ce ne sera légalement pas facile pour eux de s’opposer aux démocrates en se prétendant démocrates, car ils ont contre eux plus de deux millénaires de philosophie.
En France, un parti politique n’est qu’une association loi 1901 qui a certains avantages (dans certains pays comme les États-Unis, cela pourrait être plus difficile). Le président et le reste du bureau (légalement, il faut être deux pour faire une association) devrait être à chaque assemblée générale annuelle tiré au sort parmi les candidats à chaque poste, et pouvoir être démis par un vote des adhérents décidé à leur initiative si ses actes ne sont pas conformes aux buts de l’association. Dans le cadre du parti, on s’attellerait à faire évoluer le projet de constitution démocratique.
Un membre de Démocratie Réelle ne serait pas autorisé à se représenter à des élections sans avoir été tiré au sort ; et il pourrait éventuellement y avoir une interdiction pour un membre ayant un mandat de faire partie du tirage au sort pour une élection suivante, afin qu’il y ait une plus grande diversité des mandataires.
Le parti démocratique pour l’abrogation des partis politiques serait, comme tous les partis, dissout lorsque son but serait atteint, c’est-à-dire lorsqu’une constitution démocratique, et donc sans partis, aura été approuvée par le peuple.
Le parti démocratique serait un entraînement concret à la démocratie et un modèle pour son instauration : ainsi, sa victoire ne serait donc guère un saut dans l’inconnu.
Les élections présidentielles sont les dernières auxquelles se présenter, d'une part car elles sont les plus monarchiques, d'autre part car elles sont les plus verrouillées par les aristo-oligarques, avec l'obligation du parrainage par cinq cents des 42.000 élus (et on constate comment un parti qui aurait entre un dixième et un cinquième des voix obtient difficilement ces parrainages). Ainsi, François Amanrich, qui aurait pu être le candidat le plus démocrate de l’élection présidentielle de 2012, après plus d’une décennie d’efforts, a encore échoué à obtenir les cinq cent parrainages après avoir prétendu les avoir obtenu : finalement onze lui auraient manqué, alors qu’en 2007, il n’en aurait obtenu que 240, ce qui indique quand même une grande progression en à peine un quinquennat, avec plus du double de parrainages.
Par contre, nous pouvons nous présenter aux élections législatives de 2012, car les dates de dépôt de candidature sont du 7 au 11 mai 2012. Même si un groupe Démocratie Réelle a été créé sur Facebook dans ce but (ainsi qu’un groupe pour ma circonscription qui peut être imité), il est plus important de ne pas se disperser, et comme le projet démocratique le plus avancé actuellement est celui du Rassemblement d’Initiative Citoyenne (centré sur le référendum d’initiative populaire) qui est en train de constituer une liste aux législatives, il serait judicieux de s’y rattacher (même si on peut penser que son dirigeant reste trop dans des projets d’aristocratie élective plutôt que de démocratie, mais sans qu’il impose de s’y adjoindre. Et même des petits scores au début permettraient d’avoir une audience médiatique conséquente, et d’éveiller les consciences sur une alternative, poussant aussi les partis aristocratiques à devancer la réalisation d’une partie de notre projet démocratique .
Annexes à propos des lanceurs des deux tartes à la crème les plus éculées contre la démocratie (y compris ceux qui comme Amanrich sont pour plus de démocratie : « Interview de François Amanrich, porte-parole du mouvement pour la Clérocratie », par Enquête et Débat).
- Adolf Hitler "élu démocratiquement" ?
L'exemple de l'accession au pouvoir politique d'Adolf Hitler n'est pas démocratique comme l’oligarchie voudrait le faire croire : il fait partie d'un régime de partis, est financé par les ploutocrates, et est désigné par les aristocrates et oligarques alors même qu'il obtint moins de voix du peuple :
En 1920, des fonds secrets de l'armée allemande, qui voyaient dans le Parti National-Socialiste des Travailleurs Allemands (NSDAP) une force paramilitaire opposable à l'extrême gauche communiste, permirent à Hitler de contrôler le journal du NSDAP Völkischer Beobachter. Vers 1930, le groupe dirigé par Alfred Hugenberg, qui contrôlait plus du tiers de la presse allemande, le soutint aussi. Le NSDAP obtint 37,4% des voix en juillet 1932. Il n'en obtint plus que 33,1% (deux millions de moins) en novembre 1932, alors que le Parti Communiste avait monté de 14,6% à 16,9% (continuant sa progression : 10,6% en 1928, 14,3% en 1930). L’ex-chancelier Franz von Papen, proche des milieux conservateurs et industriels qui voulaient éviter la montée du Parti Communiste et finançaient le NSDAP, incita le président Paul von Hindenburg à nommer comme chancelier le 30 janvier 1933 Adolf Hitler, qui l'avait aussi séduit en lui faisant croire qu'il préparait la restauration de la dynastie des Hohenzollern. En juin 1934 lors de la nuit des Longs Couteaux, Hitler, en se débarrassant des chefs SA (Sections d'Assaut), rassura les industriels et financiers inquiets de la faction anticapitaliste du nazisme, et les conservateurs craignant une dérive révolutionnaire.
Ainsi Hitler est arrivé au pouvoir après que son parti ait amorcé une baisse, et outre le sien et le Parti Communiste (qui lui montait, expliquant paradoxalement et antidémocratiquement l’arrivée au pouvoir d’Hitler), il y avait 50% de voix qui allaient à des partis plus modérés et où aurait pu être choisi le chancelier comme ce fut le cas lors de l’élection précédente de juillet 1932 qui fut l’apogée électorale du parti nazi.
- La peine de mort
En France, la peine de mort semble être un repoussoir à la démocratie car son abolition a été votée alors que la majorité de la population était encore contre selon les sondages.
D’abord, la peine de mort judiciaire n’a guère été imposée démocratiquement, mais est le fait de tous les types de régimes politiques existants, donc non démocrates. Ensuite, les Français ont le 10 mai 1981 majoritairement voté pour un candidat, François Mitterrand qui avait publiquement affirmé lors de la campagne électorale sa volonté d’abolir la peine de mort, ce qui prouve que le thème n’a pas l’importance d’épouvantail que les antidémocrates veulent lui attribuer.
Ensuite, une Constitution démocratique est égalitariste, et ne peut donc accorder à une collectivité, y compris l'État, des droits très supérieurs aux personnes. Ainsi, si une personne n'a le droit de tuer qu'en cas de légitime défense, il peut en être de même pour l'État, et la peine de mort serait ainsi anticonstitutionnelle dans une démocratie.
Et même si la peine de mort n'était pas anticonstitutionnelle, en toute démocratie, les exécuteurs de la peine de mort pourraient être (comme les jurys) tirés au sort pour chaque exécution, et la plupart des citoyens, imaginant que ça pourrait être eux qui devront déclencher la guillotine pour découper ou la trappe pour pendre une personne qui criera son innocence (car il n’est malheureusement pas inconcevable qu’il y ait encore une partie de condamnés innocents), hésitera à voter pour la peine de mort. Dans une démocratie, chaque citoyen ne saurait être un Ponce Pilate qui se laverait des mains en attribuant la responsabilité de ses actes sur une autre autorité.
Enfin, les morts causées par des politiques sont surtout le fait d’oligarchies contre les peuples qui infiltrent les instances politiques et administratives, comme le complexe militaro-industriel dont le Général Dwight Eisenhower exhortait le peuple états-unien à se méfier lors de son dernier discours de président le 17 janvier 1961 (suivant son collègue militaire le Major Général Samuel Butler, auteur en 1935 de La Guerre est un Racket) ; ou comme des laboratoires pharmaceutiques meurtriers, tels Servier pour le Médiator pour ne mentionner que le plus reconnu médiatiquement, mais loin d’avoir les torts les plus graves. Ainsi, l'absence de démocratie, même sans peine de mort, tue plus que la démocratie, et qui plus est, des innocents. Comme le remarquait Étienne Chouard (conférence du 3 décembre 2011 à Genève), l’argument antidémocratique sur la peine de mort concerne la mort de quelques personnes (des dizaines), alors que l’antidémocratie actuelle tue énormément plus (des millions).
21 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON