Quand les élèves manifestent leur droit à l’éducation
Une jeunesse incivique, désengagée
qui n’aurait d’yeux que pour son téléphone portable... Et cette belle
caricature satisfait les plus passifs d’entre nous, les plus
égocentriques qui voient dans tous les projets politiques une aubaine
propre à conforter leur tranquillité domestique.
Dans cet aveuglement général, qui peut réagir à la restructuration de la fonction publique qui conduit à la suppression de postes d’enseignants et à une restriction des heures accordées aux établissements scolaires ?
Et pourtant, les élèves et leurs professeurs vont devoir composer avec des classes surchargées, des horaires restreints au minimum et faire face à l’impossibilité de choisir des options pour le baccalauréat. Dans les zones socialement défavorisées, les conditions d’enseignement vont se dégrader considérablement et creuser le fossé social qui existe désormais entre les établissements.
Mais voici que des élèves ont décidé de monter au créneau pour faire valoir leur droit à une éducation capable de résorber les différences sociales. Ces élèves refusent de voir leur avenir sacrifié au bénéfice d’une logique purement économique qui consiste en une suppression des moyens mis à disposition des quartiers en difficulté. Ils tentent désormais de faire entendre leur voix en interpellant les autorités publiques par le biais d’une lettre. Transmise à Xavier Darcos, mais aussi à Fadela Amara qui vient de présenter son « plan banlieue », cet écrit rempli d’une verve militante témoigne de leur conscience des dangers et de leurs espoirs en une solution politique et pacifique.
Madame, Monsieur
Nous écrivons cette lettre pour exprimer notre mécontentement.
En effet, notre lycée est touché de plein fouet par les nouvelles
mesures éducatives. Ces mesures correspondent dans notre cas à la
suppression de 5 postes d’enseignants, ainsi que de 5 classes (une terminale S, 2 terminales STG, une terminale ES et une seconde
générale), ce qui engendrera une augmentation des effectifs par classe
alors que notre réussite dépend pour beaucoup de la capacité des
professeurs à venir en aide aux élèves dans le besoin. Cela est
possible aujourd’hui grâce à l’organisation actuelle du lycée. Par
exemple, une classe de Terminale STG qui, avec un nombre élevé d’élèves
(environ 30) avait un taux de réussite auparavant au bac de 45 %, est
passée à 80 % de réussite grâce à la création d’autres classes de STG et
à la diminution d’effectifs qui s’en est suivie ! Autant vous dire que
la suppression d’une classe provoquera une chute de taux de réussite au
bac pour cette filière.
Tout ce qui faisait la richesse de notre lycée : théâtre, grec, latin,
arts plastiques, option sport, audiovisuel, arabe, portugais, risque de
disparaître, de même que les BEP qui permettaient à certains élèves en
échec scolaire de ne pas sortir totalement de la scolarité. La
suppression des options entraînera la suppression d’une grande partie
de la filière L, qui serait mixée avec la filière ES.
Autrement dit, nous ne cherchons en aucun cas à avoir plus de moyens
que nous n’en possédons déjà, mais au contraire à les conserver. Et
c’est pour cela, Madame, Monsieur, que nous vous écrivons pour vous
demander votre soutien car l’Education nationale est une institution
publique qui devrait favoriser l’égalité selon le modèle républicain et
non l’inégalité sociale. Et c’est sur ce point que nous aimerions
attirer votre attention car nous sommes dans un établissement fréquenté
par des enfants de milieu défavorisé qui, grâce à ce lycée et surtout à
ses richesses, ne se sentent plus marginalisés et accèdent à une
culture. Ce qui revient à dire que toutes ces suppressions
entraîneront, alimenteront des inégalités : car seuls les élèves ayant
les moyens d’accès aux formations qu’offre ce lycée pourront prétendre
plus tard à un milieu d’élite. Toutes ces mesures ont pour but de faire
des économies ; selon le ministre de l’Education, « on se concentre sur
les priorités », mais l’éducation n’est-elle pas la première priorité
dans un Etat qui prône l’égalité des chances à l’école et la culture
pour tous ? Donc toutes ces mesures iraient contre l’idéal français du
droit à l’éducation et à son importance.
Nous serons dans un futur plus ou moins proche la représentation de la France. Ecoutez-nous.
Veuillez, Madame, Monsieur, agréer nos sincères salutations.
Les élèves du lycée de l’Essouriau aux Ulis (91)
- Photographie : enterrement du lycée de l’Essouriau des Ulis
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