Réforme territoriale : le foutage de gueule
Vous pensiez que cette réforme était faite pour le citoyen ? Grave erreur !
Voilà ce qu’on peut toujours lire sur le site du gouvernement consacré à la réforme territoriale http://www.gouvernement.fr/action/la-reforme-territoriale
« Aujourd’hui, la France compte quatre échelons administratifs locaux qui se partagent des compétences : commune, intercommunalité, département et région. Cet empilement des échelons d’administration, les compétences partagées et les financements croisés sont souvent résumés par l'expression "millefeuille territorial". Cette organisation est souvent illisible pour le citoyen et nuit à l’efficacité de l’action publique des territoires.
Une importante réforme territoriale portée par le chef de l’État entend transformer pour plusieurs décennies l’architecture territoriale de la République. En jeu, la baisse des dépenses publiques et une meilleure prise en compte des besoins citoyens ».
Les textes concernant cette « importante réforme » ont été votés depuis 2014 et il est temps de vérifier si les objectifs de baisse de la dépense publique et de meilleure prise en compte des besoins des citoyens ont été tenus ou le seront et si l’organisation est devenue plus lisible.
Où en sommes-nous au moment où les textes s’appliquent ?
Le non choix, les tergiversations de Hollande (je supprime ou pas le Conseil Général ?), avec en prime les déclarations contradictoires des Ministres Lebranchu et Vallini caractérisent cette réforme qui n’en n’est pas une. On a juste fait bouger certaines lignes en prenant soin de ne pas heurter les élus locaux. Quant à la baisse des dépenses publiques, seul l’Etat, qui a décidé unilatéralement de diminuer les dotations versées aux collectivités locales, a fait quelques bénéfices mais pas le contribuable qui alimente indifféremment les budgets de l’Etat et des Collectivités territoriales, la fiscalité locale étant en augmentation constante.
Un jeu de bonneteau, rien d’autre !
Une meilleure lisibilité par le citoyen ?
Disons-le tout net, le citoyen lambda avait déjà beaucoup de mal à s’y retrouver dans le mille-feuille et pour trouver la fève il fallait être patient tant les intérêts des différentes collectivités imbriquées les unes dans les autres et les divergences politiques empêchaient une lecture simple. Quelles étaient les compétences des communes, des intercommunalités, des Départements et des Régions ?
Ces questions se posaient essentiellement au moment d’effectuer une démarche administrative (Permis de construire, transports scolaires, accès à l’aide sociale, inscription dans un collège ou dans un lycée, voirie, accès à la culture…) et faute de lisibilité, c’était avant tout la débrouille ou les réseaux, les plus débrouillards étant bien entendu avantagés.
Alors, aujourd’hui ? C’est la même chose…
Le transfert de compétences d’une collectivité à l’autre complexifiera un peu plus la lecture de ceux qui avaient réussi à assimiler le système précédent. Les transports scolaires et interurbains passent du Département à la Région, la gestion de la voirie passe du Département aux Métropoles (là où il y en a) à l’intérieur de leur aire, le Département gardant la gestion du reste du territoire. Quelques compétences, notamment dans le social, la prévention ou bien la gestion des collèges sont susceptibles de passer également du Département aux Métropoles (mais cela peut varier d’une Métropole à une autre…) et le Département perd ses compétences économiques et en matière de gestion des déchets qui sont confiées également à la Région.
Ce sont désormais les Métropoles et les intercommunalités qui exerceront en lieu et place des communes qui les composent la gestion de la compétence urbanisme.
On l’aura compris, les communes perdront une partie de leur autonomie au profit des intercommunalités, mais le grand perdant de la réforme, c’est le Département qui sort laminé de cette réforme au point que la question de son utilité est fortement posée.
Petite sucette pour consoler le Département : l’élaboration d’un schéma départemental d’amélioration de l’accessibilité des services publics (en coresponsabilité avec l’Etat, pour éviter les dérapages…). Cela nous promet de bien belles réunions.
Au final, toujours quatre échelons administratifs, toujours des compétences partagées et sans doute encore des financements croisés et une collectivité croupion (le Département) essentiellement axée sur le social.
Où sont les économies annoncées ?
Ne vous faites pas d’illusions, il n’y en aura pas et il faut prévoir plutôt des surcoûts qui viendront plomber un peu plus vos feuilles d’impôts locaux.
Des exemples ?
Prenons les nouvelles Régions dans lesquelles les nouvelles dépenses seront nombreuses (Augmentation des indemnités d’élus et des fonctionnaires et des frais de déplacements, dépenses nouvelles de communication et de logistique et surtout des surcoûts immobiliers générés par la construction de nouveaux « palais régionaux »).
Prenons les intercommunalités dans lesquelles les regroupements ou les modifications des périmètres vont aboutir au regroupement des personnels des anciennes structures et parfois à la création de « plateforme techniques » éparpillées sur le territoire, pour la gestion desquelles on va recruter des personnels supplémentaires et investir dans de nouveaux équipements.
Pour les communes qui vont fusionner, c’est à peu près la même chose, c’est-à-dire qu’on garde tout le monde, sans regarder si des économies d’échelles sont réalisables (il est vrai que le maintien provisoire des dotations d’Etat pour ces communes nouvelles n’incitera pas aux économies).
Rappeleons-nous que lors de la création des intercommunalités dans la fin des années 90, les personnels territoriaux des communes qui auraient dû être transférés dans ces nouvelles structures ne l’ont pas été comme il aurait fallu et que de nombreux recrutements ont été opérés par les Présidents des intercos pour lesquels le prestige reposait également sur des troupes conséquentes. On n’a rien appris ou plutôt, on ne veut rien voir, pour éviter des problèmes sociaux. Les doublons existent déjà et on va vraisemblablement vers des « triplons ».
Enfin pour le Département qui perd pas mal de ses compétences au profit, soit de la Région, soit des Métropoles, les transferts de personnels se font à minima, ce qui induit des postes en surnombre qui seront conservés et d’autres qui seront créés dans les collectivités bénéficiaires des transferts de compétences.
Le foutage de gueule annoncé est là et bien là !
Si vous aviez quelque espoir d’une rationalisation des compétences au lieu d’un éparpillement, d’une diminution du mille-feuille et au final d’une meilleure lisibilité par le citoyen, comme annoncé sur le site gouvernemental, oubliez !
Cette réforme n’a pas été faite pour vous, mais pour les élus et par les élus (on n’est jamais si bien servi que par soi-même).
Le but était de conserver les quatre échelons existants pour conserver autant que possible les mandats existants et les élus qui vont avec qui font aujourd’hui la force des partis politiques, à défaut d’adhérents.
Mission accomplie, pourrait-on dire puisque les quelques 550 000 mandats de parlementaires et de conseillers divers et variés des collectivités territoriales (et toutes les petites mains qui gravitent autour de ce beau monde) n’ont pas ou peu été touchés (à part les délégués communautaires qui seront moins nombreux – mais ils sont toujours élus dans leurs communes).
D’ailleurs, Mme Gâtel, Sénatrice d’Ille et Vilaine et Vice-Présidente de l’association des Maires de France, déplore le fait que « des communes vont perdre des élus communautaires en cours de mandat, ce qui est une aberration ».
Je ne partage pas ce point de vue qui consiste à plaindre les élus avant de s’occuper de la situation des citoyens et des territoires.
Une fois de plus le lobby des élus et des partis politiques a très bien fonctionné, au détriment de la démocratie locale.
Continuez de payer vos impôts locaux… Et surtout ne soyez pas étonnés s’ils augmentent !
92 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON