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Répliques à l’Université

Samedi dernier, l’émission Répliques sur France Culture était consacrée aux « malaise(s) dans l’Université ». Alain Finkielkraut et ses deux invités, Olivier Beaud et Jean-Robert Pitte, deux universitaires très impliqués dans les conflits actuels nous permettaient de mieux saisir les dysfonctionnements internes au système universitaire et la nécessité d’un changement en profondeur. A l’écoute de l’émission, il m’a semblé qu’une voix manquait toujours dans ces débats : celle des étudiants eux-mêmes. Ce sont les premiers impliqués, et les premières victimes de ce système incompétent. De vieux souvenirs personnels ont alors rejailli, et je n’ai pu m’empêcher d’écrire à M. Finkielkraut pour en témoigner. Ceci fait, j’ai pensé qu’il était dommage que cette lettre ne soit lue que par - peut-être - une personne. Ici, elle rencontrera sans doute un public plus large. Je n’attends rien d’autre que quelques réactions, et peut-être l’ouverture d’un débat.

Bonjour,

J’ai trouvé votre émission très intéressante ce matin. Les deux universitaires ont, cela dit, omis un point important qui me semble en premier lieu faire partie du "malaise dans l’Université", un point dont on ne peut pas ne pas parler. Il s’agit de la profonde et inquiétante médiocrité de l’enseignement universitaire. Je tire cette conclusion de ma propre expérience dans ces lieux : ayant suivi plusieurs années en faculté de lettres modernes, j’ai fini par m’enfuir, dégoûtée et intérieurement déstructurée. Cependant, ce n’est pas seulement en mon nom propre que je m’exprime ici ; j’ai autour de moi quelques amis remplis des mêmes sentiments. Mon expérience personnelle semble être assez répandue chez les personnes qui ont fréquenté les facultés de sciences humaines ; les zones de sciences dures me paraissant beaucoup moins abandonnées.

Le principal problème, c’est que le niveau d’exigence en faculté de lettres modernes est faible, très très faible. Un étudiant quelque peu consciencieux, exigeant et passionné (oui, ça existe !) ne peut que réussir ses années empli d’une sensation de vide et d’inutilité insupportable. L’enseignement en lettres modernes se résume à quatorze heures de cours par semaine. Certes, tout le monde sait que l’université laisse place à l’autonomie, les cours étant destinés à être approfondis au-dehors. C’est un système difficile à suivre mais incontestablement intéressant. Cependant, le niveau des cours et les examens ridicules auxquels il faut se soumettre ne donnent absolument pas envie de se mettre au travail, qui bientôt ressemble aux cours que l’on nous donne : médiocre et quasiment inexistant. Une fois lors d’un examen, les professeurs nous ont dit que nous n’étions pas ici pour être évalués, mais pour approfondir notre culture générale. Par conséquent, nous pouvions prendre notre cours à côté de nous pendant l’examen, qui consistait d’ailleurs simplement en des questions de cours. Un ami m’a raconté que pour lui les examens n’étaient pas très difficiles ; on leur donnait les sujets la veille. A eux d’y réfléchir, d’élaborer un plan. Il leur restait ensuite quatre heures le lendemain, simplement pour rédiger leur dissertation.... C’est simplement révoltant. Pendant ces années, je n’ai quasiment rien appris. L’un des deux universitaires que vous interviewiez disait à un moment que ce qui était révoltant, c’est que certains étudiants soient obligés de travailler pour financer leurs études. Moi, j’ai travaillé, et heureusement ! quatorze heures de cours par semaine, cela ne remplit pas une existence. Le cursus de lettres modernes est conçu de telle façon que nous nous sentons totalement désinvestis et déconnectés du réel. Peu de cours, peu d’exigence, rien que du vide... En d’autres mots, le système universitaire est névrosant. J’ai connu d’autres personnes autour de moi qui ne s’en sont jamais relevées. Il est très facile de perdre pied et de n’avoir plus aucune structure de vie lorsqu’on navigue dans un tel univers. On perd rapidement contact avec toute habitude de travail, à long terme, cela vous met dans l’incapacité de vous adapter au monde du travail. C’est un système qui vous sépare de la vie, à un âge où l’on est censé vous y préparer. La réalité apparaît bientôt derrière des murs, parfaitement intouchable. Il faut ensuite avoir une force intérieure immense pour pouvoir remonter.

Et cela n’est pas dû à la médiocrité des étudiants - car tous ne le sont pas-, mais à la médiocrité de l’université elle-même. On incrimine beaucoup ces centaines d’étudiants qui peuplent les facultés sans y être à leur place ; on ne parle jamais des quelques autres qui auraient dû y être et qui ne l’ont pas trouvée. Il est grave que des personnes qui ont le profil de l’université soient déçues au point de fuir et de ne pas envisager cette voie pour la suite de leur existence.

Ce système est dans une déroute complète et le problème est extrêmement grave. Le système universitaire détruit des destinées, des gens souffrent réellement de ce système lamentable.


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7 réactions à cet article    


  • Lucie Vivien 26 mars 2009 17:02

    Moi aussi j’ai fait des études de lettres. C’était à l’université catholique d’Angers et j’en ai plutôt gardé un bon souvenir, mais il est vrai que le rythme de travail n’était pas très soutenu ! Heureusement , alors que les autres profs passaient toute l’année sur le même roman, il y avait une prof roumaine, de littérature comparée, qui faisait étudier 4 ou 5 oeuvres par an et ses cours étaient très riches humainement parlant.
    Cependant, si on ne se destine pas à l’enseignement, je ne vois pas bien l’intérêt (à part financier) d’aller à l’université en licence-master : de longues études fastidieuses pour des débouchés souvent incertains.
    Maintenant, j’ai des enfants en âge d’étudier. L’un fait du droit (en fac évidemment) et je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée car, alors qu’il était un excellent élève au lycée, il a perdu tout son dynamisme et se laisse vivre.
    Les autres se dirigent vers un BTS ou un IUT et cela me paraît plus sain : le rythme de travail sera plus intense mais les acquis plus concrets et les possibilités de trouver un emploi plus grandes. Et puis, ils pourront avoir une double compétence (faire un 2ème BTS ou faire une licence Pro et même encore une autre après). On peut arriver finalement à 4-5 ans d’études si on y prend goût mais par paliers, par choix successifs et en additionnant les savoirs plutôt qu’en les diluant dans un vague master.


    • timiota 26 mars 2009 19:03

      C’est assez différent en science.

      On a l’impression que vous racontez la suite du "collège unique", ce lieu ou les ado intellectuellement bien outillés commencentà s’ennuyer sec.

      Je suisu un peu étonné aussi car, bien que scientifique de science dure, j’essaye de lire des Bernard Stiegler, des Nassim Taleb, des Mona Chollet, des Jullien, Dupuis, De Kervasdoué, S. Beaud, Ph. Desbordes (Mon enfant n’est pas un coeur de cible), Simondon, Gimpel ; Leroi Gourhan, Hobswbawm, Braudel.

      Je vous passe les inévitables Foucauld et Deleuze, Furet, et autres Cyrulnik ...que je ne me tape pas forcément...

      J’auris cru que la vie d’un étudiant en littérature consistait à traquer ses perles à lui dans un itinéraire comme celui-là, à sa façon (moins anthropo sociologique, mais que diable, avec des James Joyce, des Proust uo Kafka, des Cortazar, il y a de quoi faire), et que cela pouvait fournir une forme de satisfaction (de "philia"), qui s’esercerait dans je ne sais quels cercles que vous ne vecûtes donc point.

      Il est vrai que quand j’entends certaines émissions d’heures creuses (15-16) sur France Culture, je vois pas mal de remplissage, un peu comme celui des psychanalystes qui furent assez fort dans le genre. Et persisent et signent bcp en France.

      Les analyses n’ont jamais été aussi importantes que dans un monde qui vire de support de mémoire grâce à la technique, or ce que vous décrivez est une communauté contente de se faire laver le cerveau. Ou est le hic ? des "ilots de pertes dans des océans de profits" ou le contraire ?

      A vous Cognacq jay


      • Dominique 26 mars 2009 19:55

        Je doute fort que M. Finkielkraut, homme cultivé s’il en est, condescende à répondre à une lettre qui commence par "Bonjour" au lieu de "Monsieur" (si je puis me permettre).


        • Epeire 26 mars 2009 21:27

          Je ne suis pas surprise.

          Mon père est justement maître de conférence de Lettres moderne à Lille 3. Son analyse rejoint la vôtre et il est tout aussi écoeuré. Personnelement, je crois ne rien avoir apprit dans votre article, ne le prenez pas mal c’est juste que j’ai mon propre témoin sous la main. Je lui ai demandé pourquoi il ne faisait pas une lettre ouverte ou quelque chose comme ça, il m’a répondu que s’il le faisait, le ministère allait en profiter pour faire des économies sans régler le problème.

          Au point qu’il a été le premier à me pousser à la prépa (j’ai détesté) alors que l’enseignement des sciences dures est quand même moins atteint. On devrait réformer les universités de lettres différement des sciences sans doute mais ce sera difficile de faire une réforme même irréprochable sur la qualité sans qu’elle ne déplaisent aux gens en places qui auront plus de contraintes sur le dos... (je suis contre la réforme actuelle mais les situations ne sont vraiment pas comparables.)


          • savouret 24 avril 2009 12:52

            il est indéniable que le niveau d ’exigences dans les facs de lettres et de sciences humaines a diminué(du moins jusqu’en master 1) afin de s ’adapter à la massification.
            on ne peut que le déplorer, dans la mesure ou les étudiants ont pour la plupart les aptitudes nécessaires quoiqu’on en dise pour accéder à un niveau nettement plus élevé que celui qui est requis pour l’obtention des diplomes.

            malheureusement, de nombreux étudiants stagnent, car , certes les exigences qui sont définies ne sont pas assez élevées afn de les « tirer vers le haut » , mais aussi car ils sont impregnés d ’une vision utilitariste des études, qui survalorise l’ obtention des diplomes au détriment de l ’enrichissement intellecuel qu’est susceptible de procurer la filiére universtaire si l’on profite du temps libre disponible afin de développer sa curiosité intellectuelle.

            des lors, outre le manque de moyens disponibles, le laxisme de certains enseignants, et les lacunes des étudiants, ne serait il pas nécessaire de remmetre en cause la prégnance de plus en plus exacerbée de ’utilitarisme scolaire et du consumérisme scolaire qui délegitiment le gout de l ’aprentissage intellectuel ?

            ne faudrait il pas réhabiliter la valeur culturelle et intellectuelle potentielle des études de lettres et de sciences humaines plutot que de stigmatiser l ’abscence de débouchés qu’elles procurent ?ceci favoriserait peut etre un accroissement de l’investissement des étudiants de ces filieres dans leur formaton, et pourrait par conséquent contribuer à une élévation des exigences de la part des enseignants.


            • Filipe45 25 avril 2009 17:03

              Bonjour,

              Je souhaiterais réagir à votre article mais je n’ai pu écouter que partiellement l’émission dont vous faites allusion, celle-ci n’est plus en ligne sur Radio-France. Si vous avez conservé une copie, pourriez vous me contacter à xp75 AT yahoo.fr  ?

              Merci.


              • Safouin 27 avril 2009 10:19

                Bonjour,

                Je suis vraiment désolée, mais je ne pourrai pas vous aider. J’ai écouté cette émission en direct et n’ai pas conservé de copie.
                Cordialement,

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