Tests ADN : dire NON au « mur de la génétique »
Sous couvert d’une nouvelle loi sur la « maîtrise de l’immigration », introduite par le député UMP Mariani, l’Europe et la France, à l’instar du « limes » romain, tend à dresser un « mur de la génétique ».
Le mercredi 3 octobre 2007 restera marqué dans les annales de France comme un des jours les plus noirs de son histoire. En effet, et peu importe les « aménagements » éventuels de la loi sur la « maîtrise de l’immigration », ce jour-là, avec 176 voix contre 138, le Sénat français s’est prononcé en faveur d’un texte inique à l’opposé même de l’esprit de la Constitution française et de toute l’histoire de notre pays. De surcroît, et volant au secours de ce dispositif, la Commission européenne a estimé le lendemain que le droit européen sur le regroupement familial n’interdit pas le recours aux tests ADN pour prouver l’existence de liens familiaux, tests déjà pratiqués par six pays (les plus riches) de l’Union européenne. Avec, comme cerise sur ce gâteau empoisonné, la validation par les sénateurs d’une autre mesure, révélant la philosophie de l’ensemble du projet : l’interdiction d’accès aux centres d’hébergement d’urgence pour les sans-papiers !
1) D’abord, comme le note très justement le Comité d’éthique, « cette inscription dans la loi d’une identité biologique réservée aux seuls étrangers » introduit « une hiérarchie entre diverses filiations, faisant primer en dernier lieu la filiation génétique ». La marchandisation de l’humanité entre ainsi dans sa phase terminale avec le retour de « l’homme biologique. » Après la politique « d’immigration choisie » de Nicolas Sarkozy, on passe à une politique « d’ADN choisie ». Un éditorial du quotidien Le Monde disait très justement qu’il « y a de la haine dans cette course à l’ADN » et que les sénateurs « ont fini par esquisser le visage le plus inquiétant de la France. » « S’il advenait que ce texte soit maintenu au sortir de la commission mixte paritaire prévue le 16 octobre, alors il faudrait acter que notre pays a fait litière de son histoire et de sa géographie au détriment des étrangers » Pour sa part, même Charles Pasqua, dans une interview au Parisien du 2/10, affirmait que « Cela nous rappelle des mauvais souvenirs, à nous, gaullistes. On sait l’usage qu’ont fait les nazis de la génétique. ». Grand « gaulliste », Charly n’a pas résisté longtemps pour voter la loi dont il a dénoncé l’esprit.
2) La criminalisation à outrance de l’immigration est un aveu d’échec. Derrières les paroles hypocrites des uns et des autres se cache la réalité du monde. Au lieu d’attaquer les tenants d’un système financier prédateur, on s’en prend, en faisant croire que des simples dispositifs juridiques puissent faire l’affaire, aux plus faibles qui en sont les victimes. Pourtant, on ne résoud pas les problèmes économiques et politiques du monde par des lois.
Comme l’écrit Jacques Cheminade dans le chapitre XIX de son Projet : « la nécessaire régulation de l’immigration ne peut être, en toute justice, mise en place que de deux façons : en assurant le développement des pays du Sud pour y créer des emplois qualifiés et en créant avec eux de vraies formules de co-développement et de partenariat de formation. La solution est de considérer à nouveau des êtres humains comme des êtres humains et non comme des ‘variables d’ajustement’ ou des kleenex à trier et éventuellement jeter après usage. »
3) Jadis, l’empire romain avait érigé un mur autour de son territoire, appelé Limes. Il fallait se protéger contre « l’invasion » des pauvres, appelé « barbares ». Aujourd’hui, quand la globalisation financière, par sa logique prédatrice, condamne des continents entiers à la disette et à la maladie, on dresse de nouveau les peuples les uns contre les autres et les murs réapparaissent : certains Israéliens le souhaitent face aux Palestiniens ; certains Flamands riches le souhaitent face aux Wallons. Avec l’aval de l’Europe, la France de Sarkozy veut-elle rejoindre ceux qui construisent ce « mur de la génétique » ?
Pour conclure, rappelons à ceux qui se moquent de plus en plus du principe de l’amour d’autrui, pourtant fondement de la société post-féodale depuis la paix de Westphalie, que déjà l’Antiquité avait mesuré les enjeux de l’immigration.
Platon, écrivait déjà dans les Lois (V, 729 e) que « A l’égard des étrangers, il faut se mettre dans l’esprit que les contrats faits avec eux ont une sainteté particulière ; car toutes les fautes commises par les étrangers et contre eux ont, plus que celles qui se commettent entre citoyens, une dépendance étroite avec un dieu vengeur. Isolé qu’il est, en effet, sans compagnons ni parents, l’étranger inspire plus de pitié aux hommes et aux dieux ; dès lors, celui qui peut davantage le venger met plus d’empressement à le secourir, et celui qui le peut éminemment, en toute occasion, c’est le démon ou dieu des étrangers, qui fait partie de l’escorte de Zeus Xénios. Il faut donc à l’homme tant soit peu prudent une grande vigilance pour ne commettre aucune faute à l’étranger au cours de sa vie dans sa route vers le terme de celle-ci... »
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