Tibet, OGM, faim et prospective
Le Tibet fait la une des journaux, les OGM le second titre et les manifestations de la faim sont mentionnées avant le sport... Et l’on peut se poser la question de savoir si Londres 2012 aura lieu... !!! Sommes-nous dans un « peak food » ? De nombreux pays freinent leurs exportations alimentaires. Les émeutes de la faim sont au moins aussi importantes que les émeutes de Lhassa.
Le Tibet fait la une des journaux, les OGM les seconds titres et les manifestations de la faim sont mentionnées avant le sport...
Et pourtant :
Les émeutes de la faim se multiplient. Le Maroc, l’Ouzbékistan, le Bengladesh, le Yémen, la Guinée, la Mauritanie, le Sénégal et l’Egypte il y a quelques jours ont été le théâtre de manifestations directement liées à l’augmentation du prix de produits alimentaires de première nécessité. La Côte-d’Ivoire a vécu quarante-huit heures de folie avec deux morts. Au Cameroun, en février dernier, quarante personnes ont été tuées par les forces de l’ordre. Au Sénégal, les premières émeutes de la faim du 31 mars ont été violentes. En janvier, les Mexicains sont descendus dans la rue pour protester contre l’augmentation du prix de la galette de maïs. En septembre, les associations de consommateurs italiens ont boycotté vingt-quatre heures durant l’achat de pâtes.
Certes l’oppression du Tibet par les Chinois depuis quarante ans fait mal à notre besoin de justice et de liberté, l’oppression des musulmans en Chine est un dénis d’égalité. Certes Pékin 08 et Berlin 36 ont - mais on le sait depuis la désignation de la Chine comme ville organisatrice des JO ! - un air commun d’affirmation de puissance. Et l’on peut se poser la question de savoir si Londres 2012 aura lieu... !!!
Car c’est bien dans ce cadre qu’il faut se situer, celui de 2012, de 2020, de l’avenir...
La question du Tibet ne date pas du 14 mars 2008. Or, le 13 mars, personne ne mettait en cause sa participation aux JO. Qui donc a eu intérêt au 14 mars ? Qui donc a intérêt à affaiblir ou à raidir la Chine juste avant les JO ? Avant les jeux Olympiques, avant les Jeux ? Les Jeux ! Certes les Jeux sont importants, mais n’y a-t-il pas plus important ou du moins aussi important ?
Resituons-nous en prospective
La Chine avale et le monde (en matières premières et en produits alimentaires) et notamment l’Afrique (en matières premières). L’Inde est une autre pompe fantastique. Le « peak oil » aura lieu d’ici une vingtaine d’année, le « peak coal » que l’on croyait pour dans 147 ans car les chiffres n’avaient pas été mis à jour aura lieu dans une trentaine d’année. Sommes-nous dans un « peak food » ? De nombreux pays freinent leurs exportations alimentaires (Vietnam second exportateur mondial de riz, Thaïlande, Inde, Egypte, etc.) car les prix des céréales, du porc, de l’huile de palme explosent.
Les prix des matières agricoles sont tributaires des récoltes donc des campagnes et des spéculateurs (la Chine doit se couvrir avant les JO). Du fait de l’accroissement de la demande mondiale, notamment en Inde ou en Chine, les prix des céréales devraient rester élevés pour les prochaines campagnes, supérieurs à la moyenne des dix dernières années. Ainsi, les prix ne redescendront pas aux niveaux que l’on connaissait il y a deux ou trois ans en arrière car les stocks sont faibles et il faudra plusieurs campagnes pour qu’ils retrouvent un niveau relativement élevé. Donc l’alimentation mondiale sera chère pour encore quelques années. Certes dans un temps de cinq à dix ans, l’équilibre entre l’offre et la demande sera redevenu sain, l’on produira plus, mieux dans plusieurs zones géographiques pour éviter les aléas de ces derniers temps entre la sécheresse en Australie et trop de pluie en Europe. Il faut le souhaiter. On restera dans une situation fragile et le moindre pépin climatique important dans une région exportatrice de céréales peut tout remettre en question.
Mais d’ici cinq à dix ans ?
En se développant, Chine, Inde, Mexique, Brésil, Russie... augmentent le nombre de leurs classes moyennes et changent leur alimentation vers une alimentation plus riche, plus exigeante en céréales : il faut sept kilos de céréales pour obtenir un kilo de bœuf, quatre pour un kilo de porc, un peu plus de deux pour un kilo de volaille et un peu moins de deux pour un kilo de poisson herbivore de pisciculture comme la carpe. Sans mentionner la consommation d’eau.
En clair, les besoins alimentaires mondiaux augmentent plus vite que la population mondiale. Et ils augmentent rapidement. Et, chacun le sait, et nous autres Français depuis 1789 le savons plus que tous, la faim est mère de révolution. Notre confort ne doit pas nous faire oublier qu’une révolution en Chine, Inde, Mexique, Egypte, etc. aurait des conséquences catastrophiques pour notre monde. Et les révoltes de la faim sont bien plus rapides et plus dramatiques que celles de l’énergie.
Les cinq ans à venir sont cruciaux pour l’équilibre alimentaire du monde
Alors le second titre de l’actualité est dérisoire : les OGM. Faut-il ou pas autoriser les OGM. Je ne veux pas entrer dans le débat de la potentielle dangerosité des OGM, débat ô combien important, mais ô combien non tranché.
La France peut vivre repliée sur elle-même - ceci dit, les serristes français sont au bord du dépôt de bilan compte tenu des prix de l’énergie - mais la France est exportatrice et importatrice. Elle est l’un des acteurs essentiels de l’agriculture mondiale bien que sa place est de moins en moins stratégique avec ne serait-ce qu’en élevage la concurrence du Brésil.
Donc les OGM... ? "La maison brûle et nous regardons ailleurs", avait dit Chirac dans l’un de ses excellents discours.
Soyons clairs, les cinq années à venir sont essentielles pour la démocratie dans le monde. Les émeutes de la faim sont au moins aussi importantes que les émeutes de Lhassa. Je pense qu’elles le sont plus et auront plus de conséquences pour la liberté, notre liberté de demain.
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