Vélo’vandales en Véliberté
Les grands médias se sont récemment enthousiasmés pour le Vélib’ à Paris alors que nous avons déjà largement entamé la troisième saison (mise en libre service le 19 mai 2005) des Vélo’v à Lyon.
Big Lutèce a-t-elle trouvé sa voie pour une décrue des quatre roues ? L’initiative du Tourangeau Jean-Claude Decaux (aujourd’hui de ses deux fils Jean-Charles et Jean-François) devrait réjouir tout être sensé. Ce grand industriel, qui fête ses soixante-dix ans cette année, n’en est pas à sa première grande inspiration : pionnier des Abribus avec placards publicitaires qu’il avait expérimentés avec succès à Lyon, avant d’étendre la recette à plus d’une quarantaine de pays.
Aujourd’hui, sans forcer qui que ce soit, J-C Decaux offre simplement un déplacement doux et rapide, sans encombre et énervement. Offrir est le vocable adéquat à Lyon : cinq euros d’abonnement annuel (contre vingt-neuf à Paris !), voilà le coût du confort urbain. Sans doute quelques défauts émaillent le tableau : ainsi le retour de soirée avec l’impossibilité de dénicher une borne libre pour restituer sa monture chaînée ; idem pour certains départs qui se heurtent à des stations Vélo’v vides (Vélo’vides en abrégé) ou ne proposant plus qu’un vélo hors d’usage.
N’ayant jamais passé mon permis de voiture par choix, je n’ai désormais quasiment plus besoin des transports en commun. Entre marche à pied et vélocipède, chacun de mes déplacements n’émet que quelques millilitres de saine sueur.
Evidemment, J-C Decaux n’est pas un philanthrope désintéressé, mais sa négociation commerciale avec les mairies engagées a finalement facilité une quasi gratuité : encore mieux que les traditionnels services publics de transport pour les habitants valides et un chouia courageux. Au terme d’un contrat signé pour treize ans, le groupe industriel bénéficie de quelques centaines de supports publicitaires en ville, s’engageant en contrepartie à mettre à disposition et à entretenir un parc de vélos. Le capitalisme revêt ici les atours les plus séduisants pour le citoyen. Et pourtant...
Pourtant quelques individus non identifiés trouvent sans doute à y redire et prennent un abject plaisir à la destruction : chambres à air sorties des pneus et découpées, chaînes dégradées ou subtilisées, selles volées, pneus crevés, pièces diverses cassées, et même Vélo’v coupé en deux au niveau du tube central (vu dans le quartier La Guillotière) ! Voilà ce qu’on rencontre quotidiennement aux stations d’arrêt. (Cf. toutes les photos prises en moins d’une heure, au gré des stations croisées, et qui concernent autant de vélos différents comme le confirment les numéros d’identification.) Ne doutons pas un instant que d’autres vandales séviront (ou sévissent déjà) à Paris.
Pas nouveau, bien sûr, comme pratique : la dégradation du mobilier urbain a toujours excité des traîneurs de médiocres existences, mais ne jamais stigmatiser ces actes dégénérés revient à les accepter comme une part nécessaire de la vie en collectivité.
Ne doit-on pas dénoncer de temps en temps, sans en faire non plus un cataclysme, cette minorité agissante pour le mal commun qui conchie en permanence le contrat social et incline, au final, les électeurs à porter du sécuritaire au pouvoir ? Alors oui, pour une fois, le petit bout de la lorgnette doit mobiliser notre indignation. Ces petites crapules du quotidien, incapables d’un début de conscience du fonctionnement serein d’une société, s’adonnent au facile défoulement du « tous-responsables-sauf-moi ».
A la traîne de ces déviances destructrices, tous les comportements anodins à l’unité, mais qui participent à ce pernicieux principe de profiter sans se sentir redevable d’un quelconque respect envers les systèmes et biens communs. Nul besoin d’un catalogue d’exemples, chacun identifiera la foultitude des actes concernés.
Alors comment sanctionner ces vandales urbains ? Les prisons débordent et l’insolvabilité de la plupart des petites frappes rend vaines toutes représailles financières. Ne faudrait-il pas s’en prendre à leur psychologie primaire en leur imposant une humiliation publique ? Un coin des Etats-Unis oblige les petits délinquants à porter un écriteau sur la voie publique qui mentionne leurs méfaits... J’entends déjà sourdre les protestations des pseudo humanistes effarouchés ou des anti-Américains primaires.
Face à l’impasse de notre panel répressif, il conviendrait peut-être d’expérimenter autre chose. Se contenter de protester en jugeant inconcevable une telle évolution de la sanction revient à un immobilisme de complaisance.
Je ne prétends à aucune vérité révélée, mais je ne m’interdis aucune piste de réflexion lorsqu’une société laisse perdurer ces géniteurs du moins bien, du plus laid, du moindre fonctionnement, du pire en extension.
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