20 ans sans croissance, que deviendra la France en 2030 ?
La croissance actuelle est proche de zéro. On ne va pas s’exciter sur le mot qui fait peur, récession. Ce terme est purement technique. Deux trimestres avec une croissance de moins un dixième de point et on déclare la France en récession. Mieux vaut réfléchir sur une moyen terme et plus encore. Les séquences de l’histoire économique se font sur des décennies, avec des croissances moyennes. En ce cas, on émet l’hypothèse d’une croissance nulle ou proche de zéro sur une période de deux décennies, c’est-à-dire jusque vers 2030. Cette hypothèse est-elle recevable ? Oui. Il n’y a que deux types d’individus qui la rejettent d’emblée, les fous et les économistes. En nous basant sur cette hypothèse, une seconde question en découle. Quelle crise sociale ou bien politique majeure, pouvant s’avérer redoutable, peut-on envisager ? L’éventualité d’un chaos social est une hypothèse que seuls, deux types d’individus rejettent d’emblée, les fous et les politiciens.
Les think tanks et autres cabinets d’économistes se penchent sur les mesures capables de soutenir, voire produire de la croissance. Hélas, il se peut bien que dans certaines circonstances structurelles ou bien conjoncturelles mais sur le long terme, la croissance devienne un objectif irréalisable. Les politiciens et les économistes ont rarement raisonné ainsi, surtout les premiers qui, certains des embellies futures, n’ont pas hésité à endetter l’Etat dont ils ont la charge. En 2013, il semble évident que la prise de conscience d’un avenir économique « sombre » ait engendré des effets tangibles auprès du gouvernement en place qui, non seulement se prépare à faire des coupes ministérielle et salariales en réduisant le budget de 14 milliards mais aussi a différé à l’horizon 2030 des projets de LGV pas forcément indispensables. Les gouvernements précédents n’ont jamais eu à gérer une telle situation de blocage économique. D’ailleurs, leur imprévoyance a conduit la France dans cette situation où elle n’a plus beaucoup de marge de manœuvre. D’autres pays européens sont dans des situations encore plus graves.
Il reste à examiner si une croissance nulle sur deux décennie est une hypothèse crédible. On connaît le cas du Japon qui est dans une situation de croissance limitée mais avérée depuis 1990. Le grand boom des années 80 a été stoppé net après les accords du Plaza puis l’effondrement boursier de 1990 avec endettement de l’Etat et bulle immobilière et un yen surévalué. La proximité de la Corée et de la Chine a permis au Japon de maintenir son niveau économique conséquent, avec une seconde place longtemps assurée et maintenant, une troisième place amenée à se maintenir. La France cumule à peu près tous les handicaps du Japon des années 1990. Bulle immobilière, euro fort, bourse en berne, dette de l’Etat insoutenable et pour finir, un environnement économique européen lui aussi miné par les mêmes défauts. Le Japon a la Chine comme partenaire. Nous avons l’Italie, l’Espagne et nombre d’Etat européens en stagnation économique pour ne pas dire déclin. Il reste l’Allemagne mais là bas aussi, les signes d’une croissance molle se dessinent. La globalisation élargie offre des perspectives d’échanges économiques certains mais en revanche, cette ouverture des capitaux et marchandises apporte également de la concurrence. Une croissance mondiale à trois points ne produira pas une croissance en France à deux points, ni même un point. Il va sans doute falloir s’habituer à un PIB stable mais le pays ne semble pas préparé.
La configuration socio-économique actuelle ne peut qu’aboutir à une crise de société. Les dispositifs de captation financière par les plus aisés sont opérationnels. Du coup les revenus des autres classes sont voués à diminuer. Si de plus on prend en compte l’impact des retraites, le coût sanitaire de la vieillesse et la dépendance, on constate que le travail sera moins rémunéré. Et que le chômage risque de rester pendant deux décennies à un niveau jugé inacceptable. Comment un pays peut-il tenir si quatre à six millions de ses ressortissants sont privés d’un emploi permettant de vivre avec un minimum de confort matériel ? D’après les analyses « sages » de Pierre Larrouturou, l’Etat devrait s’employer à organiser une répartition équitable des richesses plutôt que d’user de la méthode Coué en espérant le retour de la croissance.
La transition énergétique, la croissance verte, les lubies durables du développement minable, toutes ces idéologies artificielles ne peuvent faire venir une croissance car les causes structurelles ne sont pas abordées. Le protocole de Lisbonne n’a rien donné mais les eurocrates continuent à croire dans le progrès des innovations technologiques comme ressort d’une nouvelle croissance. C’est illusoire mais pour en être convaincu, l’opinion publique attend les démonstrations des économistes. Le type qui parvient à montrer que d’ici 20 ans le PIB n’aura pas augmenté (ou très peu, par exemple 0.3 % en moyenne) se fait virer de son job sur l’instant !
Peut-être sommes-nous arrivés à la fin d’un processus historique, celui du monde industriel d’abord européen puis occidental ensuite asiatique et maintenant planétaire. Les moyens industriels ont propulsés les conquêtes de territoires et les grands conflits depuis le début de l’ère contemporaine. Les enjeux étaient politiques autant qu’économiques. En 2013, seule l’économie prime et si conflit il y a, c’est d’abord une féroce concurrence puis une bataille pour les ressources qui se raréfient alors que la population ne cesse de croître. Le modèle de la croissance est devenu obsolète. Il faut trouver un nouveau modèle si la France ne veut pas aller vers un lent suicide et si le monde ne veut pas se déchaîner dans un chaos généralisé. Les solutions techniques ne suffiront pas. Des transformations humaines risquent d’être indispensables. Un éveil spirituel, une appréhension moins matérialiste de l’existence et que sais-je, bien d’autres choses à inventer pour vivre correctement avec des moyens qui ne sont pas voués à augmenter indéfiniment.
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