2007, année grise ?
Le présent article est rédigé le lundi 5/03/07 au soir et constitue en ce sens une gageure, car il est difficile de chroniquer en temps pas trop différé l’actualité boursière en regard des délais normaux de parution. Je prie le lecteur de bien vouloir m’excuser de n’avoir pas pris la peine habituelle normale de citer les sources des informations. Pour une part, il s’agit d’informations facilement accessibles partout sur le Net, pour le reste, il s’agit de pronostics personnels. Je compte sur les lecteurs avertis pour bien vouloir signaler les erreurs les plus flagrantes et les pronostics les plus fantaisistes.
Il est probable qu’en 2007 la croissance mondiale prenne un sérieux coup de frein, après deux années de vaches plutôt grasses.
La fin de la croissance US était prévisible depuis longtemps, mais la FED espérait un « soft landing », exercice délicat s’il en est. Depuis un an, la courbe des taux US et EU s’était aplatie, jusqu’à s’inverser par moments aux Etats-Unis.
Mr Bernanke répète depuis l’été dernier que ceci ne présage pas de récession, que l’économie américaine est solide et que la crise de l’immobilier est surmontée. Cet excellent article du 19 janvier sur Agoravox montrait toutefois que la solvabilité des ménages continuait à se dégrader.
Les bourses chinoises ont presque doublé l’an dernier. La prime de risque avait pratiquement disparu sur les marchés émergents. Les marchés ont été saturés de liquidités provenant du recyclage de l’excédent commercial chinois et de « carry » japonais. Ceci a favorisé de gigantesques LBO comme ceux sur HCA et Texas Pacific, ce dernier étant « leveragé » à 3 pour un.
Dernier indice : le relèvement de plus en plus brutal des taux de la FED ces derniers temps, alors que les actions et la pierre étaient à des sommets.
Bien sûr, c’est toujours plus facile à dire après. Tout le monde savait que les bulles allaient crever, mais quand ?
Le déclencheur a été la décision des autorités chinoises de renforcer le contrôle des marchés d’action face à ce qui apparaissait de plus en plus comme une bulle spéculative. La bourse de Shangai a perdu près de 9% en une journée.
Les catalyseurs ont été les suivants : Mr Greenspan, retraité de la FED, a enfin prononcé le mot « récession », dans une sorte de partage des rôles permettant à Mr Bernanke d’enchaîner sur un discours rassurant sur l’économie US, et il y a eu de mauvaises statistiques sur les commandes de biens durables US en janvier.
Le Dow a perdu 3,4% en une journée, et presque tout le reste du monde a suivi. Après un rebond technique le lendemain, la chute s’est poursuivie vers -5% en une semaine. Aujourd’hui, la descente a repris. Par ailleurs, le yen s’est apprécié et le Japon semble renouer avec la déflation. Les « porteurs » de yen en dollars semblent s’être retirés, ce qui diminue la liquidité des marchés. Plus généralement, les primes de risque semblent revenir vers la normale.
Il est impossible aujourd’hui de savoir si l’on va vers un vrai krach, ou juste une correction brutale. Mais dans tous les cas le paysage va changer.
Les valeurs chinoises vont en prendre un coup. Ce n’est pas nécessairement grave dans la mesure où cela peut ne pas affecter l’économie chinoise en profondeur, car elle est finalement peu dépendante des marchés d’actions. Sauf si cela entraîne en cascade des corrections plus fondamentales. Le gouvernement n’a pas nécessairement la latitude sociale de réévaluer le yuan comme le demande le Trésor US. Mais cela diminuera certainement au moins un peu la croissance chinoise et US. Le seul effet positif pourrait être d’alléger provisoirement la tension sur les matières premières.
Il y aura moins de liquidités sur le marché et le prix du risque va augmenter significativement. La principale conséquence sera une chute de l’immobilier aux US, avec peut-être une contagion en Angleterre. Les insolvabilités vont augmenter. Ceci donnera un coup d’arrêt aux mises en chantier et aura sur la croissance un impact négatif. Entre l’immobilier, la Chine et le crédit cher, l’économie US sera quelque temps en légère récession ou en croissance très modérée.
Il y aura probablement contagion en Europe, par exemple via l’Allemagne, assez exposée via ses exportations aux US, et fragilisée en ce moment par l’impact temporaire direct de la hausse de TVA. Si c’est le cas, la France sera touchée ensuite via ses exportations vers l’Allemagne.
Globalement, la conjoncture 2007 devrait être assez grise, et cela pourrait se prolonger en 2008 si la correction dure. Le prochain gouvernement français, quel qu’il soit, ne devrait pas hériter d’une situation facile, après deux ans de croissance mondiale plutôt élevée.
Bien sûr, il y a toujours aussi la possibilité d’un effet systémique et d’une année franchement noire, mais à chaque jour suffit sa peine.
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