2007 année grise, deuxième épisode
L’année 2007 s’avère pour l’instant ambiguë. Les menaces s’alourdissent aux USA, mais la contagion n’a pas eu lieu.
Début mars, j’avais commenté dans un article l’actualité macroéconomique, en constatant le fort ralentissement US, la suite de la crise immobilière locale, et en prévoyant une contagion sur la croissance mondiale. J’avais insisté dans cet article d’avril sur la situation déséquilibrée de l’économie US, avec un solde commercial catastrophique et un fort endettement des ménages, prévoyant une chute du dollar.
Depuis, la crise immobilière s’aggrave, la croissance US ne redécolle pas et le dollar s’écroule. Pourtant, la contagion à la croissance mondiale n’a pas eu lieu. Que s’est-il passé ?
Depuis avril, le déficit commercial US s’est aggravé en passant à - 60 milliards US$ en mai. La dégradation n’a cessé qu’en juillet avec la forte baisse du dollar. Celui-ci est à son plus bas niveau historique face à l’euro : 1/1,38 et sans doute 1,40 bientôt.
La crise immobilière se précise. Deux fonds Bear Sterns spécialisés dans les prêts immobiliers ont fait faillite, d’autres ont envoyé des alarmes. Mr Bernanke vient d’évaluer le risque immobilier vers 100 milliards US$. Le constructeur KB Home a annoncé les premières pertes de son histoire. La bulle se dégonfle toujours lentement, mais l’éclatement n’est pas encore exclu.
La croissance n’a pas vraiment redécollé au deuxième trimestre. Elle est censée être de 3,4% (annuel), mais elle est systématiquement surévaluée par le Département du commerce. Celle du premier trimestre est ainsi passé de 1,6 % sur le moment à 0,6 % aujourd’hui. On peut même imaginer qu’elle se trouve aujourd’hui autour de 1 %. L’économie donne des signaux contradictoires, et en tout cas pas de signe d’accélération.
Nous approchons sans doute du tournant, le moment où va se jouer le crash ou bien le soft landing. Il est frappant de voir dans la presse économique à quel point les pronostiqueurs sont partagés.
La croissance mondiale est aujourd’hui forte. Le FMI n’arrête pas de la réévaluer à la hausse. Cela signifie-t-il que l’économie US ne joue plus son rôle de moteur de la consommation mondiale ? En fait, la consommation est restée forte jusqu’à avril, mais avec une baisse significative du taux d’épargne : les ménages ont pioché dans la caisse. La consommation n’a commencé à ralentir significativement qu’avec un long retard sur la crise immobilière et la remontée des taux.
Un risque de 100 milliards US$ n’est pas colossal. Ce n’est que le coût d’un an de guerre en Irak. La finance mondiale, et même l’économie US seule, peut facilement absorber cela. Le danger potentiel qui pourrait enclencher un mécanisme de contagion ne se trouve pas là.
La croissance mondiale est en grande partie alimentée par des liquidités abondantes, qui proviennent pour la plupart de la création monétaire US. La création par les établissements financiers est assise en bonne partie sur des ratios de solvabilité qui dépendent de l’évaluation des actifs. Or in fine ces actifs sont aujourd’hui en grande partie de la pierre, par exemple pour 10 000 milliards $ pour les ménages US. Le risque est qu’une baisse significative de la valeur de la pierre étrangle le crédit.
Ceci est assez visible sur le marché des actions. Malgré l’avertissement de mars, les actions ont continué à monter assez vite jusqu’à leur record historique, où elles ont stagné trois mois avant de rechuter ces deux derniers jours. Le marché des actions, plus que par des perspectives de croissance ou de revalorisation (alors qu’elles ont dépassé leur niveau de la bulle de 2001), a été soutenu par la fin d’une grande vague de fusions-acquisitions, dont la plupart a été faite en LBO par des hedge funds profitant de prêts bancaires relativement aisés. Aujourd’hui, certains des prêts associés sont invendables, beaucoup d’établissements financiers dégraissant leurs portefeuilles d’investissements risqués.
Sur le fil du rasoir, qu’est-ce qui fera pencher d’un côté ou de l’autre ?
Il est probable que ce sera la réaction des ménages US. Tout le monde s’accorde maintenant à dire que la croissance US ne sera forte ni en 2007 ni en 2008. Mais s’il n’y a pas de perte de confiance massive la récession US peut encore être évitée, et derrière sans doute une crise du crédit à plus vaste échelle.
Les deux points de vue s’expriment à égalité dans la presse, donc à chacun son pronostic. Néanmoins, s’il vous arrive d’investir pour le long terme, ce n’est sans doute le moment d’acheter ni de la pierre ni des actions, les deux étant visiblement en haut de cycle.
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