Agriculture, productivité, environnement et demande
Si la demande de produits alimentaires et bio-énégétiques va croître dans les prochaines années, ce ne sera pas le fait des pays développés, qui sont contraints de protéger leur environnement, mais celui des pays émergents. Mais à quels risques ?
Si jusque dans les années 1990, le leitmotiv des agriculteurs français était la productivité, on peut se demander si l’intensification n’est pas terminée. Une récente étude de l’INRA (Institut national de la recherche agronomique) indique que le volume de la production agricole s’est accru à un rythme annuel de seulement 0,5 %. Selon les auteurs, l’agriculture française n’avait sans doute jamais connu un si faible taux de croissance de la production depuis la Seconde Guerre mondiale.A titre de comparaison, ce taux était de 1,9 % par an entre 1974 et 1991. (Source : INRA Sciences sociales, La baisse des revenus et l’essoufflement de la productivité dans l’agriculture française depuis 1998, n°2, juin 2006). Le nouvel engouement des producteurs pour la bioénergie et la bio-industrie relancera-t-il l’intensification ? Rien n’est moins sûr. Selon l’Agence européenne de l’environnement (Rapport du 08-06-2006, Quelle quantité de bioénergie l’Europe peut produire sans nuire à l’environnement ?), le recours aux énergies renouvelables issues de l’agriculture, de la forêt, du recyclage des déchets va dans le sens de la réduction des gaz à effet de serre, mais peut faire peser des risques environnementaux sur les terres agricoles, la biodiversité forestière, la ressource en eau.
L’Agence avance des chiffres pour une production de bioénergie environnementalement compatible, en deçà de 188 MTEP pour 2010 (295 pour 2030). Or, les objectifs fixés par le Plan Biomasse de la Commission européenne en 2005, qui sont de 150 MTEC pour 2010, donnent à penser qu’une marge de manoeuvre existe. Mais elle semble bien étroite. Dans le même temps, la FAO et l’OCDE (Rapport du 04-07-2006), Perspectives agricoles pour 2006 - 2015, prévoient une intensification de la concurrence sur les marchés internationaux entre les pays traditionnellement exportateurs de l’OCDE et les pays émergents. Les perspectives de marchés agricoles mondiaux dépendent dans une large mesure de la situation économique au Brésil, en Inde et en Chine, soulignent les auteurs, qui prévoient une demande soutenue de biens alimentaires, particulièrement dans les pays hors OCDE.
Malgré une augmentation
de la production, la productivité restera insuffisante pour faire face à
l’augmentation des importations de produits agricoles dans la zone non OCDE, et
la concurrence entre production énergétique et alimentaire ne fera que
renforcer le problème. Si les pays émergents peuvent bénéficier d’une demande
plus forte sur les marchés, les pays
les moins avancés seraient perdants. Quant aux bénéfices pour les pays
développés, ils seraient « assez minces ». Reste aussi entière la question du prix à payer par les pays émergents pour développer leur production agricole : déforestation, érosion... On garde à la mémoire la destruction de la Mer d’Aral à la suite de la monoculture du coton par l’URSS !
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