Oui ! A en croire Jean Louis Bourlanges, ex député européen, en fin de carrière à Sciences Po et à la Cour des Comptes. Après un séjour à l’Ena, ce citoyen distingué, n’écoutant que son propre intérêt, exprime des notions très personnelles d’économie et de politique. Elles lui valent d’être défini par ses anciens amis, comme l’homme au blouson réversible tant, selon eux, il serait opportuniste. L’opinion de ce gentleman, agrégé de lettres modernes, ignore les conclusions de la Cour des Comptes dont il est conseiller et la réforme des retraites qui, pour lui, est une création socialiste et donc ruineuse par principe. J’ignorais que Bismarck et Guillaume II quand ils fondèrent en 1889 la sécurité sociale et la retraite pour les travailleurs âgés de 70 ans étaient socialistes. Sans doute Marx et Engels étaient-ils nationalistes sans le savoir. Avec l’âge, les trous de mémoire sont bien excusables chez les vieillards. Alors qu’importe sa conviction, la retraite existe et Bourlanges, qui en bénéficie déjà et porte à merveille ses 64 ans, doit faire avec, quelle punition ! Punition d’autant plus grande que, cumulant les activités, depuis le 16 juillet 2008, il est Conseiller Maître à la Cour des Comptes et participe au délibéré du rapport 2010 de la Sécurité Sociale après avoir participé à celui de l’approbation des comptes 2009 de l’Etat.
Son employeur la Cour des Comptes le démontre clairement : la réforme des retraites est une pure escroquerie. Le déficit de l’ensemble des régimes obligatoires est le résultat de la politique imaginée par les socialistes puis reprise et développée par les gouvernements successifs, n’importe leur couleur politique, depuis moins de 20 ans. Cette action est poursuivie à l’excès par des gouvernements sans conscience aidés par des parlementaires irresponsables depuis 2005. Sous prétexte de sauvegarder et développer l’emploi, cette politique stérile d’assistanat est une catastrophe pour le budget de l’Etat et pour les organismes sociaux.
En 2010, trois chiffres caractérisent les finances publiques :
- 172 milliards € de dispositifs dérogatoires fiscaux et sociaux applicables aux entreprises ;
- un déficit record prévu de 152 milliards. Il atteint 8% du PIB et constitue 9,5 % de la dette globale ;
- 67 milliards de perte de recettes pour la sécurité sociale causée par les 64 dispositifs d’exonérations mis en place.
Ces informations sont respectivement issues de la synthèse du rapport du Conseil des Prélèvements Obligatoires, de l’ensemble des lois de finances adoptées au Parlement pour le budget 2010, enfin du rapport 2010 de la Cour des Comptes sur ceux de la Sécurité Sociale.
Cette dilapidation des finances publiques n’a pour seul effet que de ruiner l’Etat et la Sécurité Sociale au profit des secteurs économiques qui en bénéficient. Le Conseil des Prélèvements Obligatoires, une branche de la Cour des Comptes, constate l’échec sur le marché de l’emploi de ces dérogations et exonérations tous azimuts au bénéfice des entreprises. Son expertise le montre, la plupart des dispositifs appliqués ne sont d’aucune efficacité sur l’emploi et certains se révèlent totalement inutiles, le résultat de cette multiplication d’artifices est globalement négatif. Ainsi depuis janvier 2008, selon Eurostat (l’Insee de l’EU), le marché de l’emploi français a enregistré 500.000 chômeurs de catégorie 1 supplémentaires, malgré les centaines de milliards distribués.
A ce sujet, la Cour des Comptes, relève en 2008, que pour soutenir et créer 800.000 emplois dont les salaires ne devaient excéder 1,6 le smic et donc situés entre 15.360 et 24.576€ bruts annuels, le coût total de la mesure fut de 22,6 milliards soit 28.250 € annuels par emploi sauvegardé et non créés puisque le Pôle emploi enregistre une hausse de 35% des demandeurs, de janvier 2008 à juillet 2010. Cette mesure qui frise l’absurde, semble ridiculement bon marché comparée aux mesures ciblées appliquées sur certains secteurs.
Jugez plutôt ! La baisse de la TVA à 5,5% dans ceux de la restauration, de la fourniture de logement pour l’hôtellerie et le camping, ainsi que pour l’amélioration et l’entretien des logements, a couté 10 milliards de recettes à l’Etat, triste bilan en vérité ! Le coût brut de chaque emploi sauvegardé est compris entre 80.000 et 135.000 € annuels selon les secteurs concernés que leur nature préserve pourtant de toute délocalisation.
Avec une enveloppe de 6,5 milliards €, la palme du coût par emploi préservé revient au secteur des services à domicile où la prétendue sauvegarde de l’équivalent de 36.000 emplois travaillés à plein temps atteint 180.000 € euros annuels. Cette activité est pourtant par essence uniquement locale et ne risque pas de fuir à l’étranger.
Pour faire bonne mesure, celle des exonérations à l’embauche des travailleurs occasionnels dans le secteur agricole, prévue pour 500 millions en 2010, ne profite qu’a des salaires supérieurs à 1,6 smic et atteignant 2,5 fois celui-ci. Elle ne crée aucun emploi mais, se cumulant avec d’autres dispositions, permet aux rémunérations des exonérations représentant plus de 45% du salaire brut, en somme une autre manière de pratiquer, par la bande, un bouclier fiscal. Tout bénef pour qui ?
Enfin, pour abréger l’énumération de cette gabegie, la Cour des Comptes observe : « Enfin et surtout, de nombreux dispositifs ne sont toujours pas chiffrés. C’est en particulier le cas pour les cotisations des fonctionnaires, dont l’incidence est estimée par la Cour, en 2007 comme en 2009, à plus de 6 Milliards. » précisant : « L’extension aux cotisations maladie et famille des dispositions qui limitent la cotisation vieillesse au seul traitement indiciaire doit être considéré comme un écart à la norme. Les taux restent également minorés par rapport au régime général. ». L’Etat employeur, lui-même, s’accorde des dérogations pesant sur l’ensemble des régimes obligatoires de retraite.
Pourtant, il faut le reconnaître de 2007 à 2010 la réduction des niches sociales sur certains secteurs a permis de récupérer 3 Milliards de recettes supplémentaires. Hélas ces suppressions ont été remplacées par la création de nouvelles mesures plus coûteuses. Ces nouveautés génèrent plus de 4 milliards de perte supplémentaire et aggravent le manque de 1 milliard sur ces secteurs. Elles accroissent ainsi de 33 % le manque à percevoir, sur ces secteurs, pour la Sécurité Sociale.
C’est dire le gâchis et l’irresponsabilité des promoteurs d’une telle politique d’aides à l’emploi. Elle ne profite pas au marché du travail mais à l’employeur, elle est cependant financée par l’ensemble des contribuables et des assurés sociaux. Nous baignons dans l’absurde et l’escroquerie quand le Gouvernement tire pour conséquence de cette situation, dans laquelle il plonge lui-même le pays, une inexorable réforme des retraites et de l’assurance maladie. A croire que ceux qui proposent de telles dépenses et les députés qui les votent sans broncher, achètent une clientèle électorale avec les finances publiques. C’est le scandale de la mairie de Paris multiplié par 10, à l’échelle de la nation chaque année.
Pire ! En 2010, 38,4 % de l’ensemble de ces mesures engagées pour un montant planifié de 172 milliards, soit 67 milliards, constituent une perte de recettes pour la Sécurité Sociale. La conséquence est estimée dans le rapport de la Cour des Comptes à une perte d’au moins 22,5% des recettes de la Sécurité Sociale en 2010.
Ces 67 milliards de manque de recettes montrent que l’argent qui serait destiné aux cotisations sociales finance pour 2/5ème une politique dont l’effet est l’augmentation du chômage, facteur qui participe, lui aussi, à l’augmentation de perte de recettes. L’effet boule de neige comme dit Madame Lagarde ! C’est dire que la poursuite des dispositifs dérogatoires inconsidérés ruine les finances de l’état et étouffe la sécurité sociale mais que chacun, au Gouvernement et au Parlement, s’en moque.
Cette politique a toutefois un effet positif sur le financement des délocalisations et sur le transfert de l’argent de la sécurité sociale aux actionnaires des entreprises. Sans parler que, en accroissant vertigineusement la dette, les intérêts que génèrent les emprunts profitent plus aux banques qu’aux détenteurs de livrets d’épargne dont le taux a baissé et aux détenteurs d’obligations ou de bons du Trésor qui financent, pour partie, le déficit public. L’affaire est tout de même juteuse pour certains.
Non content de disposer de l’argent des contribuables et des assurés sociaux en dilapidant les finances de l’état et de la Sécurité Sociale, à entendre les discours des acteurs de cette manipulation des fonds publics : les Français sont des profiteurs paresseux qui ne travaillent pas suffisamment. Ils méritent donc qu’on allonge la durée de cotisations et l’âge du départ à la retraite à taux plein puisque les Allemands l’ont fait ! N’est-ce pas Conseiller Bourlanges ?
Mais tous ceux qui ont dépassé la cinquantaine ont bien du mal à trouver un emploi qui n’existe plus. Bourlanges s’en fout, il cumule sa retraite de député européen à ses émoluments de prof et de Conseiller jobs obtenus, comme celui de Jean Sarkozy, pour ses grands mérites économiques et politiques.
Arguments imparables ! Pensez-donc mon bon Monsieur électeur, la pyramide des âges et l’espérance de vie contraignent moins de cotisants à payer toujours plus de jeunes retraités paresseux. Cela ne saurait durer l’éternité. Nous, responsables politiques, devons préserver l’intérêt de nos concitoyens à l’horizon 2050. Tu parles !
Voici un discours dont la logique apparente ne tient ni compte de la situation réelle de l’Assurance Vieillesse, ni des conditions du marché de l’emploi et surtout pas des prévisions de croissance ni de la réalité démographique en France.
En France, la pyramide des âges présentée par l’Insee est d’une grande homogénéité. Elle ressemble plutôt à celle de Djoser. Pour les hommes comme pour les femmes la moyenne oscille à environ 400.000 naissances pour chaque sexe entre 1949 et 2009 avec un pic moyen de 440.000 hommes de 1964 à 1970 et de 450.000 pour les femmes de 1962 à 1972. Cette structure ne présente donc pas un aspect catastrophique tant s’en faut. Ceci n’est pas le cas de l’Allemagne, citée en exemple par nos imaginatifs bourreurs de crâne. La Pyramide des Allemands varie de 600.000 à 300.000 âmes, du simple au double, entre les années 1964 et 2009, tant pour les hommes que pour les femmes. Il n’y a donc pas de comparaison valable sur ce point précis avec nos voisins dont le déséquilibre à l’horizon 50 est, lui, très préoccupant. Les pyramides comparées l’illustrent.
L’allongement de l’espérance de vie constaté ces cinquante dernières années est de 10 ans dans notre pays et non de 15 comme le prétendent certains, dont M.Sarkozy, dans leurs déclarations. A ce sujet, compte tenu de la pyramide d’âges française, il est inexact et prématuré de dramatiser à l’excès le rapport cotisants/retraités et de multiplier virtuellement le nombre des seconds en réduisant celui des premiers. Les statistiques de l’Insee montrent que, chez nous, la progression est quasi constante et de l’ordre de 2 mois par an sur un tel laps de temps. A ce rythme en 2050 l’espérance de vie moyenne aura progressé de 6,5 ans, tandis que le pic des retraités atteindra son apogée. Pour autant, la croissance moyenne prévue étant de 2% annuel, selon les proches de Madame Lagarde et les dires de X. Bertrand, le PIB de la nation sera passé de 1.950 milliards à 4.221 milliards. Cette conjoncture permettra largement, si la fiscalité reste constante de faire face au manque de recettes pour combler le déficit des cotisations pour la vieillesse. Pour autant que le Gouvernement cesse de dilapider les recettes de l’Etat et de la Sécurité sociale à l’aide de mesures dispendieuses, inefficaces et incontrôlées.
Vous le constatez, avec une telle prospective, il est possible comme le fait Monsieur Bourlanges, de faire dire aux chiffres n’importe quoi ou plus exactement ce qui est voulu. Selon les analyses il est ou non possible de payer les retraites par répartition avec ou sans réforme. Il est donc irresponsable de prétendre, l’air grave, prévoir à 40 ou 50 ans l’avenir de nos petits enfants. Le concept est d’autant plus utopique, qu’un Gouvernement, comme le nôtre, rectifie, tous les 3 mois, les lois de finances. Evidence que, à une année près, il ne maîtrise aucune prévision.
La technocratie possède dans le domaine des prévisions de nombreux points communs avec le marc de café et la vie éternelle. Ses réalités sont d’autant plus hypothétiques, ici, qu’elles complètent une politique absurde et irresponsable au détriment de l’Etat et de la Sécurité Sociale. Une politique prétendue pour l’emploi qui se révèle sans résultat sur celui-ci. Une action entièrement au bénéfice des classes aisées, de banques dont la compétence de gestion des valeurs est lamentable, et, des entreprises qui ne songent qu’aux dividendes des actionnaires, sans oublier les salaires et parachutes de leurs dirigeants. A titre indicatif, EADS illustre cette affirmation que ne dément pas aujourd’hui l’affaire Molex.
Il est donc scandaleux et mensonger, à l’aide d’arguments pseudo-logiques qui, à l’examen, s’avèrent des sophismes, de réformer les retraites et de continuer à dépouiller les finances publiques et sociales au profit d’entreprises privées, assistées, dont les intérêts sont éloignés de la chose publique. Il y a là, malgré le vote parlementaire qui le légitime en dépit des recommandations répétées de la Cour des Comptes, un détournement de fonds publics délibéré qui s’apparente à un abus de biens nationaux voisin de l’escroquerie. Cette démarche est d’autant plus cynique et irresponsable que c’est mettre la charrue avant les bœufs que de détruire systématiquement les emplois qui permettent de financer le système par répartition.
Il serait, comme le recommande la Cour des Comptes, plus efficace de réduire la pléiade de dispositifs dérogatoires pour rétablir peu à peu l’équilibre budgétaire de l’Etat et rendre la plénitude des cotisations patronales à la Sécurité Sociale. En éliminant dans un premier temps, la moitié des 66 milliards d’exonérations sociales prévus en 2010, voire des 73 milliards constatés en 2009, la Sécurité Sociale retrouvera enfin la sérénité et les retraites leur financement légitime.