Mardi 6 novembre 2012 :
Le poisson pourrit par la tête.
Sciences Po : petits arrangements entre amis.
L’Express a obtenu la liste de la commission des rémunérations qui fixe les salaires de l’équipe dirigeante de Sciences Po, dont les excès sont dénoncés par la Cour des Comptes. Une liste très proche du comité d’instruction des candidatures à la succession de Richard Descoings... Qui vient de désigner Hervé Crès pour diriger la rue Saint Guillaume. Une collusion d’intérêts qui pose question.
Qui décide du niveau des rétributions à Sciences Po ? Alors que la Cour des Comptes s’apprête à publier un rapport dénonçant le niveau des salaires octroyés à son équipe dirigeante , L’Express s’est procuré la liste de la commission de rémunérations de Sciences Po.
Surprise, cette liste est la réplique quasi exacte du comité d’instruction des candidatures de la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP), qui a désigné le 29 octobre Hervé Crès comme successeur de Richard Descoings, suivie le 30 octobre par le conseil de direction de l’IEP.
Dans le contexte de crise que traverse Sciences Po, cette collusion pose question. Ces deux instances clés de la rue Saint Guillaume auraient-elles intérêt, en désignant Hervé Crès, ex-directeur adjoint de Descoings, à préserver un système opaque d’administration de l’institution ?
Dans ces deux comités figurent en effet Jean-Claude Casanova, président de la FNSP, Jean-Marc Sauve, vice-président du Conseil d’Etat, Hélène Gisserot, procureur général honoraire près la Cour des comptes, Louis Schweitzer, ancien PDG de Renault-Nissan,Michel Pébereau, ancien PDG de la BNP Paribas, et Henri de Castries, président du directoire d’Axa.
A cette liste, il faut ajouter l’universitaire Olivier Duhamel, l’ancien directeur de Sciences Po Alain Lancelot et le président de la Caisse des dépôts Jean-Pierre Jouyet qui, eux, ne siègent que dans le comité d’instruction des candidatures.
A l’inverse, Richard Descoings, disparu le 3 avril dernier, et Marc Ladreit de Charrière, président de la holding Fimalac, ne font partie que de la commission de rémunérations.
A ces exceptions près, les mêmes personnes, représentantes ou issues des grands corps de l’Etat (Cour des Comptes et Conseil d’Etat) ou à la tête de grandes entreprises, décident des salaires octroyés à la direction de l’IEP et ont désigné Hervé Crès pour succéder à Richard Descoings.
La composition de la commission des rémunérations n’a pas à ce jour été rendue publique. Interrogé par Libération en décembre 2011 sur les « 295 000 euros de primes répartis au sein du comité de rémunération », Richard Descoings avait répondu : « Sept membres du conseil d’administration de la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP) constituent la commission des rémunérations. Eux seuls décident. En 2007, il a été décidé que les cadres dirigeants auraient dans leurs salaires une part fixe et une part variable, car c’est la seule possibilité pour faire baisser un salaire en France. Il a aussi été décidé que nous n’aurions pas d’augmentation à l’ancienneté et que nous ne bénéficierions pas des accords d’entreprise. Vous trouvez cela opaque ? Pour moi, c’est plutôt de la transparence. De plus, les sept personnes qui décident ne sont pas sous ma coupe »
Plus récemment, la commission de rémunération a également été évoquée par Jean-Claude Casanova dans une réponse au Monde, dans lequel il indique toucher une rémunération « justifiée » de 3000 euros mensuels. « Mon indemnité de président a été fixée par la commission de rémunération. Elle ne se réunit qu’une fois par an à des dates irrégulières », écrit-il.