Bulle immobilière au Maroc (1) ?
Installé au Maroc depuis quelques années, j’observe, comme professionnel, les évolutions du marché de l’immobilier local. Alors que le royaume semble séduire de plus en plus d’étrangers, on peut se demander si c’est le moment d’acheter.
Dans ce premier article, je voulais commencer par relever quelques anomalies qui font suspecter l’existence d’une bulle immobilière au Maroc.
Anomalie n° 1 : peu de transparence sur les prix
La première anomalie est qu’il n’y a peu (ou pas) de
statistiques officielles sur le prix des transactions. L’opacité, sur le
prix du neuf, est la conséquence de l’existence d’une partie de « noir »
dans les transactions (on parle de 15 à 20 % en moyenne (2)). Pour
cette raison, les promoteurs, dans leur grande majorité, font peu de
publicité sur leur prix. Ainsi, la formation d’un prix de marché échappe
en grande partie au mécanisme de l’offre et de la demande : le prix
c’est celui que l’acheteur est prêt (psychologiquement) à payer. Cela
permet à certains promoteurs, grâce à des campagnes de communication
massives, d’imposer leurs grilles prix...
Anomalie n° 2 : les marges des promoteurs immobiliers sont souvent « indécentes »
On parle souvent de marges de l’ordre de 30 % (je pense même que certains
programmes génèrent plus que cela). Pour comparer, un promoteur
immobilier en France est content s’il réalise une marge de l’ordre de
5 %. Quand il faut 10 %, c’est « l’extase ». Ces marges élevées sont le
signe évident d’une absence de véritable concurrence. L’absence de
concurrence permet au promoteur, comme indiqué plus haut, de « fabriquer
» un prix, indépendamment de la valeur intrinsèque du bien.
Anomalie n° 3 : il n’y a pas tant d’étrangers que cela
Combien d’étrangers achètent vraiment ? Personne ne le sait
vraiment (Jeune Afrique dans le dossier cité ci-dessous avance le
chiffre de 70 000 acheteurs étrangers). Ce que l’on peut dire c’est que
les Marocains restent encore, et de loin, les
principaux acheteurs de bien immobiliers de luxe (j’ai pu le vérifier à
plusieurs reprises en étudiant des listings de ventes de programmes
immobiliers de référence). Cela implique que la spéculation n’est pas du
fait d’une forte demande des étrangers.
En fait, m’expliquait un professionnel, il suffit de 20 % à 25 % d’étrangers pour faire monter (artificiellement) les prix. Les étrangers achètent les biens sur une base élevée et cela rend le marché « liquide ». L’acheteur marocain qui a acquis son lot en tout début de projet peut alors, s’il le désire, réaliser une plus-value.
Un article de Jeune Afrique consacré à l’immobilier marocain terminait d’ailleurs sur la conclusion suivante :
« ... et si l’engouement pour l’immobilier de loisir marocain ne reposait que sur une poignée d’Européens, et pas plus ? »
En final, nous avons bien tous les ingrédients d’une spéculation immobilière déconnectée de la réalité. Le mécanisme fonctionne de la manière suivante : un promoteur commence à mettre en vente son programme immobilier à 15 000 dh du m2 et relève petit à petit les prix, jusqu’à vendre les derniers lots à 20 000 dh du m2. Cela lui permet de conforter les premiers acheteurs dans l’idée qu’ils ont fait une bonne affaire et les encourage à acheter le nouveau programme encore plus cher.
De
l’avis de tous, les prix sont anormalement élevés au Maroc. Acheter un
bien immobilier à 2 000 euros du m2 à Marrakech ou Tanger est élevé et le
prix du foncier n’est pas la seule raison. Dans le prochain article
j’essaierai de voir si l’on peut attendre ou non une
baisse significative des prix dans un avenir proche...
__________
(1) En France, on parle d’une bulle immobilière depuis 3 ou 4 ans,
mais on commence tout juste à en voir les prix baisser légèrement.
(2) Il se trouve que je suis très à l’aise pour parler de ce sujet,
vu que notre agence ne fait pas de transactions sur les ventes
de particuliers. Les transactions que nous faisons sont à destination
des professionnels où il est difficile de gérer du « noir » dans
les transactions.
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