Changer notre rapport au travail
Le travail restera le socle le plus important de notre existence tant que le recours à l’activité humaine sera nécessaire au fonctionnement de l’industrie et tant que nous nous comporterons comme des consommateurs insatiables. Pour autant, peut-on imaginer autrement notre rapport au travail ? Oui, répond le Conseil économique et social qui affirme qu’il est non seulement possible mais qu’il est souhaitable de passer par cette évolution.

Toujours plus !
Le travail n’est pas près de prendre une place moins importante dans notre vie. En France, le temps n’est plus à la réduction du temps de travail mais au principe "travailler plus pour gagner plus". "Toujours plus" donc comme le disait François de Closets dans un ouvrage passé. Toujours plus et toujours plus vite ! Pour mettre en oeuvre son programme, le président Sarkozy a décidé de mettre en place rapidement la "sécurité sociale professionnelle". Il a invité les partenaires sociaux et son Premier ministre à se rencontrer à l’automne pour une conférence sociale sur le contrat de travail et la sécurisation des parcours professionnels.
La flexisécurité s’invite au débat :
La flexisécurtié avait fait parler d’elle lors de la "guerre du CPE". Aujourd’hui, on en reparle. La Commission européenne envisage en effet de proposer, en juin, aux Etats membres des principes communs de flexisécurité qui devront être approuvés par le Conseil de l’Union européenne d’ici à la fin de l’année. Nous voyons que les calendriers Sarkozy et européen sont donc bien coordonnés.
Rappelons ce qu’est la flexisécurité. Ce mot est la contraction de "flexibilité" et "sécurité". (On dit aussi flexécurité, flexsécurité, flex-sécurité, flexisécurité, flexi-sécurité). Il s’agit de concilier une grande facilité de licenciement pour l’entreprise avec des garanties solides pour le salarié licencié. Le système social dit de "flexisécurité" est appliqué dans les pays nordiques. Le modèle danois est le plus souvent cité. Il faut savoir qu’il repose sur la réunion préalable de conditions biens précises : 1 - une législation du travail très allégée, 2 - la centralisation des organismes de l’emploi et de l’aide sociale, 3 - un dialogue social développé entre patronat et syndicats. Pour cette raison, le président Sarkozy envisage l’instauration du CDI (contrat à durée indéterminée) unique, la fusion de l’ANPE et de l’Unédic et bien entendu des facilités de licenciement (flexibilité), lesquelles seraient compensées par des garanties (sécurité) comme l’"assurance salaire", le "compte épargne formation individuel".
Changer notre rapport au travail :
Le Conseil économique et social dans un rapport adopté le 30 mai et disponible sur son site (CES) alerte sur les risques du contrat unique et prône le maintien du CDI comme référence de contrat de droit commun, tout en préconisant de simplifier la typologie des contrats courts, qu’ils soient "aidés" ou non. Le Conseil invite aussi à la prudence quant à l’éventuelle tentation de transposer les modèles nordiques dans notre pays.
Mais surtout, le Conseil voudrait que le gouvernement impulse une révolution qui passerait par un autre apport au travail. De quoi s’agit-il ? D’aller plus loin que le simple examen de la condition des salariés sous l’angle de la gestion et de la réparation des situations de rupture et "de prendre en compte la globalité des situations professionnelles, inscrites dans une trajectoire de vie, qui suppose la conception d’un nouveau système. C’est une nouvelle philosophie du rapport au travail que notre assemblée souhaite ici concevoir, dans laquelle les salariés comme les entreprises doivent trouver les bases d’un nouvel environnement et d’une relation de confiance renouvelée."
Trois conditions pour y parvenir selon le CES : revaloriser la rémunération en fonction de la valeur du travail et par rapport aux autres types de revenus, donner au salarié la possibilité d’acquérir une qualification et de progresser tout au long de sa carrière, reconnaître le temps personnel (prendre en compte, par le versement d’un revenu garanti, des temps hors travail à considérer comme des parenthèses et non comme des ruptures).
Sommes-nous à l’aube d’une révolution de notre approche du travail ? Possible, si les préconisations européennes et celles du Conseil économique et social ainsi que les réflexions émanant notamment des partenaires sociaux sont examinées avec sérieux et que la discussion prenne le temps qu’il faudra. Si l’homme pressé qui préside aux destinées de notre pays n’affole pas le cours des choses par un rythme personnel imposé qui nous ferait rater l’occasion d’une réforme durable et profonde.
La révolution du travail viendra-t-elle du palais d’Iéna ?
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