Chômage à point
Nos gouvernants politiques de gauche comme de droite nous ont bercé de mesurettes contre le chômage de masse qui se ressemblent toutes, sans réelle efficacité, dépendant plus d’une conjoncture économique favorable que de solutions durables pour favoriser un possible plein emploi. La courbe de chômage de la France suit notre niveau de croissance, ce qui reste tout à fait logique. Quand l’économie mondiale va bien, nous perdons quelques pourcentages de chômeurs. Pour le reste, disons qu’il faudra attendre des jours meilleurs.
Le chômage à 0% n’existe pas, tous les pays, même les mieux pourvus en emploi, ont une base de chômage structurel. Les mouvements d’emploi avec leur cycle, départ, période de recherche et nouvel emploi, font qu’il y a dans le meilleur des cas entre 2 et 4% de chômeurs.
La France a choisi dans les années 80 de surprotéger le travail, ce qui est logique. Mais la logique politique n’est pas forcement la logique économique. A ce moment-là, on se disait : "le travail manque, empêchons autant que possible les entreprises de licencier, pour qu’un travailleur ne puisse connaître les difficultés d’être un nouveau chômeur ". Cette pensée existe encore chez les parties de l’extrême gauche qui veulent tout simplement interdire le licenciement aux entreprises françaises. Il est autrement plus difficile de licencier un salarié aujourd’hui que dans les années 70. Un comble dans cette conjoncture mondialisée qui demande une forte réactivité et une souplesse d’action. Les entreprises souffrent de ce manque de flexibilité. Imaginons une PME qui vient de signer un gros contrat qui lui assure une production sur trois ans. Excellent, vous me direz, oui, mais comment faire pour embaucher sans être pris à la gorge 10, 20 ou 30 nouveaux salariés pour trois ans et trois ans seulement, la durée du nouveau contrat.
Le CDD, deux fois six mois au maximum, un peu mince donc.
Le CDI, oui, mais après trois ans, comment faire si le nouveau client choisit un autre prestataire ? Le licenciement avec perte et fracas ?
L’intérim, le freelancing, le portage salarial semblent être les meilleures des solutions actuellement, mais des solutions précaires pour ces travailleurs. Dans bon nombre de situations, embaucher est devenu un véritable casse-tête, sans parler des prud’hommes qu’on sait peu favorables aux entreprises, un code du travail de 1600 pages, une soixantaine de types de contrats différents, sans parler des contraintes d’embauche qui augmentent avec plus de 10 ou 50 salariés dans la même société. En 2002, madame Guigou a mis en place une loi qui durcissait le licenciement dans les grandes sociétés. On sait qu’une entreprise suit une logique de licenciement/embauche. Sur trois embauches, l’entreprise va licencier deux personnes, le flux des départs et des arrivées est constant, mais au final le nombre de salariés augmente. Empêcher ce processus,diminue naturellement les embauches dans les grandes entreprises.
D’après l’OCDE, les pays donnant le plus de souplesse dans le processus de licenciement/embauche sont les pays qui sont proches du plein emploi : Etats-Unis, Irlande, Danemark, Suède, Pays-Bas, Angleterre... Pour étrangler le cou aux idées reçues, empêcher le licenciement empêche aussi les embauches, protéger l’emploi pérennise le chômage et paupérise la population. Tous les pays qui ont un taux de chômage bas ont des niveaux de vie élevés. Au PIB par habitant, la France avec 8% de chômage arrive à la 15e position, le Danemark avec 3,7% de chômage est à la 6e position, autant dire qu’on vit mieux en moyenne en étant danois que français.
Un pays qui a un niveau de chômage bas (Danemark 3.7%, Pays-Bas 3,8%, Etats-Unis 4,7%) est un pays qui donne aux entreprises la possibilité de licencier facilement, et non le contraire. Les entreprises danoises peuvent licencier un salarié avec deux semaines de préavis, il n’y a ni contentieux devant les prud’hommes, ni reclassement, ni procédure juridique, ni indemnités de licenciement.
Les Français sont persuadés que la précarité a augmenté depuis quelques années, encore une déformation médiatique. L’emploi est beaucoup plus stable en France avec de plus de 11 ans de durée moyenne d’un salarié dans une entreprise alors que cette durée moyenne n’est que de 6 ans aux Etats-Unis, 7 ans en Angleterre et 8 ans au Danemark. Toujours le CDI qui protège le sacro-saint salarié.
Nous devons faire un parallèle entre qualité et durée de l’emploi. Dans les pays où la qualité globale des emplois est élevée, la durée moyenne est faible. La qualité d’emploi se mesure par la relation entre compétence et salaire perçu. On s’aperçoit également, chose étrange, que les pays qui ne sont pas stables dans la durée d’un poste, car non protecteurs de l’emploi, sont les pays qui transforment le plus facilement les emplois précaires en postes pérennes et stables puisque la prise de risque d’une nouvelle embauche est moins grande qu’en France.
Enfin, d’après une étude du CEPS faite au niveau européen, ce sont les salariés du Portugal, de la Grèce et de la France qui ont le plus peur de l’avenir et de la perte de leurs emplois alors qu’ils sont les plus protégés, et c’est au Danemark et en Angleterre que les salariés ont le moins peur du chômage et où la mobilité est la plus importante. Des pays pourtant où le salarié est le moins protégé, mais où il a le plus de chance de retrouver un travail rapidement en cas de chômage.
Nous voyons avec ce tour d’horizon européen, qu’il faut impérativement arrêter de protéger le salarié dans la conservation de son emploi, mais plutôt protéger et aider le chômeur à retrouver rapidement du travail, au besoin, en lui donnant une formation si son secteur professionnel est bouché. Une fois ces mesures mises en place, le chômage baissera automatiquement et de manière durable. La liberté de licenciement permet au Danemark d’être passé d’un chômage de 12,5% en 1994, il est aujourd’hui de 3,7%, d’après les dires de Thor Pederson, ministre danois des Finances.
Oui, mais comment protéger efficacement l’individu qui vient de perdre son emploi ?
Le compte salarié ou le chômage à point
Imaginons un salarié qui commence à travailler dans une entreprise. Pendant trois ans, il fait son travail. Trois années pendant lesquelles il accumulera autant de points de "chômage". Voilà une idée simple et très différente de ce qui se passe aujourd’hui, car le salarié sait à tout moment de quelle marge de sécurité il disposera en cas de chômage forcé. (Voir le livre ’La fin des privilèges’ de Jacques Delpla et Charles Wyplosz de l"excellent maison d’édition Telos).
S’il est licencié, il disposera des points nécessaires pendant les semaines ou les mois de sa recherche d’emploi, il est à noter qu’il faudra faire en sorte que les trois premiers mois de chômage soient, si possible à 100% du salaire net du salarié, puisque c’est dans les trois premiers mois qu’on a le plus de chance de retrouver un emploi rapidement, après on passe dans le chômage longue durée, et dans ce cas, on devra sérieusement réduire son niveau de vie.
Mais pour aller plus loin, on pourrait imaginer que si son travail ne lui correspond plus, sa motivation se tarit, il pourra donner tout de suite sa démission. Il fera son préavis court, disons, un mois serait bien suffisant, et il prendra ses points pour débloquer son chômage. Oui, un chômage même dans le cas d’un départ volontaire. Ses points sont des acquis, un droit absolu et non un service généreux que donne l’Etat, une forme d’assurance, contractée via l’entreprise, mais pour le compte du salarié. Il a travaillé, il a ses points, à lui de les disposer comme bon lui semble. Également lors d’un départ volontaire pour une autre société, si le nouvel employeur décide de mettre fin à la période d’essai du salarié avant les 91 jours légaux, celui-ci n’a plus aucune protection et se retrouve donc sans chômage, là encore, le salarié devenu chômeur pourra débloquer son compte salarié pour une période équivalente à ses points.
Dans le cas d’une mobilité choisie, le salarié conservera ses points d’une société à une autre. Pas de perte d’acquis en cas de prise de risque.
La recherche d’un emploi sera plus efficace si le salarié est protégé par ce chômage que s’il fait ses recherches dans le dos de son employeur. Sans compter les difficultés de trouver une bonne excuse en cas d’entretien d’embauche. Également, la nouvelle société qui lui proposera un nouvel emploi n’attendra pas son départ, car son préavis sera déjà fait. Le travail devient souple, flexible, mais protégé. Nous arrêtons d’opposer une nouvelle fois l’entreprise aux salariés, tous deux seront satisfaits. Vous cherchez un nouvel emploi qui vous convienne mieux, alors vous partez l’esprit tranquille et l’entreprise ne perd plus l’efficacité d’un salarié démotivé qui désire partir et peut embaucher une nouvelle recrue.
Bien sûr, le salarié souhaitant partir pour créer son entreprise, ce qu’on appelle l’essaimage, pour un projet personnel, pourra également prendre ses points pour un chômage qui sera un choix et non une contrainte honteuse.
Mobilité accrue
Comment favoriser la mobilité ?
Nous connaissons tous une personne de notre entourage qui se morfond dans son travail, qui est devenu un poids, presque une souffrance dans sa vie, mais qui ne le quitte pas, par peur d’être confronté au chômage de longue durée. Pour lui, le système de chômage à point permettrait une grande mobilité, sans prise de risque, mobilité qui manque terriblement en France.
La mobilité permet également une augmentation rapide des salaires
Exemple : sur une durée de dix ans, un salarié qui travaille pour trois entreprises différentes, en valorisant à chaque nouvel emploi son expérience passée, aura un salaire bien supérieur à un autre salarié restant dix ans consécutivement dans la même société. Nous pouvons même avancer d’après différentes études sur le sujet, qu’en début de carrière, une succession de CDD aura un effet multiplicateur sur le salaire, le comble pour les jeunes diplômés qui n’entendent que les sirènes des CDI. (À lire l’excellente publication de Anna Stellinger faite pour l’institut Montaigne que vous pouvez télécharger en PDF).
Conclusion
Nous avons vu, succinctement, je ne suis pas là pour faire un rapport sur l’emploi en France, mais plutôt pour signaler des pistes qui me semblent intéressantes, qui pourraient trouver écho auprès des entreprises qui auront enfin la souplesse qu’elles rêvent d’avoir. Il est d’ailleurs à noter que la majorité des patrons ne demandent pas une baisse des impôts sur les sociétés, pas plus d’aides financières de la part des régions ou de l’Etat, non, ils veulent embaucher simplement, rapidement, sans contrainte et sans risque. Pour le salarié, les périodes de chômage, de précarité seront plus sécurisées. Surtout, le chômage sera un droit inaliénable du travail, un droit que l’on acquiert nous-mêmes par le travail qu’on effectue et non la main généreuse d’un Etat qui nous donne misérablement un peu de pain.
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