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Concilier l’inconciliable

Le thème de l’université d’été du MEDEF cette année serait-il un aveu d’impuissance, ou plutôt le constat de l’impossible challenge franco-français des tenants d’un paupérisme citoyen ? Etre riche chez soi, et pauvre ailleurs ? Etre pauvres tous ensemble ? Fermer nos frontières à la richesse et les ouvrir aux exilés de la misère ? Accueillir au nom de la République, mais refuser l’entrée à ceux qui travaillent plus et pour moins cher ? Déplorer le seuil de pauvreté des contrées lointaines, mais s’indigner que nos entreprises s’y installent ? Augmenter en France les salaires par la loi quitte à laisser le travail s’échapper ? Pousser les riches dehors pour mieux harmoniser la pauvreté ?

En matière d’entrepreneuriat, rien n’est inconciliable, sinon une exception française dont on se targue : un amas de barricades et d’injonctions de tigres de papier, qui nous rendent vulnérables au lieu de nous protéger.

Voyons plutôt en quoi consiste cet inconciliable, c’est-à-dire ces contradictions que les chefs d’entreprise vont devoir affronter et résoudre. L’enrichissement ? L’argent dans notre vieille Europe se gagnait en silence, et seuls les parvenus en laissaient deviner l’existence ; et voilà que sans transition, à peine avions-nous revalorisé les salaires des big boss, que le monde frémit aux quatre coins de la planète en s’indignant des écarts de rémunérations. En France, l’indignation atteint un paroxysme. Le capitalisme est « le moins pire » des systèmes, mais il devra devenir plus partageux, plus égalitaire, moins sauvage ; les opinions publiques l’exigent. N’attendons pas le couperet des lois punitives : nous ne ferions qu’appauvrir le pays entier. Aussi faut-il se demander quelle efficacité, dans la raison et la limitation, peut apporter le Medef ? C’est sur ce terrain que la France l’attend. Quid des stocks options ? Des « golden » de toutes sortes ? Des comités de rémunération complices...

Le libéralisme ? Va-t-on donner enfin son vrai sens et son véritable contenu au mot, au lieu d’en faire un épouvantail qui nous coupe du monde et joue sur les peurs ? Le Medef doit expliquer, expliquer, expliquer encore... en priorité d’ailleurs, à ses interlocuteurs politiques, et les chefs d’entreprise à leurs propres salariés, en les intéressant, par exemple !

Le patriotisme économique ? Une expression qui rend la France « inconciliable » avec la mondialisation. Un conte de fées auquel personne ne croit, destiné à bercer le téléspectateur le soir à la chandelle du 20 heures. Le dénoncer, c’est apparaître comme traître à la patrie, ce qui, avouons-le, une année d’élection, n’est tentant pour personne. Là encore, le Medef doit expliquer à haute voix, et c’est le moment !

Les class actions ? Une catastrophe qui nous viendrait d’Amérique ? En d’autres termes, la reprise en main de la situation par les citoyens. Un pouvoir donné à la société civile, totalement encouragé par les libéraux, puisque ce contre-pouvoir économique, limité et revu au niveau français, est la seule façon d’éviter la loi, une façon de « concilier ».

La bonne régulation du marché, sans l’intervention de l’Etat, nécessite que les entreprises adoptent des comportements et des produits qui ne vont pas à l’encontre de l’éthique et de l’intérêt du consommateur.

La délocalisation ? Il faut faire comprendre que toute notre politique d’intégration, de sécurité, d’immigration, repose sur la clarification de ce que signifie, dans tous les sens du terme, une politique d’expansion économique. Une expansion qui induit l’encouragement à s’installer ailleurs en créant des entreprises autrement, différemment, qui propage le développement, au lieu de nous obliger à fermer nos frontières.

Les patrons ne feront pas l’économie de l’exemplarité, de leur propre remise en cause et d’une drastique prise en compte des limites d’un système qui touche à sa fin. Charité bien ordonnée... N’avons-nous pas, dans notre belle France, nous-mêmes, patrons, organisé l’inconciliable en restant « entre nous » ? N’avons-nous pas parfois trop encouragé l’intervention et le recours à l’Etat ?

Est-ce un acte de contrition que souhaite le Medef, en donnant des signes forts d’autodiscipline ? Si oui, cette année présidentiable sera celle de tous les changements que souhaitent tous les Français, sinon le Medef fera chambre à part, et se laissera enfermer dans son statut de bouc émissaire attitré.

Sophie de Menthon

Présidente d’ETHIC


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12 réactions à cet article    


  • La Taverne des Poètes 6 septembre 2006 10:46

    Le savoir-faire se perd, seul compte le faire savoir. D’où la prolifération des agents de communcation et des publicitaires qui se préoccupent de l’image de l’entreprise. Ici c’est l’image du libéralisme qu’on voudrait nous rendre plus sexy !

    Quant à l’éthique dans le monde de l’entreprise ce n’est qu’un avatar de l’image de marque. Il est bon de faire de l’éthique, cela rapporte en terme de notoriété et donc de bénéfices.

    Mais derrière l’image, derrière la façade de l’éthique il y a des hommes et des femmes qui travaillent (pour les plus chanceux) souvent dans la précarité, précarité qui ira se renforçant sous le libéralisme débridé qu’on nous promet...


    • 1001 6 septembre 2006 11:17

      Petite interrogation : quel est le rôle exact que les patrons attendent du MEDEF ?
      - défendre les intérêts de ses adhérents en ne prenant surtout pas leurs places quand aux positionnements politico-économiques de ses adhérents.
      - ou sublimer chacun par la subsidiarité de l’action commune ...

      PS : j’apprécie particulièrement qu’une personne bénéficiant par ailleurs d’une audience plus qu’importante s’implique dans un journalisme citoyen.


      • (---.---.79.184) 6 septembre 2006 14:12

        Je ne vois aucun interet pour les patrons à rester en France. Ils feraient bien mieux de délocaliser. En plus, ca calmerait les communiste et autre gauchiste socialiste qui s’imagine que les entreprises ne vivent que grace à eux. D’ailleur si les français veulent des régulation et autre égalité à la con, ils ont le droit, mais ceux qui le veulent on aussi le droit de ne pas participer et de partir avec leur argent et leur entreprises dans des pays acceuillants.Comme ca, cette asyle psychatrique qu’on appel la France restera tranquille, à cote du monde moderne et du capitalisme, et gagnera sa vie comme musé du troisiéme age, pour les touristes des pays libéraux. Ainsi touyt le monde sera contant. N’oublions pas : un riche qui quitte la France, c’est de l’Inégalité qui décrois.


        • bobby (---.---.76.250) 7 septembre 2006 22:06

          Avant de dispenser de « belles leçons », il faudrait d’abord APPRENDRE L’ORTHOGRAPHE !


        • cflorian 6 septembre 2006 14:39

          je suis heureux de vous lire sur agoravox, même si je ne partage pas beaucoup de vos idées, surtout au niveau social ou sociétal.

          la france est un casse tête pour les entrepreneurs. la loi et l’administratif ont de quoi démotiver les coeurs les plus vaillants, même les controleurs fiscaux ne comprennent pas tout. cela n’empêche pas des milliers de gens de se lancer et les investisseurs d’arriver : les gens sont qualifiés et productifs, les conditions de travail et de vie excellentes, le marché important.

          « il devra devenir plus partageux, plus égalitaire, moins sauvage » là est l’enjeu majeur dans les prochaines années. les actionnaires apportent beaucoup au niveau financiers pour les entreprises, mais les salariés également. pourquoi attendre que le medef agisse, chaque entreprise ne peut elle pas agir directement ? le role du medef est il d’intervenir dans le fonctionnement de ses entreprises ? pas plus que ce n’est le role de l’Etat. on attend trop de réponses générales, les pdg doivent ils toujours attendre des consignes pour mener une politique ? c’est surement une des raisons pour lesquelles l’Etat est devenu trop interventionniste, personne n’ose prendre ses responsabilités et laisse pourrir la situation.

          le medef doit dénoncer le patriotisme économique, mais le défend en même temps. ceux sont les grands groupes français qui en sont les premiers bénéficiaires, en pressant le gouvernement de protéger leurs intérêts. quel grand patron ne rêve pas d’acheter sans pouvoir être racheté ? de même les class actions ont leurs opposants plus au medef que dans la société civile, qui n’est pas contre pouvoir lutter contre certaines dérives.

          la délocalisation et la perte de certains secteurs d’activité dans les pays les plus riches est un mal pour un bien. la hausse d’activité dans les pays les plus pauvres va leur permettre de s’enrichir et ainsi de limiter l’écart de niveau de vie. bien sur pendant ce temps, les plus riches n’auront plus une croissance aussi forte et plus d’une génération devra faire le dos rond en attendant un rééquilibrage des niveaux de vie. c’est triste mais c’est le prix à payer pour un monde viable. reste aux multinationales à encourager ce processus et ne pas l’inverser.

          les patrons vont devoir communiquer, beaucoup, et clairement, pour réconcilier les gens avec l’économie libérale qui existe depuis deux siécles. mais vous avez oublié aussi que le medef doit défendre les petits patrons en tpe et pme, qui n’ont pas les mêmes problémes mais qui font partie du lot des exploiteurs-délocalisateurs.


          • roger (---.---.25.17) 6 septembre 2006 15:24

            Sans rentrer dans le débat du Medef et de son interventionnisme auprès des entreprises ..sachant que pour y avoir travaillé deux ans, le Medef cherche plus à faciliter la vie des grosses boutiques mais n’intervient pas dans leur gestion en direct... après pour la « communication » c’est beaucoup mieux de dire que les entreprises doivent faire ceci ou cela... bref

            Juste une petite remarque sur les petits patrons de TPE délocalisateurs, je suis sceptique. D’une part, le Medef n’est pas représentatif des entreprises artisanales au regard du droit du travail (malgré qu’il prétende représenter toutes les entreprises), d’autre part, je ne connais pas beaucoup de TPE (sans vouloir généraliser) qui délocalise leur activité qui est souvent locale. En tout cas pour travailler là dedans ce n’est pas vraiment à l’ordre du jour.


            • herbe (---.---.236.213) 6 septembre 2006 19:38

              Vous dites :

              « En France, l’indignation atteint un paroxysme. Le capitalisme est »le moins pire« des systèmes, mais il devra devenir plus partageux, plus égalitaire, moins sauvage ; les opinions publiques l’exigent. »

              Je suis assez d’accord avec ce constat.

              Je ne vous rejoins pas sur tous les autres points mais ce n’est pas grave.

              Je salue en tout cas votre participation à cet agora qui va ici aussi contribuer à une meilleure parité homme/femme smiley C’est un peu connexe avec le sujet Concilier l’inconciliable.

              Mais bon sous un énoncé qui prend la forme d’un oxymore, ne s’agit t-il pas simplement d’équilibre et de justice (pour ne pas dire de justesse) ?


              • vigie (---.---.253.174) 7 septembre 2006 00:07

                Concilier l’inconciliable, ouais, mais pourquoi pas l’inconciliable réconcilié, bref je ne crois pas que l’argent aurait pas si mauvaise réputation en France, si les exemples récurrents de nos élites, grand capitaine d’industries, et autres ne faisaient malheureusement la une, dans des gabegies ou excès de toutes natures, souvent au détriment des élus, les exemples sont légion de malversation, enrichissement personnel non mérité, qui finissent par lasser surtout venant des doctes personnes maître a penser qui devrait être un exemple de fierté pour la société civile, trop souvent enclin a travestir la réalité. La France crève de ses modèles a qui elle ne veut surtout pas ressembler.

                Le libéralisme, le mot est lâché comme s’il suffisait de le prononcer pour que tout d’un coup nos maux, nos angoisses enfoui au plus profond pouvait s’envoler. Il doit faire ses preuves sans étique, sans règle du jeu, sans contrat moral, ce libéralisme la les francais ne l’accepterons pas, et c’est tout a leur honneur, alors que le reste du monde s’y est converti contraint, et forcé, ce modèle néo-libéral qu’on nous a vendu comme étant la panacée, mais avons nous eu le choix, entre le libéralisme et le néant que l’on nous promet.

                Un modèle alternatif existe sûrement voie royale de la paix sociale retrouvée, par un dialogue de vérité, oublié la langue de bois une éthique responsable est plus que souhaitable, l’heure de l’exemplarité a sonné car il faut que nous sortions ensemble de tous ses problèmes, mais la volonté est t’elle la ! espérons que ca ne soit pas une simple figure de rhétorique.

                La contrition pour le medef n’aura de valeur que si elle est ressentie comme les stigmates des errements passés, saura t’il se tourner résolument vers l’avenir avec un modèle alternatif viable, ou l’être humain serait avec l’entreprise au centre d’un procès bien défini, je crains que si nous retrouvions pas ensemble le chemin de l’apaisement et du dialogue social partagé, alors la confession n’aura servi à rien.


                • C.D.MAB (---.---.216.223) 7 septembre 2006 08:59

                  Madame,

                  Je vous prie par avance de m’excuser car je vais être désagréable, alors que d’habitude je lis avec intérêt et parfois avec sympathie ce que vous écrivez avec talent.

                  Vous dites : « les chefs d’entreprise doivent expliquer le libéralisme à leurs propres salariés, en les intéressant, par exemple ! »

                  Vous formulez cela comme on dit : intéresser la partie au poker, mais on n’est pas dans un cercle de jeu, on est dans la vraie vie.

                  Pour expliquer mon point de vue, je vais recourir à un texte biblique resté longtemps obscur pour moi. Quand Jacob eu reçu la bénédiction qu’il demandait, il boitait en quittant le gué du Jabot.

                  Ca veut dire que quand on reçoit (ex : la croissance de la valeur de son entreprise) on doit réduire sa puissance, pour pouvoir s’emboîter les uns avec les autres.

                  Je pense que les entreprises avec l’aide de la puissance publique doivent laisser les syndicats prendre davantage de pouvoir et donc davantage de responsabilité dans la vie de l’entreprise, sous tous ses aspects.

                  Si ce partage qui ne remet pas en cause le fondement de la propriété des entreprises, ne se réalise pas, nous resterons dans une opposition frontale qui date du début de l’ère industrielle, qui aujourd’hui sert tous les conservatismes des chefs d’entreprises et des syndicats.

                  SVP - sentiments distingués


                  • (---.---.156.174) 7 septembre 2006 09:01

                    des syndicats NORMAUX et REPRESENTATIFS de tous les salariés OUI !


                    • www.jean-brice.fr (---.---.130.68) 28 septembre 2006 08:42

                      Pour le moment, le grand capital met ses capitaux dans les pays à bas salaires au détriment des autres ; jusqu’à ce que ce système absurde s’écroule, ce qui ne va pas tarder à arriver. La FUITE EN AVANT que les anglo-saxons imposent au monde sous l’appelation de « mondialisation » aura, un jour, une limite ... Alors que Dieu nous protège !


                      • Kuota Kuota 7 janvier 2012 13:22

                        Sophie de Menthon c’est aussi : 


                        J’ai délocalisé des centres d’appel en Tunisie et j’en suis très fière, je suis une des premières à l’avoir fait (Émission Arté 2010)

                        Nous voulons bien faire un effort en employant des jeunes en difficulté qui ne sont pas rentables, mais en contrepartie, qu’on nous laisse nous en séparer comme bon nous semble.

                        Elle a un rôle précis (dont elle ne rend peut être pas compte tellement elle y croit aveuglement à son capitalisme et libéralisme) à assurer au sein du MEDEF : faire accepter les idées les plus réactionnaires du patronat sous couvert d’une émission de divertissement. 

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