Crise de l’euro : les premières conséquences internes et externes
Plus personne de raisonnable ne nie plus -à quelques exceptions isolées- la crise de l’euro et donc de la zone euro.
De même, plus personne de sensé -sauf quelques rares négateurs des faits les plus évidents- n’essaie plus de nier les causes réelles de la crise et leurs conséquences, internes et externes à la zone euro.
Bien évidemment, personne ne nie aussi la crise mondiale qui continue à faire sentir aux citoyens du monde ses terribles effets, crise mondiale qui frappe une zone euro affaiblie, divisée et sans cohésion. Des difficultés de Dubaï à celles de Singapour, des problèmes soulevées par la dette britannique qui a explosé jusqu’à la situation critique des Etats d’Europe centrale et orientale, nier ces crises inter-dépendantes est devenu aussi vain que sans objet.
A cela s’ajoute le combat commercial, bancaire et financier entre la Chine et les Etats-Unis, ce dernier pays cherchant à limiter ses dépenses publiques, ce qui n’est pas, de l’avis des économistes les plus connus et appréciés, une décision sage, surtout en ce moment de crise mondiale.
La réalité étant acquise et ayant pris le pas sur des a-priori psychologiques et politiques des uns et des autres, il convient de regarder vers l’avenir, en tenant compte des évènements et de leurs différents paramètres : économiques, sociaux, politiques, monétaires, nationaux, continentaux et internationaux.
Cet article se propose de regarder les réalités constatées afin d’en déduire les tendances lourdes pour le futur.
Zone euro : dehors, dedans, le chaos devient général
Les données statistiques OFFICIELLES des pays de la zone euro disent tout. Il suffit aux récalcitrants refusant les réalités de les lire avec attention, sans se contenter des titres médiatiques finement orientés vers un pseudo-optimisme béat sans aucune base concrète.
Le Produit Intérieur Brut (P. I. B) de la zone (comprenant 16 pays) a chuté en 2009, officiellement, hors trucages possibles des données, de - 4% !!! Un record historique dans la régression.
La France a connu, dans ce contexte, sa pire récession depuis la seconde guerre mondiale (- 2,2% ) en 2009. L’Italie est entrée en récession. L’Allemagne, la locomotive de la zone euro, a vu son P.I.B reculer de -5% en 2009, un autre record catastrophique !!!
Les 27 Etats de l’UE- donc les 16 de la zone euro et les 11 autres qui n’y sont pas- ont vu leur P. I.B commun s’effondrer de -4,1%, ceci intégrant de fortes variations internes !!!
Quelques sources officielles en français pour les lecteurs non encore informés de ces réalités connues dans le monde entier et/ou ceux qui s’acharnent dans le déni des évidences reconnues et acceptées par le monde entier sont apportées ci-dessous :
http://french.cri.cn/720/2010/02/13/221s212129.htm
http://www.tsr.ch/tsr/index.html?siteSect=200002&sid=11799811
Au passage, il sera noté que le P. I. B américain a cru en 2009, de 1,9%, à l’opposé de celui de la zone euro et de l’UE qui a fortement chuté. Un décalage s’opère aussi sur ce plan. Cette fracture rappelle que l’Europe perd sa place sur le marché mondial, au profit d’autres puissances ascendantes : Chine, Inde, Brésil, Russie, Corée du Sud notamment.
Si on traduit ces réalités par une image évocatrice par son pouvoir de comparaison : le train de la zone euro est arrêté en rase campagne après avoir reculé durant un an. Sa puissante locomotive-tractrice allemande est en effet en panne après avoir tiré en marche arrière, les 15 wagons ont tendance à voir leur système d’accrochage entre eux se défaire et certains wagons lourds glissent toujours en arrière, sans frein.
Cette réalité est doublée d’une autre, encore plus pénible, mais vraie : le Royaume-Uni- centre financier européen adossé à la zone euro- est aussi sur-endetté, sans perspective d’amélioration visible. Sa monnaie devient aussi facteur d’instabilité grave : la menace d’une faillite du Royaume-Uni devient plus qu’une probabilité, elle est maintenant possible à court terme.
Il est inutile de revenir ici sur les conséquences d’une faillite de ce pays, centre financier de liaison entre la zone euro, les pays de l’UE et le marché financier mondial, tant celles-ci sautent aux yeux des plus médiocres en matière économique :
Pire encore, les wagons de réserve, qui devaient être raccrochés au train en panne, ont de si grosses difficultés que leur jonction avec le convoi immobilisé est remis à des dates de plus en plus lointaines et incertaines (Pologne, Etats baltes, Hongrie, Roumanie,...).
Sans parler d’autres Etats d’Europe Centrale, Orientale et Méridionale, qui, eux, sont carrément entrés dans des récessions profondes assorties de crises sociales et politiques qui s’aiguisent (Hongrie, Roumanie). Le chiffre de -4,1% de P.I.B pour toute la zone UE cache en effet des différences importantes entre les pays dans la gravité et la profondeur de la récession qui les frappe.
A l’extrémité Est de l’Union européenne, l’Ukraine, dont la santé économique n’est pas des plus florissantes, tend à resserrer plutôt ses liens avec la Russie qu’avec une UE en panne, en crise, impuissante et divisée.
http://www.tdg.ch/actu/monde/douze-travaux-ianoukovitch-2010-02-08
Tel est le tableau général interne et externe de la zone euro qui s’offre aux yeux effarés des observateurs attentifs en ce début 2010.
Les processus et tendances pour 2010
A lire les médias français, qui ont, pour beaucoup, une vraie difficulté à suivre et comprendre les affaires du monde, la tendance actuelle serait à une sortie de crise (sic... !). Cette vision isolée des avis mondiaux est vue, de l’extérieur de l’hexagone, comme une « étrangeté », voire une « absurdité » franco-française.
Cette forme déraisonnable de « méthode Coué » - niant des faits publics et connus du monde entier- surprend, d’autant plus que les données chiffrées sont publiques, accessibles et diffusées largement, quoique souvent avec des titres et des sous-titres radicalement trompeurs, voire en contradiction avec le contenu des articles...lorsque, encore, ceux-ci apportent tous les éléments statistiques et n’évitent pas de les publier !
Il ressort cette curieuse impression internationale que le public français est laissé dans un état de sous-information manifeste alors que les opinions publiques d’autres pays (Royaume-Uni, Dubaï, Japon, Canada, Etats-Unis, Chine, Corée du Sud,....) sont largement informées des évènements et en reçoivent généralement des analyses conformes aux faits.
Ainsi, lorsque la Chine resserre pour la deuxième fois depuis début 2010 ses règles prudentielles pour ses banques, ceci alors que ses marchés boursiers fluctuent quelque peu dangereusement avec des bulles spéculatives menaçantes, la surprise dans la date est internationale, mais en France, c’est la décision même qui semble totalement inattendue alors que l’économiste américain Nouriel Roubini l’avait annoncée comme inscrite dans les évènements, par nécessité, voici peu :
Lien en anglais :
http://www.cnbc.com/id/35363938
Lien en anglais sur ce sujet :
http://www.cnbc.com/id/35362919
Il suffit d’ajouter les difficultés financières venant de Dubaï et de Singapour, sans oublier la dette américaine en augmentation constante et les ennuis du Japon, pour comprendre sous quels auspices funestes commence l’année 2010.
Pour apprécier ce qui se passe à l’Est de l’Europe dans les Etats qui voulaient frapper à la porte de la zone euro, un lien anglais permet de se représenter la souffrance des populations soumises à des reculs civlisationnels et sociaux profonds afin de rentrer dans les fameux critères de Maastricht au moment où les pays fondateurs les ont largement violés sans répit :
http://www.nytimes.com/2010/02/12/business/global/12euro.html?ref=global
Que déduire de tout cela et de ces processus contradictoires, mais combinés ?
La déduction première, qui tombe sous le sens commun, est double :
1- La zone euro a de facto explosé en deux sous-groupes qui ne peuvent plus s’assembler sur des critères économiques, sociaux et financiers communs : en gros, les pays de la zone Sud avec quelques autres d’un côté : la Grèce, l’Espagne, le Portugal, l’Italie, l’Irlande du Sud, et potentiellement, la France. De l’autre, le reste des Etats membres de la zone. Sachant que les Etats du second groupe glissent progressivement du second groupe vers le premier, inexorablement.
2- La crise mondiale va affecter, bien évidemment, d’abord les Etats les plus fragilisés à ce jour, mais elle va aussi de plus en plus peser sur les autres, d’autant que les problèmes initiaux fondamentaux des fameux PIIGS ne sont en rien résolus, ni en voie de l’être.
En résumé, une fracture progressive déchire la zone euro, mais aussi toute l’UE maintenant, et ce d’autant plus que tout le monde a compris que l’euro ne protégeait plus personne de rien, et surtout pas d’une terrible récession comme celle vécue en 2009, ni des crises mondiales !
Dans les pays qui frappaient à la porte de la zone euro, le désir de rentrer dans ce groupe en crise faiblit. Ce constat est valable tant pour les sphères gouvernementales que dans les populations, au vu de cette crise qui a détruit la confiance dans les promesses faites en échange de sacrifices de plus en plus rejetés par les citoyens. Ceci est notoirement frappant en Pologn, mais pas seulement.
Quant aux pays hors zone euro qui sont frappés par une récession qui devient dramatique, ils ne peuvent plus, indépendamment de leurs souhaits passés ou présents, prétendre à rentrer dans la zone euro avant.....un temps de plus en plus lointain !
En un mot, l’objectif d’une zone monétaire unique européenne est gravement menacé : la moindre sortie d’un pays, une faillite retentissante ou bien la démonstration de l’absence de réelle solidarité au sein de l’UE et de la zone euro achèveraient de rendre impossible ce but tout en disloquant la zone euro comme telle.
La liste des dangers les plus flagrants en 2010
Récapitulonss, en forme d’inventaire à la Prévert, sans ordre aucun car les faits règleront cette question, les principaux dangers qui menacent, de par ces processus divers, mais combinés, la zone euro et aussi dorénavant plus clairement, les économies des 27 Etats de l’UE.
1- Menace de faillite du Royaume-Uni d’abord et d’autres Etats en zone euro ensuite : une faillite du Royaume-Uni, bien que non-membre de la zone euro, serait mortelle pour cette dernière et pousserait, dans la panique générale, vers la sortie de cette zone.
2- Appronfondissement des fractures internes à la zone euro et dans l’UE, menant à des revendications politiques et financières dislocatrices tant de l’UE que de la zone euro.
3- Crises sociales et politiques graves dans des pays de l’UE qui sont, en plus de la crise, poussés par leurs gouvernements à des politiques de reculs sociaux et civilisationnels importants, afin de satisfaire à des critères que pas un Etat de la zone euro ne respecte !
4- Possibilités de sorties de la zone euro de plusieurs pays, à commencer par ceux du Sud, du fait de difficultés sociales et politiques insolubles dans le cadre de la zone euro et des politiques régressives imposées pour y demeurer.
5- Rejet croissant par les opinions des pays de l’UE non-membres de la zone euro de l’hypothèse d’entrée dans cette dernière, ceci sous l’effet des sacrifices exorbitants et intolérables demandés dans ce but. Ce but apparaît dorénavant sans aucun intérêt collectif majeur.
6- Risques de récession accrus en zone euro tandis que la récession s’approfondirait pour les autres pays de l’UE, surtout au Centre et à l’Est de l’Europe. Ceci impliquerait une multiplication des crises sociales et politiques entravant de facto toute politique collective cohérente au niveau de la zone euro.
7- Probabilités de changements, poussés par les évènements, des statuts de la BCE et des Traités de l’UE, ce qui décridibiliserait encore plus les critères d’entrée dans la zone euro et l’UE. Les pays encore demandeurs à l’entrée dans la zone euro se sentiraient trahis, voire furieux que l’on change les règles collectives alors qu’eux ont souffert pour les respecter à la lettre.
8- Dangers de crise politique et sociale majeure en Allemagne, notamment si la situation dans la zone euro amenait le gouvernement de ce pays à prendre en charge, d’une manière quelconque, des charges financières non-allemandes.
9- Dangers similaires pour la France dont les déficits et les dettes ne peuvent pas être contenus, sauf à risquer une véritable révolte sociale de la population, qui se tournerait naturellement contre l’UE et la zone euro, vues comme coupables et responsables de régressions sociales inacceptables (retraites, santé publique, enseignement, transports, salaires, etc...)
10- Menace de chocs extérieurs, aggravant les difficultés internes citées plus haut, issus de la crise mondiale qui se poursuit : nouvelle crise financière ou bancaire, inflation, explosion de bulles spéculatives....
Voici donc un menu général des possibilités pour l’année 2010 qui peut aussi être servi par les évènements à la carte.
NB : l’auteur a placé des liens vers des informations publiques connues du monde entier, en langues française et anglaise pour que les lecteurs puissent avoir accès à des données globales. Il a renoncé à quelques liens très instructifs vers des articles de presse en mandarin, en japonais et en coréen, bien que ceux-ci soient aussi d’un intérêt certain. Avec ces données, il s’agit de pallier autant que possible les manques évidents des médias français sur les sujets abordés, conduisant une partie de l’opinion française à, soit ignorer totalement faits et chiffres connus du monde entier, soit à en nier les analyses existantes faites au niveau international, ce qui est assez dommageable et altère gravement la formation d’avis librement construits.
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