Crise de liquidités ou de solvabilité ?
Depuis le début de la crise, les experts réels ou autoproclamés avaient tout compris. Pour les uns et les gouvernements, ce serait une crise de liquidités. Pour les autres, c’est une crise de solvabilité.
Qu’en est-il vraiment et que se cache-t-il derrière ce sabir de financier ? C’est ce que je vais tenter d’expliquer à l’aide d’un exemple concret.
Illiquide ou insolvable ?
Illiquide
Vous possédez une maison qui vaut 300 000 €. Vous l’avez entièrement payée, et vous ne remboursez pas ou plus aucun crédit pour cela. Suite à un problème quelconque - disons une invasion de castor qui a détruit vos fondations, votre maison a besoin de 25 000 € de travaux, sans quoi elle va s’effondrer. Or, vous ne disposez pas de cet argent. Vous êtes donc illiquide, car vous disposez totalement d’un actif (votre maison), mais qui n’est pas monnayable facilement, mais vous avez besoin d’argent rapidement.
Votre situation n’est cependant pas désespérée. Vous pouvez toujours revendre votre maison. Certes, les travaux à faire conjugués à l’immobilier en chute libre vont vous faire réaliser une mauvaise affaire, et vous revendrez votre maison à 200 000 € à une famille qui adore les castors. Mais cela vous permet de repartir, peut-être avec une maison plus petite, mais vous avez sauvé au mieux votre situation en restaurant votre liquidité.
Insolvable
Votre voisin possède aussi sa maison qui en vaut autant que la vôtre – c’est un de ces nouveaux quartiers résidentiels avec les maisons toutes pareilles. Contrairement à vous, votre voisin a un crédit pour lequel il lui reste 250 000 € à payer. Et comme vous, il a aussi besoin de 25 000 € de travaux (les castors sont passés chez lui aussi).
Votre voisin n’a pas plus l’argent pour commencer les travaux, mais, contrairement à vous, sa situation est désespérée. La différence c’est que votre voisin est insolvable, car la vente de ses actifs (sa maison) ne couvre pas la dette qui lui reste à régler. Il est en faillite et quoi qu’il fasse (revendre sa maison ou la laisser s’effondrer), il ne lui restera plus rien après.
Transposition aux établissements financiers
Les banques et établissements financiers ont acheté en masse des produits financiers complexes ayant de fortes perspectives de rentabilités. La crise les oblige à constater que ces produits ont une valeur bien moindre que la valeur d’achat. Or, pour acheter ces titres « pourris », les banques se sont endettées entre elles, aidées en cela par une politique de taux très bas pour les prêts consentis entre banques, et de baisse (ou contournement par les paradis fiscaux) des ratios prudentiels. Pour dire cela plus simplement, les banques ont emprunté tout ce qu’elles pouvaient à 2-3 % pour acheter des titres qui devaient gagner du 20 %.
Elles se sont même livrées à une course à l’échalote : les établissements ayant mesuré le risque de ces montages se faisant traiter par les autres d’archaïques et surtout dégageant moins de rentabilités immédiates, se sont pour une bonne part retrouvés entraînés dans cette histoire de gré ou de force par la demande de leur clientèle.
Aujourd’hui, ils se retrouvent avec des actifs achetés à crédit qui ne valent plus qu’une fraction de leur prix d’achat (typiquement moins de 10 % du prix d’achat aujourd’hui). Ils sont donc dans la situation d’insolvabilité : la revente de la totalité de leurs actifs ne suffit pas à couvrir leurs dettes. Techniquement, toutes les banques et établissements financiers qui ont joué à ce petit jeu sont en faillite, et ça en fait beaucoup.
Les gouvernements ont un plan !
Après avoir ignoré le problème pendant des années, nos gouvernements en sont à le nier tout en s’accrochant à la thèse de la crise de liquidités.
Ils veulent nous « vendre » cette hypothèse pour des raisons finalement assez simples : une crise de liquidités ne remet pas en cause le système, alors qu’une crise de solvabilité implique que le système n’est pas viable.
Dans les faits, s’il s’agissait d’un manque de liquidités, il suffit de remettre de l’argent dans le système, on passe le mauvais moment, et on repart peut-être un peu plus petit, d’un peu plus bas, mais sans rien changer fondamentalement. Or, on se rend bien compte que les milliers de milliards de dollars et d’euros injectés dans le système avec la frénésie du désespoir n’y changent pas grand-chose, ce qui détruit cette hypothèse de la crise de liquidités. Le problème est bien plus profond que cela. La reconnaissance des causes réelles de cette crise implique une telle remise en cause du système qu’il sera bien difficile aux personnalités politiques l’ayant mis en place de reconnaître qu’ils se sont fourvoyés depuis trente ans, et que cela a mené le monde à une catastrophe - sans oublier la réaction populaire consécutive à un tel aveu : des révolutions ont commencé pour moins que cela.
C’est bien un cancer qui ronge le monde néolibéral, et il n’est à mon humble avis déjà plus traitable.
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