Dettes...
Et voilà donc que l’on apprend que pour sauver Dexia les gouvernements Belge et Français s’apprêtent à créer une banque faisandée (badbank) qui endossera l’ensemble des avoirs pourris, des expositions hasardeuses et des actions malsaines de cette vénérable institution, déjà sauvée à coups de milliards pendant la crise financière et adossée à BNP Paribas. En passant, j’adore le cocorico de nos médias, qui, quand même s’agit-il d’annoncer un cataclysme, ils adorent le fait qu’il soit franco-belge : ces mêmes médias oublient qu’il est avant tout le produit d’une fusion quasi forcée faisant partie de mesures sensées sauver Dexia, et qu’il y a deux ans certains d’entre eux présentaient cette fusion come un succès extraordinaire, une preuve du dynamisme financier hexagonal. On nous avait alors expliqué que sauver les banques était signe de clairvoyance et de courage et, rien que pour Dexia on avait déboursé, au bas mot, cinq milliards d’euros. Résultat, la banque « franco-belge », répartie comme avant dans sa course spéculative effrénée se retrouve avec une ardoise de 95 milliards. En passant, quelle était la dette grecque à ce moment ? A vingt milliards près, égale à celle de Dexia d’aujourd’hui.
Que nous dit-on sur cette opération, ce non-sens économique, cette prestidigitation baroque qui consiste à supprimer dans une comptabilité les moins et garder les plus, qui consiste à garantir les dettes par les contribuables et les collectivités locales et laisser les actifs aux banquiers ? Que, selon le ministre français de l’économie et des finances « c'est évidemment la piste la plus sérieuse, parce que c'est la plus solide, parce que c'est la plus expérimentée, parce que c'est celle que l'on connaît le mieux ». En d’autres termes, puisque dans le passé on a fait la même chose pour cette banque (et tant d’autres) et que les résultats sont faramineux, on n’a qu’à recommencer. De par et d’autre de l’Atlantique, en Ecosse, en Grande Bretagne, aux Etats Unis, soit les banques sont à nouveau dans « un état critique » (Royal Bank of Scotland), soit les banques qui les on absorbé (avec l’aide des Etats) sont en difficulté (Morgan Chase), soit, telle la City Bank elles continuent à tricher et accumuler des plaintes un peu partout dans le monde… On peut dire tout le mal que l’on pense du « marché », le fait que le secteur bancaire souffre globalement de la défiance des « investisseurs », le fait que le crédit interbancaire recommence à connaître des ratés, le fait aussi que les clients de Dexia ont retiré plus de trois cent millions en vingt quatre heures, sont des indicateurs palpables indiquant que les pistes ministérielles proposées ne sont ni « sérieuses » ni « solides ».
Laurent Fabius vient d’indiquer que ce plan « sérieux » et « solide », résultat d’une expérience couronnée de succès, risque de faire perdre à la France son triple A. Le jour même, et tandis que le plan de redressement (soixante milliards) en Italie vient d’être voté malgré les « craintes d’indécision politique » émise par les agences de notation, la Moody’s abaisse de plusieurs crans sa note (de Aa2 à A2) soupçonnant une « atonie future » de l’économie transalpine. Due justement à la cherté du crédit, conséquence…de l’abaissement de la note des agences de notation. Comme si les dites agences criaient sur les toits : à force de nous suivre, à force de limiter toute ambition politique et orienter toute contre-réforme sociale au seul objectif de pouvoir encore et toujours emprunter, vous aller finir par ne plus produire.
En pleine crise de la dette, alors que désormais le premier poste de dépense, en France (mais pas seulement) devient celui de son remboursement, on ne fait que deux choses : engloutir l’argent du citoyen contribuable dans des sauvetages des institutions financières, et d’appauvrir le citoyen consommateur par des réformes (sécurité sociale, retraites, éducation, santé, etc.,) présentées, contre toute vraisemblance, comme sensées pérenniser son pouvoir d’achat et son bien être. Et on appelle cela politique sérieuse et expérimentée. A force, l’ensemble des pays, entre autres européens, suivront l’exemple des grecs : ces derniers qui déjà ne faisaient que très peu confiance à leur Etat aujourd’hui s’y désolidarisent complètement : la dette grecque n’est pas la leur, c’est celle de l’Etat et de son élite politique. S’ils reconnaissent la corruption et la fraude fiscale, ils l’expliquent par le fait que l’Etat hier comme aujourd’hui n’a pas tenu sa part du contrat, n’a pas fourni éducation, santé, infrastructures, salaires décents, engloutissant, sous les yeux condescendants et intéressés des bailleurs, les fonds européens, mais surtout ceux de leur propre labeur. La géographie qui se dessine désormais sépare par une frontière incandescente les Etats (et leurs dirigeants) des peuples. Le jour ou l’Eglise, les prédateurs professionnels et autres armateurs paieront des impôts, le jour où les citoyens les moins favorisés ne seront plus les seuls à payer les errances financières des milliardaires, le jour où les gouvernants ne dilapideront pas leur argent en remboursements de la dette plutôt qu’en services et infrastructures dues, « les grecs » du monde entier sentiront peut-être qu’ils ont un Etat à défendre. D’ici là…
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