Dura Lex sed Lex
Une société de transport aérien vient d’être récemment condamnée par le conseil des prud’hommes de Nanterre à payer plus de 9.000€ de dommages et intérêts à l’une de ses salariés, au motif de discrimination fondée sur la situation de famille de la plaignante.
La Halde (Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité), partie prenante dans cette affaire se montre, une fois de plus, aussi redoutable qu’intraitable sur son terrain de prédilection.
L’affaire eût été probablement arbitrée différemment, il y a quelques années encore, mais la Loi est intervenue entre-temps qui modifie sensiblement la donne.
Voici l’affaire...
La plaignante en question est employée commerciale au sein du service fret de la société Eva Air.
Le poste de directrice adjointe du service passager étant déclaré vacant et ouvert à la concurrence, celle-ci sollicite sa mutation dans ce service. Or, huit mois plus tard, et malgré un galop d’essai dont on ne sait s’il fut concluant, le poste est finalement attribué à une collègue rivale du même service.
Surprise et déçue, la salariée demande des explications à son employeur, une demande qui restera lettre morte. Un licenciement s’ensuit. Assez pour inciter l’intéressée à entrouvrir les portes de la Halde qui se saisit aussitôt du dossier pour finalement engager une action de recours en Prud’homme.
Au chapitre des arguments invoqués par la plaignante : un niveau de formation supérieur à sa collègue (maîtrise de commerce international contre un simple BTS pour sa rivale) et une expérience plus longue, tant dans la fonction commerciale que dans cette entreprise (douze ans contre cinq ans) et des évaluations annuelles présentées comme plus probantes pour le poste dont il est question.
Voici en gros la défense de l’employeur : la salariée promue présentait une expérience en service passager plus conséquente que celle de la plaignante.
Mais le deuxième argument est autrement plus révélateur du motif exact pour lequel la plaignante a vu sa candidature retoquée, un motif hautement à caution pour la Halde.
En effet, ce qui semble avoir desservi la plaignante, aux yeux de l’employeur, est le fait qu’elle ait enchaîné une série de trois congés parentaux d’éducation, quasiment sans interruption, entre 1999 et 2003, congés immédiatement suivis d’un départ en Congé Individuel de Formation pour 9 mois, soit une absence de près de 4 ans de l’entreprise.
Constat qui autoriserait bon nombre d’employeurs à relativiser l’expérience de l’intéressée et, comme il est aisé de le deviner, de suspecter de futures difficultés d’implication sur le terrain.
Il n’est pas dit, ni fait état qu’un autre point d’importance ait été débattu en séance contradictoire - en l’occurrence - de savoir si la formation de 9 mois suivie par l’intéressée pouvait être pour le coup portée à son crédit ou à son débit.
En effet, nombreux sont les salariés qui utilisent le CIF pour bifurquer et opérer un changement de carrière et qui reviennent penauds dans leur entreprise, ayant changé d‘avis ou hésitant à franchir le pas.
En l’espèce, il est aisé de comprendre l’attitude frileuse de l’employeur face à une employée qui, "en apparence", choisit de mettre sa carrière au second plan.
Une attitude qui se paye souvent cash dans nos entreprises quand une promotion vient à passer par là.
Or, dans ce dossier, il a suffi à La Halde de s’appuyer sur l’article 15 de la directive 2002-73-CE pour obtenir gain de cause pour sa cliente.
L’article en question fait valoir qu’une femme ayant bénéficié d’un congé parental d’éducation doit non seulement retrouver à l’issue de ses congés un poste au moins aussi favorable que celui occupé précédemment, mais également bénéficier de toute amélioration de situation professionnelle à laquelle elle aurait pu avoir droit, étant restée présente à son poste.
Pour résumer, il eût été prudent de ne pas évoquer l’absence pour congés parentaux successifs ou congés de formation comme motifs plus ou moins explicites pour écarter une salariée d’une promotion ou d’un poste en rapport avec ses états de service.
L’argumentation de l’employeur n’a donc, dans cette affaire, guère pesé, d’autant que la Halde soulignait, comme pour enfoncer le clou, que la direction de l’entreprise elle-même fondait sa politique de promotion sur le sacro-saint critère d’ancienneté.
Une ancienneté toute relative, mais que la Halde interdit pour le coup de discuter...
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