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Accueil du site > Actualités > Economie > En finir avec le dogme de la croissance

En finir avec le dogme de la croissance

Indicateur aussi arbitraire qu’imparfait, le taux de croissance basé sur le calcul du seul PIB constitue le phare de nos politiques économiques. Ainsi en est-il de la lutte contre le chômage, qui selon nos dirigeants reste conditionnée au retour de la sacro-sainte croissance. Pourtant, à l’inverse, on observe qu’un marché de l’emploi dégradé ne permet pas d’envisager une croissance pérenne et freine le redémarrage économique. Même Attali le dit.

 
Dans sa chronique pour L’Express mise en ligne le 2 décembre, Jacques Attali indique que "la croissance, dans nos pays, ne repart pas et (que) le chômage, considérable, réduit la capacité des gens à consommer et à rembourser leurs crédits". Explicitement, l’auteur du rapport controversé sur la "libération de la croissance" et ancien conseiller spécial de Mitterrand fait le lien entre l’atonie de l’emploi et l’absence de croissance.
 
Or le plus souvent, c’est un rapport de cause à effet inverse qui est privilégié : on suppose que la croissance a pour conséquence de stimuler l’emploi. Et cette assertion, érigée en véritable dogme, est mise en avant pour justifier auprès de l’opinion les politiques publiques les plus coûteuses : favorisons le retour de la croissance, l’emploi suivra !

Pourtant, l’analyse des origines de la crise actuelle atteste clairement l’inverse : si l’emploi est défaillant, aucune croissance durable n’est possible (c’est d’ailleurs un sujet que j’avais développé au printemps dernier sur le blog "chomeurs-rassemblons-nous.net"). Ainsi, il est notable de constater qu’outre-Atlantique, la crise a été précédée d’un niveau d’inégalité record. Autrement dit, avant la crise, la pseudo-croissance de l’ère Bush s’appuyait sur des écarts de revenus inédits, signifiant qu’en bas de l’échelle, de plus en plus d’Américains survivaient avec des emplois dévalorisés (on parlerait en France de travailleurs pauvres) voire sans emploi du tout.

Revenant sur l’histoire des inégalités aux Etats-Unis, l’économiste Jean Gadrey souligne sur son blog que le précédent record dans l’écart entre riches et pauvres datait de 1928. C’est-à-dire un an avant la fameuse crise de 1929...

Les plus cyniques pourront y voir une coïncidence, mais le fait que les pics d’inégalités précèdent les crises se comprend somme toute assez aisément. Lorsqu’une part importante de la population est privée de revenus stables et suffisants (c’est-à-dire d’un emploi correctement rémunéré), le "moteur économique" qu’est la consommation intérieure tombe forcément en panne, à un moment ou un autre. Et lorsque des artifices financiers, types "subprimes" ou refinancements hypothécaires, viennent retarder l’échéance, les conséquences à terme n’en sont que plus désastreuses.

Pourtant, dans la logique d’une recherche forcenée de croissance, l’emploi n’est considéré que comme un vague effet secondaire d’une santé économique retrouvée. Thèse d’autant plus contestable que le mode même de calcul de la croissance, basé sur le seul PIB, est de plus en plus décrié.

Ainsi, la prise en compte d’autres indicateurs donne des résultats étonnants. En témoigne l’expérience conduite par deux économistes qui ont établi un classement des régions françaises non pas à partir de la croissance du PIB, mais à partir d’un indicateur de santé sociale : la région qui pointe à la première place n’y est autre que... le Limousin. De quoi fortement relativiser la valeur réelle et concrète de nos "gains de croissance", pourtant érigés en phare de toute politique économique. 
 
 

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24 réactions à cet article    


  • hengxi 9 décembre 2009 12:38

    Il y a bien longtemps que les gens sérieux ne prennent plus le PIB comme seul repère.

    A ce titre l’IDH est bien plus révélateur.


    • faxtronic faxtronic 9 décembre 2009 12:41

      wep, moi qui ait les parents en limousin, il a fallut que je me casse : pas de boulot ! En limousin, il y a beaucoup de retraites, d ancien parisien generalement : pas besoin de boulot et le cout de la vie est bas pour un retraite parisien.


      • Julien_R 9 décembre 2009 13:38

        et pourtant... rappelez-vous des commentaires qui, avant crise, louaient la croissance américaine et l’intelligence de sa politique financière ; souvenez-vous d’Allan Greenspan, ancien directeur de la Fed, surnommé « l’homme qui murmure à l’oreille des marchés » par ses admirateurs ébaubis.

        Pourtant les signes de fragilité, d’apauvrissement et de surendettement d’une parte croissante de la population étaient déjà là. Mais le taux de croissance n’en faisait pas état, donc ça n’existait pas. Jusqu’à la crise des subprimes nous pète à la figure (pour rester poli) justement parce que cette situation n’avait pas été prise en compte (voire même encouragée par la politique permissive de l’administration Bush concernant les crédits à la consommation).

        Votre remarque, pour ironique qu’elle soit, est pleine de bon sens. Mais précisément c’est ce bon sens qu’efface le suivisme du « dogme de la croissance ».


      • lechoux 9 décembre 2009 19:09

        Et nous, on a Guaino qui murmure à l’oreille des ânes.


      • Francis, agnotologue JL 9 décembre 2009 13:19

        J’aimerais bien que le rapport entre revenu moyen et revenu médian soit publié, et que des études soient faites à l’évolution de leur rapport.

        Ce rapport exprime les inégalités de revenus, puisque le salaire moyen est toujours inférieur au salaire médian et l’écart est d’autant plus important que les inégalités sont grandes.


        • imarek imarek 9 décembre 2009 14:29

          En France, la différence entre le revenu médian et le revenu moyen est d’environ 250 Euros, à vérifier. Je m’étais posé la même question il y a un an ou deux.


        • Markoff 9 décembre 2009 15:02
          Toute personne croyant qu’une croissance exponentielle peut durer indéfiniment dans un monde fini
          est soi un fou, soit un économiste. Kenneth Bowlding

          • lechoux 9 décembre 2009 19:12

            Si population ne grandi pas ou n’augmente pas son pouvoir d’achat, il n’y a pas de raison que la croissance continue. Quelle est l’évolution du volume des populations occidentales ?


          • anty 9 décembre 2009 15:02

            Les écart ne sont pas énormes en France il suffit voir les sites .
            80% de français gagnent entre smic et 2500 euros


            • _Ulysse_ _Ulysse_ 9 décembre 2009 15:26

              Oui mais là tu ne mesure pas les inégalités qui sont néfastes pour l’économie.

              Entre le smic et 2500 euros ont trouve essentiellement des travailleurs et le pb c’est pas les écarts de revenus entre travailleurs qui participent tous au marché intérieur.
              Il faut regarder l’écart avec les riches ou très riches, ie les rentiers et un certains nombre de spéculateurs.


            • Francis, agnotologue JL 9 décembre 2009 17:44

              « Oui mais là tu ne mesure pas les inégalités qui sont néfastes pour l’économie. » (Ulysse)

              Cela n’est ni faux ni vrai, mais relatif. Une société qui produit beaucoup de luxe a besoin de consommateurs riches ; en revanche, si tout le mondes est modeste, voire pauvre, les magasins sont désespérément monotones.

              Il faut des inégalités pour stimuler le commerce, mais au delà d’une certaine limite, s’il y a trop de pauvres, les inégalités sont contre productives.


            • millesime 9 décembre 2009 15:33

              le consommateur américain tout comme le consommateur européen ne sera plus comme avant 2008/2009
              http://millesime.over-blog.com


              • fwed fwed 9 décembre 2009 16:02

                Je ferai remarquer que parler en taux de croissance entretien la confusion entre la pseudo stabilité en valeur relative (chaque année on nous informe sur les 1 à 2% de croissance) et la réalité exponentielle en valeur absolue.

                Le pire c’est que les Français sont capables de revoter pour la gars qui leur promettait la croissance alors que le seul échantillon qu’il possède ce sont ses talonnettes....de la fausse croissance !


                • Brieuc Le Fèvre Brieuc Le Fèvre 9 décembre 2009 16:46

                  La croissance infinie ne peut tenir dans notre monde fini. C’est une évidence que la physique et la thermodynamique viendront nous rappeler si nous ne faisons pas l’effort de le comprendre nous-mêmes.

                  Maintenant, pour répondre à kronfi (9/12@16:31), la croissance peut exister dans certains domaines vitaux pour les plus démunis, mais le plus souvent au détriment du « confort » matériel immédiat des plus riches. Cela dit, avons nous réellement besoin de changer de voiture tous les 3 ans ? De téléphone portable tous les 9 mois ? D’ordinateur tous les 12 mois ? Avons-nous même besoin de voiture quand on vit en ville ?

                  Vivre avec moins, mais quand même mieux, c’est possible. Il suffit de repenser nos modes de vie et nos comportements sociaux (un petit peu à la fois, chacun à son rythme : pas besoin d’une dictature verte pour ça).

                  Quant au dogmatique et désormais mystique PIB, c’est une saloperie bonne à mettre au feu. Quel personne sensée pourrait, en connaissance de cause, accepter de considérer comme une bonne chose de voir sa maison brûler, des parents proches mourir du cancer et le paysage alentour dévasté par une explosion d’usine ? Pourtant, tous ces événements tragiques ont une conséquence : il faut dépenser de l’argent pour les dépasser, et c’est bon pour le PIB !

                  Prévenir les incendies par des détecteurs de fumée, empêcher les gens de tomber malade par une prévention volontaire, et contenir le risque industriel par des investissement de sécurité, c’est moins bon pour le PIB, parce que ça implique de moindre dépenses à terme. Les gens vivront-ils moins bien pour avoir dépensé moins mais anticipé plus ?

                  A méditer, non ?


                  • perlseb 9 décembre 2009 19:01

                    @ kronfi,

                    mdr moi aussi. Parce que vous croyez réellement que les petits chèques de Copenhague vont permettre à la Terre entière de rouler sans compter comme nous l’avons fait ?

                    Le pétrole, on a pratiquement tout bouffé alors faudra pas essayer de rouler au prix où il sera dans quelques années.

                    Vous avez quand même raison. Il est tout à fait normal que vous cherchiez à augmenter votre niveau de vie. Mais il faudra vous battre, car la Terre ne peut pas supporter 6 milliards d’individus avec notre niveau de vie. Que vous le vouliez ou non.

                    Donc la suite c’est soit la guerre, soit la décroissance contrôlée avec même qualité de vie (sinon meilleure car moins de nuisances). Et, comme on n’est pas si bête, on préfère la décroissance contrôlée. Libre à vous de choisir la guerre en espérant qu’elle vous soit favorable.


                  • perlseb 9 décembre 2009 20:47

                    Et as-tu penser à l’hyper-inflation pour rembourser les dettes sans aucune croissance ? C’est pas pratique, ça ? Il suffit d’imprimer des billets sans aucune contrepartie, comme les américains savent si bien le faire. D’ailleurs la flambée de l’or n’est peut-être que le départ.

                    Si le billet vert descend aux enfers, il y a fort à parier que l’euro en fera tout autant. Cela résoudra les problèmes de tout le monde. La Chine pourra suivre ou ne pas suivre. Si la Chine suit, le prix de toutes les matières premières explosera (même abondantes), sinon elle passe n°1 et impose sa vision.

                    Tu as peut-être raison sur le pétrole mais dans ce cas, il est urgent de réfléchir à Copenhague aux moyens de faire rouler 6 milliards d’individus sans asphyxie.


                  • xray 9 décembre 2009 17:27


                    On court après la croissance.
                     
                    On se garde bien d’expliquer ce qu’est véritablement cette fumeuse croissance  : 


                    Multiplier la misère et les malades pour générer du PIB.
                     
                    Quand le PIB augmente, c’est de la croissance.  La croissance, c’est le pays qui s’enrichi. Quand le pays s’enrichit, c’est de l’argent pour ceux qui en ont besoins. Va sans dire, de l’argent pour les riches. Pour être pauvre, on n’a pas besoin d’argent. 

                    La misère est le fondement de la société de l’argent ! 
                    (Le malade, l’industrie première.) 


                    La Croissance 
                    http://echofrance.vefblog.net/LA_CROISSANCE_1  

                    HYPOCRISIE du SYSTÈME, L’emploi, et le chômage face à la productivité.
                    http://echofrance36.wordpress.com/2008/10/30/hypocrisie-du-systeme/ 

                    Faire courir les fourmis humaines le plus vite possible, le plus dans tous les sens possible et le plus … inutilement possible. 



                    • Peretz Peretz 9 décembre 2009 18:42

                      @auteur et @ Brieuc. Effectivement le deuxième principe de thermodynamisme appliqué à la croissance économique est intéressant. Malheureusement insuffisemment exploité à mes yeux. La croissance peut être simplement continue sans être exponentielle. Il suffit que les forces qui impulsent les systèmes, et principalement le système monétaire soit suffisantes et permanentes. Ce qui me fait dire que la théorie monétariste de l’Ecole de Chicago, n’est pas fausse : il faut dépenser sans arrêt pour nourrir automatiquement l’économie, par la croissance de la masse monétaire, quelque soit l’objet de la dépense. Mais l’erreur (volontaire) de ces fondamentalistes économiques a été de faire monter cette masse monétaire par le crédit, au lieu de le faire par la masse salariale. Evidemment au détriment des classes les plus défavorisées. Et surtout pour éviter toute inflation qui bien entendu gène la rente et les prêteurs. D’où les inégalités et les crises du fait de l’insolvabilité organisée de cette classe sociale. www.voixcitoyennes.fr


                      • Markoff 9 décembre 2009 18:53

                         « il faut prendre l’argent là où il se trouve, c’est à dire chez les pauvres. Bon, d’accord, ils n’ont pas beaucoup d’argent, mais ils sont, de loin, les plus nombreux » 
                         Alphonse Allais.

                        C’est ce que font, depuis toujours, les dictatures, et même, quelques autres systèmes qui se disent « démocratiques ».

                        Si la croissance ne sert qu’à maintenir l’écart de niveau de vie entre pays nantis et pays pauvres, alors rien ne sera résolu et il faudra se préparer à une immigration massive et non choisie.
                        Si nouis ne savons pas partager les richesses du monde ( enfin... celles qui restent ! )
                        d’une manière plus équitable, alors, nous sommes foutus.

                        Qu’on se le dise !


                        • Yaka Yaka 10 décembre 2009 12:44

                          Le problème, c’est qu’une fois que les gens sont habitués à un certain niveau de vie, ou à certains privilèges, il est très difficile de les supprimer.

                          Il va falloir être patient pour expliquer aux français que pour le moment, l’air de rien, ils vivent sur le dos d’une bonne partie de la planète. Et que diminuer la consommation dans les pays riches ne serait que justice.


                        • anty 9 décembre 2009 19:32

                          La croissance existera quelque soit l’option que prendra l’humanité dans le futur.

                          La raison on est simple

                          on sera bien obligé de se donner une référence par rapport à laquelle on évoluera dans un sens ou un autre.

                          Les internautes qui prétendent qu’il n’ya pas de croissance infini dans un monde fini tiennent un raisonnement trop simpliste

                          La croissance que nous connaissons maintenant n’est forcement matérielle et en tout cas cette croissance est le résultat d’une évolution aux paramètres innombrables interagissants
                          entre eux qu’il est pratiquement impossibles de les tous maitrisés.

                          On peut avoir une infinité de croissance et la croissance matérielle est seulement une de sa composante comme l’est d’ailleurs la démographie et toutes les activités humaines.

                          Stopper la croissance matérielle est une mission impossible dans l’état actuelle de choses
                          sinon le reste de l’édifice s’écroule 

                          par contre on peut redéfinir cette croissance et lui demander d’aller dans certaines directions
                          en faisant jouer les artifices de la loi.


                          • kalon kalon 9 décembre 2009 22:04


                            Toutes choses étant égales, il est préférable de ne pas payer d’impots sur son travail que d’attaquer une banque.
                            que les banques vivent de ce qu’elles font,cela ne me concerne pas ! je vis trés bien de mon travail, je construit des maisons
                             !
                            avec l’age, je me suis dit que ce revolver était mon ennemi.
                            Prendre un révolver en main pour récupérer le fruit de ton travail, faut étre con !
                            Risquer que tes enfants ne te voyent qu’au travers d’un grillage de prison, faut étre con !
                            et continuer à accepter que des gens qui n’ont aucune moralité, gérent nos affaires s’apparente à notre plus belle connerie !
                            dix millions de milliardaires contre 6 milliards de mecs dans la merde, faut mieux pas étre milliardaire, aujourd’hui !

                            Mais pourquoi devrais je payer pour les conneries d’un banquier ?
                            Le probléme est simple, ceux qui ne savent pas construire sont devenu nos chefs,
                            Lorsqu’on est inutile, il est préférable d’étre le « chef »


                            • kalon kalon 9 décembre 2009 22:04

                              sorry, je suis bourré, 4 chimays, c’est du Belge !


                              • José Diaz 11 décembre 2009 11:32

                                Selon M. Fillon, il faudrait au moins 2% de croissance pour que l’emploi redémarre (rien que ça, alors expliquez-moi où passent les bénéfices de ces 2%, mais c’est une autre histoire).
                                S’il faut comme il le prétend ce prodigieux « bond » (plus qu’utopique aujourd’hui) de la croissance pour créer de l’emploi, et qu’il faut d’abord de l’emploi pour créer de la croissance (ce qui somme toute paraît bien plus logique), on est bien coincés, non ?
                                Conclusion : idéologie des élites à revoir.
                                Et bien entendu il faudra bien un jour répondre à deux questions indissociables : à qui profite la croissance, et cette croissance est-elle une nécessité (d’ailleurs comme le rappelait Markoff citant Boulding, est-elle logiquement défendable) ?

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