Eric Cantona est le catalyseur d’un système au bord de la rupture
Réjouissons-nous ! Eric Cantona a retenu l’attention de nos élites avec brio. En suggérant un vote d’initiative populaire à guichet ouvert, Il compte sur la synergie des peuples pour insuffler le changement. C’est à nous de saisir ce genre opportunité inespérée. En effet, pour se faire entendre, les clients d’un établissement bancaire n’ont guère d’autres moyens d’exercer une forte pression sur leur banque qu’en retirant leurs dépôts, ce qui peut être fatal à la banque, d’autant plus, si les déposants le font en même temps. Or, ce qui est fatal pour une banque a vite fait de l’être pour les autres banques ( car toutes sont liées par les prêts et les emprunts qu’elles se font les unes aux autres). Si un tel événement venait à se produire sous peu, la société serait forcée, bon gré, mal gré, de se réformer en profondeur puisque le système financier en l’état des choses ne pourrait survivre, les Etats n’étant plus en mesure de le sauver une énième fois.
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L300xH200/canto-55e09.jpg)
Une oligarchie qui s’accroche à ses privilèges de condition
La vérité est que les membres de la haute finance aurait beaucoup à perdre en cas d’effondrement du système financier. Quand aux citoyens, à la société, ils conserveraient leur capital humain, leur savoir faire intacte et s’en remettraient bien vite sur de nouvelles bases seines et solides. La planète finance est un monde à part. « Alors qu’elles ne représentent que 1% de la population, les personnes à très haut revenus perçoivent 5,5% des revenus d’activité, 32% des revenus du patrimoine et 48% des revenus exceptionnels déclarés (plus-values, levées d’option) », selon l’étude de l’Insee sur les revenus et les patrimoines des ménages publiée en 2010 [1]. Les inégalités dans l’accès aux profits de la finance sont donc démesurées. Une petite oligarchie concentre l’essentiel de cette source de revenus. Et il ne faut pas se leurrer, si les plus fortunés se réservent l’accès à la planète finance, ils soutiennent leur président dans les mesures de rigueur qu’il préconise pour résorber la dette publique. Si cette dette est due aux spéculations irresponsables des plus riches, ce sont les classes moyennes et les plus modestes qui vont subir le plus durement les mesures de rigueur déjà mises en place et surtout à venir, à travers les dégradations des services publics,la détérioration de la couverture du risque santé et la baisse des aides sociales, le durcissement des conditions d’accès à une retraite à taux plein.
Eric Cantona a bien cerné le problème quand il déclare que « Le système est bâti sur le pouvoir des banques, donc il peut être détruit par les banques ». Le manque de retenu de nos gouvernants et du monde financier en est l’illustration. Quand le directeur de BNP Paribas Baudoin Prot assure comme Christine Lagarde que « les banques françaises n’ont aucunement contribué aux origines de la crise » et les aides de l’Etat de l’époque n’ont rien « coûté aux contribuables », il ment.
Et pour preuve : les emprunts ont doublé entre 2007 et 2010, passant de 97,5 milliards à 188 milliards d’euros. Les remboursements annuels sont lourds, autour de 43 milliards. Mais, dès que le gros de la crise est passé, les banques vont profité des mirifiques liés précisément à l’endettement aux déficits publics auxquelles elles ont contribué. Renfloués par l’Etat, les établissements bancaires ont pu lui prêter une partie de l’argent qu’ils venaient d’en recevoir en souscrivant au grand emprunt..... On a affaire à un nouveau champ de bataille ouvert par les spéculateurs contre les Etats, avec la création de ce marché financier de couverture des dettes publiques. Il s’agit là d’un nouvel indicateur de la domination de la finance sur la politique. En outre avec cet argent prétendument "prêté", les banques vont pouvoir continuer d’acheter les bons du trésor ( emprunts souscrits par les Etats auprès des banques) émis par les Etats pour combler les déficits publics, et payer les emprunts antérieurs qui arrivent à échéance.
Le système bancaire est corrompu
Quand le système financier peut se passer de l’économie réelle, c’est-à-dire quand il peut faire de l’argent à partir de son propre argent sans passer par l’échange économique, pourquoi s’en priverait-il ? Les Etats ont cru ou feint de croire que la finance de marché se limiterait à créer son propre univers de règles, compatibles avec le leur. Ils n’ont pas vu que libérée de toute contrainte, plus rien ne la retenait de donner à ses modalités de fonctionnement une portée qui l’affranchissait de leur légalité. La dérégulation et les dérèglementation ont transféré une grande partie du contrôle de l’activité économique et financière des Etats vers les acteurs privés, priés de mettre en place eux même les règles et les normes de fonctionnement de leur propre marché. Cela a libéré les fraudeurs de la menace de sanction incarnée par le gendarme de la bourse. De surcroit, Il existe une sorte d’effet papillon de la fraude : un acte frauduleux insignifiant peut, à distance, causer des dommages considérables. La fraude est désormais incorporée comme un moyen de gestion ou, si l’on préfère, une variable d’ajustement permanente et non plus comme une simple variable d’ajustement.
D’une part, une crise de la dette souveraine accentuée par les aides accordées au système bancaire, nous menace. Après la Grèce, l’irlande, le Portugal, un effet dominos est redouté. D’autre part, pour survivre le modèle économique devra imposer l’augmentation des prélèvement obligatoire, une diminution des dépenses publiques. Or, ce qui pouvait être fait aujourd’hui a été fait mais d’autres réformes plus drastique seront inévitables. Elles interviendront par étapes et présentées sous un aspect tolérables par les populations concernées. Pour les gouvernants tout ce jouera dans la communication et la manipulation des foules.
Le système bancaire a l’entière responsabilité de la crise financière
La responsabilité des banquiers dans la crise ne fait pas de doute : ils ont allègrement transféré sur d’autres les risques qu’ils ont vocation à gérer, incité leurs traders, par des systèmes pernicieux de rémunérations, à prendre d’énormes risques....Pour faire face à la crise actuelle, débutée en 2007, les banques centrales ont dû se résoudre à prendre des mesures non conventionnelles qui ont permis aux banques de se refinancer sans limite de montant à un taux fixe proche de 0%, pour une période bien plus longue qu’à l’accoutumée, en mettant en pension un éventail de titres bien plus larges qu’auparavant.
Le montant cumulé des plans de sauvetage entrepris pour éviter la banqueroute du secteur bancaire et financier avoisine les 1000 milliards de dollars dont 700 milliards de dollars pour les seuls américains. Bien entendu ces masses d’argent ont un coût d’opportunité : pendant qu’on les utilise pour sauver les banques on ne les utilise pas pour autre chose..... Un grave problème demeure cependant. Cette intervention, si elle est systématique, a l’inconvénient d’assurer un drôle de jeu au secteur financier : face il gagne, pile l’Etat perd.
Le système bancaire a mis les Etas à genoux en les poussant à l’hyperendettement
Cette disposition a été étendue à toute la zone euro avec le traité Maastricht. D’ailleurs, l’emprunt Giscard, émis en 1973, offrant 7% d’intérêts indexés sur l’or n’a rien arrangé. Le cour du métal précieux monta incessamment, ce qui fut une belle aubaine pour les prêteurs et un désastre pour les finances publiques ( 7,5 milliards d’euros levés, 90 milliards de remboursés ). La mécanique infernale se mit en place juste après. On comprend dès lors mieux pourquoi le risque de crise de la dette souveraine et les mesures de rigueur pour l’enrayer concernent tous les pays de la zone euros. En effet, les banquiers ne veulent pas tuer la poule aux œufs d’or et comptent bien continuer de prospérer sur le dos des citoyens.
Voyez un peu ce superbe cadeau offert aux barons de la finance ! Dans un budget quel qu’il soit on compare les recettes avec les dépenses et la différence donne le déficit. Pour le budget de l’Etat la différence est de l’ordre de 20%. Depuis 1975, les dépenses excèdent les recettes de l’ordre de 20% (22% en 1996, 14,8% en 2000, 17,2% en 2006). Le ratio entre charge de la dette et recettes nettes de l’Etat amène à constater que plus du quart des recettes nettes sont consacrées à la charge de la dette. Voilà de la richesse nationale produite par la masse des travailleurs qui part en fumée !
Il faut combattre une idée fausse : la dette nous aurait permis d’équiper la France en routes, écoles, hopitaux, etc. Non, la dette n’a pas servi à l’investissement public mais aux dépenses de fonctionnement. Le rapport Pébereau est clair sur ce point : « C’est une gestion peu rigoureuse qui explique, pour l’essentiel la hausse continue des dépenses depuis 25 ans. »
Qui gère concrètement la dette de l’État ? L’Agence France Trésor. Domiciliée à Bercy cette structure a été créée en 2001 pour gérer spécifiquement la dette de l’État. Elle est assistée dans sa tâche par le comité stratégique qui « la conseille sur les grands axes de la politique d’émission de l’Etat. ». On découvre sur le site officiel [3] que ce comité stratégique de dix membres comprend, entre autres, un représentant de la banque nationale suisse, un représentant du fonds souverain de Singapour, un représentant de la compagnie familiale financière Edmond Rotschild et de l’International Capital Market Association ( banques d’investissement participant au marché obligataire mondial. L’économiste Philippe Herlin s’interroge : n’y-a-t-il pas là conflit d’intérêts ?[4]
Cette agence émet des emprunts à long, moyen et court terme. Ces emprunts donnent lieu à des versements d’intérêts et le principal est versé d’un coup à l’échéance. L’AFT émet donc en permanence des emprunts pour financer le déficit de l’État et d’autre part pour rembourser le principal des emprunts arrivant à échéance ( amortissement de la dette ). L’AFP émet de plus en plus de bons du trésor à taux fixe et intérêts annuels de moins d’un an. L’agence a créé en 1998 des OAT indexés sur l’inflation qui représentent 15% de l’encourt total des OAT fin 2008 (soit un stock d’une centaine de milliards d’euros).
[1]Les revenus et les patrimoines des ménages. Paris, Insee, « Insee références », 2010, P47.
[2] Michel Pébereau, « Rompre avec la facilité de la dette publique, La documentation française, 2005.
[3] aft.gouv.fr
[4] France, la faillite ? Ed. d’organisation, groupe Eyrolles
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