Et si EDF investissait vraiment en France ?
Si vous lisez assidûment mes billets, vous savez qu’à plusieurs reprises, je
me suis étonné de voir l’EDF, société nationale, investir à l’étranger et pas
assez en France. Dans ces investissements, dont la plupart ont été
malencontreux, on peut citer ceux effectués dans divers pays d’ Amérique du
Sud, dont EDF s’est désengagée depuis avec des pertes, ceux effectués en Italie,
dont EDF s’est sortie très difficilement et à coût maximum, en Egypte, investissement revendu
récemment avec une plus-value, et même au Laos, où EDF est engagée dans un
projet gigantesque de barrage hydroélectrique dont nous, usagers, ne verrons
jamais la couleur de l’électricité produite. Récemment encore, il y a quelques
semaines, EDF s’est engagée, avec l’aval de son conseil d’administration, et donc
de son ministre de tutelle, dans une prise de participation en Suisse.
Je comprends parfaitement que la nouvelle règle du jeu, sur un terrain de
jeu qui s’est élargi de la France à l’Europe, est, pour toutes les sociétés
nationales, de s’étendre à l’étranger, de reprendre d’autres sociétés nationales
dans les pays plus petits, ou de trouver des accords de coopération. Car, en
sens inverse, l’ouverture du marché va se traduire pour EDF par une perte
progressive de sa part du marché français, comme cela s’est produit déjà pour
France Télecom, ou se produira pour la Poste ou la SNCF. C’est d’ailleurs cette
ouverture d’un marché européen bien plus vaste qui justifie pour moi , sur le
plan financier, la privatisation d’EDF. Mais aller investir en Amérique du Sud
ou au Laos n’a pour moi aucun sens, du moins tant qu’EDF est une société
nationale dont la mission est avant tout d’éclairer ou de chauffer les
Français. Et pourtant, tout ceci a été fait avec l’aval des gouvernements successifs.
Comprenne qui pourra !
Je suis donc particulièrement satisfait que le Premier ministre, dans ses conditions
pour l’ouverture du capital, impose la signature d’un contrat de service public
contraignant, qui nous assure qu’EDF n’ira pas prioritairement investir ailleurs
qu’en France, et qui définira ses obligations vis-à-vis de ses clients et
actionnaires. Je suis également très satisfait qu’il impose à EDF un budget
d’investissement élevé pour assurer cette mission de service public. L’expérience
de l’hiver dernier a montré que les moyens de productions d’EDF étaient limités
pour couvrir les besoins de pointe, ce qui correspond bien à ma perception
qu’EDF avait investi ailleurs l’argent qu’elle aurait dû investir en France.
L’augmentation de la demande, à raison de 2/3 pct par an, n’est, à mon sens, pas
couverte non plus par des investissements nouveaux, et il est dommage que ce
soit la filiale réseau RTE (le RFF de l’EDF) qui ait desserré ce lièvre.
L’autre inquiétude que j’ai, pour avoir assisté à une conférence sur le
remplacement des centrales nucléaires, est qu’il y aura un trou de plusieurs
années pendant lesquelles EDF n’aura pas assez d’électricité pour satisfaire
les besoins des Français, entre la mise en service de l’EPR de Flamanville et le
programme énorme de renouvellement des centrales nucléaires qui devrait prendre
la suite quasi immédiatement. Car si la France a eu l’intelligence de miser
massivement sur le nucléaire il y a trente ans, cela veut dire que le programme
de remplacement devra être tout aussi massif, avec les difficultés financières
et opérationnelles que cela va provoquer. Sans compter que la proximité de Peak
Oil va provoquer un transfert de la demande vers l’électricité, non encore pris
en compte par EDF dans ses plans.
Dans ces conditions, il faut être un peu fou pour aller investir son argent
au Laos !
Il y a peut-être des explications techniques ou tactiques à cette situation, par exemple le fait qu’il ne semble pas y avoir de prospective à long
terme à EDF, ou que les budgets d’EDF étant calculés et approuvés année par
année dans le cadre des budgets de l’État, il est quasiment impossible de faire
des plans à long terme ; ou bien encore qu’EDF pense simplement maintenir en
France sa production actuelle, et alors la demande nouvelle à moyen terme est
censée être couverte par la concurrence ; ou bien enfin que le nucléaire étant
impopulaire en France, l’EDF et le gouvernement n’ont pas le courage politique
d’affronter l’opinion publique sur ce sujet, et préfèrent attendre le démarrage
réussi de l’EPR pour embrayer sur de nouvelles centrales.
Toutes ces explications sont belles et bonnes, mais ne sont que des
explications, qui ne valent que ce qu’elles valent. Il est tout à fait
regrettable à mon sens que les responsable de l’EDF donnent l’impression qu’ils
sont déjà dans leur aventure européenne, voire mondiale, et paraissent déjà
détachés des intérêts des usagers et actionnaires. Il appartient donc bien à
l’État de rappeler vigoureusement les obligations de service public de
l’entreprise, qui reste, à ma connaissance, une entreprise nationale.
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