Etats-Unis, domino suprême
Les endettements publics grec et américain atteindront respectivement 150% et 100% du P.I.B. de chacun de ces deux pays vers la fin de cette année. Les déficits publics de ces deux nations, eux, sont relativement équivalents puisqu’ils se montent tous deux à approximativement 10% de ce même P.I.B… Le patron de la Réserve Fédérale, Ben Bernanke, a beau se vouloir rassurant vis-à-vis du système bancaire US dont il affirme qu’il ne devrait quasiment pas souffrir du défaut programmé de paiement grec. Pour autant, notre univers profondément interconnecté d’aujourd’hui – et subsidiairement l’expérience des années écoulées – devraient inspirer la plus grande circonspection…
Les Banques Européennes, qui se taillent la part du lion en terme de détention d’obligations grecques, sont certes et de très loin les plus menacées par cet inéluctable restructuration grecque. Une mauvaise surprise frappant les établissements financiers d’Outre-Atlantique est cependant d’autant moins à exclure que les grands fonds spéculatifs américains révèlent progressivement leur très substantielle exposition au marché de la dette européenne. En outre, le risque majeur – parce que difficile à mesurer – reste celui de l’immense foire aux bestiaux des CDS ou credit default swaps, en d’autres termes le marché des assurances contractées (et vendues) censées protéger contre le défaut de paiement des dettes souveraines.
Qualifié de l’appellation d’ » over-the-counter” ou, en français, de gré à gré qui revient à reconnaître qu’il ne se conforme à aucune régulation, ce marché constitue une bombe à retardement potentiellement dévastatrice – sur un plan universel – du fait de l’incapacité de la finance globale, mais également des Etats, à en appréhender les montants qui y sont traités comme les contreparties qui les contractent ! En fait, ce n’est que lorsque la Grèce aura vraiment fait défaut que l’on saura qui est réellement impliqué dans les CDS de ce pays.
Souvenons-nous de l’année 2008 ayant vu l’Etat fédéral américain se porter avec 200 milliards de dollars au secours d’AIG, plus important assureur mondial, qui avait vendu des montants impressionnants de CDS contre la baisse de notation des titres subprimes. Autrement dit, voilà un géant de l’assurance qui ne se réassurait pas, qui vendait donc à découvert, qui –indirectement – misait sur la qualité de subprimes qui se sont bien-sûr révélé rapidement des actifs pourris. Le plus intéressant, pour revenir à notre cas grec, étant que ce n’est qu’à l’issue de la déconfiture des subprimes que l’ampleur de l’implication d’AIG put vraiment être quantifiée, voire dévoilée. Dans un contexte où les grands « hedge funds » américains, très corrélés avec le système bancaire de ce pays, sont lourdement investis dans les papiers valeurs européens, il va donc de soi que l’Océan Atlantique n’atténuera en rien la secousse grecque…
Et pourtant, la ruée vers les T-Bonds américains – considérés comme « valeur refuge » par les investisseurs – ne semble pas faiblir, nul n’étant désireux d’envisager le scénario catastrophe mais fort vraisemblable où les spéculateurs joueront contre un placement subitement jugé (et avec raison) peu fiable et qui par surcroît offre un rendement quasi nul. Alors que les investisseurs anticipent un défaut grec à hauteur de la moitié de leurs placements, telle que reflétée dans la décote des obligations de ce pays, aucun questionnement existentiel ne saisit ceux – c’est-à-dire la planète entière ! – qui ont acheté les 14’000 milliards de dollars de Bons du Trésor américain et ce en dépit de la tragi comédie nauséabonde à laquelle se livre la politique US à propos du relèvement du plafond de son endettement national…
Les Etats-Unis ne sont bien-sûr pas le Grèce mais, du haut de leurs déficits insoutenables et de leur jeu politique malsain, ils en prennent le chemin. Avec, pour corollaire, une question angoissante : Qui sera bien capable de renflouer les Etats-Unis le moment venu ?
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