Fonction publique : les bonnes vieilles recettes anticrise du FMI (du bon docteur DSK)
Voilà un billet qui devrait mettre dans un état de surexcitation nos chasseurs de mammouths nationaux dont les dernières défenses seront bientôt offertes à ces braconniers du libéralisme. Le bureau européen du journal Le Monde nous gratifie, en effet, d’un article des plus inquiétants pour ce qu’il nous reste de modèle social.
« Face à la crise, plusieurs pays réduisent les salaires de leurs fonctionnaires », titre le journal en page 7. Et de préciser : « C’est une mesure qui semble s’imposer dans les pays frappés de plein fouet par la crise : plusieurs gouvernements européens ont entrepris de réduire les salaires de leurs fonctionnaires, afin d’assainir leurs finances publiques, voire d’éviter un défaut de paiement. » Et de citer les exemples de l’Irlande, de la Lettonie, de la Bulgarie et bientôt de la Roumanie. Moins 7% sur les traitements des fonctionnaires irlandais, moins 15% sur ceux de leurs homologues lettons.
On apprend même que le français (on est jamais aussi mal servi que par soi-même) Jean-Claude Trichet appelle les gouvernements "à poursuivre des politiques de dépenses courageuses, en particulier en matière de salaires dans le public". Vous avez bien lu : « des politiques de dépenses courageuses ».
On apprend même que le FMI présidé par le français (on est vraiment aussi mal servi que par soi-même) Domi-nique Strauss-Kahn impose, en accord avec les autorités euro-péennes, la réduction des dépenses de la fonction publique en échanges de ses prêts aux pays en difficultés.
Il y a quelques années, en 2002, Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, ancien conseiller de Bill Clinton, qui en 1999, a démissionné de son poste d’économiste en chef et vice-président de la Banque mondiale, a publié un ouvrage qui décortiquait les politiques affligeantes de ces grandes structures que sont FMI et Banque mondiale (1).
Son constat était clair et net : « Il est important de voir non seulement ce que le FMI met au programme, mais aussi ce qu’il n’y met pas. La stabilisation y est, la création d’emplois non. (…) Il y a de l’argent pour renflouer les banques, pas pour financer l’amélioration des services d’enseignement et de santé, et encore moins pour secourir les travailleurs éjectés de leur emploi en raison de la mauvaise gestion macroéconomique du FMI. »
On l’a vu lorsqu’il a poussé à la libéralisation des pays de l’Est ou au « sauvetage » des économies des pays en développement, le FMI conditionnaient ses prêts à ce qu’il appelait par euphémisme, ‘la flexibilité du marché du travail » : formule qui paraît signifier « amélioration du marché du travail » mais qui, nous dit encore Stiglitz, n’a été qu’un terme codé pour dire baisse des salaires et démantèlement de la protection de l’emploi. Il ajoute : « Le FMI a sous estimé les risques de ses stratégies de développement pour les pauvres. Mais il a aussi sous-estimé le coût politique et social à long terme des mesures qui ont ravagé la classe moyenne pour enrichir une toute petite élite, et surestimé les bénéfices de ses mesures néolibérales. Historiquement, la classe moyenne a été celle qui a revendiqué l’état de droit, l’enseignement public pour tous, la création d’un système de sécurité sociale – autant de facteurs essentiels pour une économie saine. Son érosion s’est traduite par une érosion parallèle du soutien à ces réformes cruciales ».
Relisant ses lignes, on ne peut que faire un parallèle saisissant avec ce que nous révèle le journal Le Monde. Le FMI semble reconduire ses stratégies inefficaces des décennies précédentes. Mêmes logiques, mêmes aveuglements. A y regarder de près nous constatons même que les politiques de notre gouvernement s’adaptent parfaitement aux injonctions du FMI : renflouement des banques et démontages des services publics, paquet fiscal pour une petite élite et étouffement des classes moyennes, asphyxiées par un pouvoir d’achat en berne et la dégradation de ses acquis sociaux.
C’est pourquoi, le journaliste du Monde se trompe lorsqu’il essaie en vain de nous remonter le moral : « Dans plusieurs pays dont la situation est meilleure, comme la France et l’Allemagne, de telles mesures sont difficiles à imaginer à l’heure où les autorités engagent des dizaines de milliards d’euros pour assurer la survie du secteur bancaire », nous dit-il. Et bien non, l’expérience nous montre que tout cela est du même ordre et procède de la même logique. On renfloue les banques (les copains) d’abord et on se refait une santé sur le dos des contribuables ensuite.
Et un jour, on ressemblera à la Russie… sans le pétrole mais avec les restes de mammouths piégés dans les sols gelés.
Max.
(1) Joseph E. Stiglitz, La grande désillusion, Fayard, 2002. Plus que jamais d’actualité !
PS : Vous êtes également les bienvenus ICI.
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