Garder raison sur le niveau de la dette publique
Papier publié en avant-première par Front Populaire
Bien sûr, à 2813 milliards d’euros, et 113% du PIB, il est facile, avec la forte remontée des taux longs et les annonces de la BCE, de se faire peur et d’en conclure l’urgente nécessité d’une cure d’austérité, alors même que leurs conséquences sont toujours plus criantes dans la santé ou l’éducation. Pourtant, un élément démontre que la situation est bien moins périlleuse que certains disent le croire.
Plus d’un quart de notre dette est virtuel
C’est une réalité trop peu connue, détaillée par Jean-Pierre Robin dans un article du Figaro. Sur les 2813 milliards de dette publique de notre pays, pas moins de 671 milliards sont détenus par la Banque de France et 70 milliards par la BCE et d’autres banques centrales européennes, soit 26,3% du total. En clair, notre pays se doit à lui-même plus d’un quart de sa dette publique. Cette partie de notre dette publique n’est pas du tout de la même nature que le reste, parce qu’il s’agit à la fois d’un passif et d’un actif. En réalité, après toutes ces vagues de monétisation des dettes publiques par les banques centrales, nous devrions plutôt avoir deux statistiques sur la dette publique : la dette brute (2813 milliards, 113% du PIB), et la dette nette, celle que nous devons à d’autres que nous (2072 milliards, 83% du PIB).
En fait, à la suite des vagues de monétisation déclenchées dans la zone euro, malgré les réticences de l’Allemagne, notre dette nette est finalement moins élevée qu’en 2009. Face aux crises de l’UE et à la crise consécutive à la crise sanitaire, les banques centrales ont monétisé une part significative de notre dette publique, limitant les taux et la pression des marchés. Ceci n’est pas spécifique à l’Europe, puisque notre continent a plutôt été modéré dans l’utilisation de cet outil. A contrario, le Japon s’est massivement désendetté depuis dix ans, même si le chiffre brut (plus de 250% du PIB) donne toujours l’illusion d’un niveau d’endettement colossal. La Banque du Japon a ainsi racheté environ la moitié de la dette publique du pays, faisant de ce qui devrait être un danger un non problème, lui permettant de relancer son économie, même avec une dette publique brute et des déficits publics très élevés.
Bien sûr, cette pratique peut finir par devenir inflationniste, mais le cas du Japon montre que, bien gérée, il est parfaitement possible d’éviter ses possibles inconvénients. La zone euro a fait des choix différents en achetant beaucoup d’actifs privés. Et il a fallu la conjoncture exceptionnelle de la guerre en Ukraine et de sortie des restrictions liées à la crise sanitaire pour que l’inflation remonte : nous pourrons juger l’an prochain si cela a nourri un rebond inflationniste durable. Mais aujourd’hui, alors que la remontée des taux longs donne une nouvelle occasion au gouverneur de la Banque de France de défendre la casse des services publics et la baisse du pouvoir d’achat des classes populaires, il est important de relativiser la crainte que peut susciter cette remontée des taux d’intérêts. Pour plus d’un quart de notre dette, elle n’a aucune conséquence, puisque les intérêts payés par la France reviendront… à la France…
Néanmoins, dans le cadre de la zone euro, la situation est plus complexe qu’au Japon, où la politique de la Banque centrale est directement déterminée par le gouvernement. Ici, le gouverneur de la Banque de France est indépendant, et la BCE a annoncé la fin du rachat net de titres de dettes publiques au 1er juillet, et une hausse des taux. Mais il est rassurant de constater que près de 90% de la monétisation de notre dette publique a été réalisée par notre banque centrale, et non par la BCE, point trop ignoré des négociations menées par l’Allemagne pendant la crise de la zone euro, qui a permis de cantonner l’essentiel du rachat des dettes publiques de chaque pays de la zone euro dans leurs banques centrales nationales. Un « détail » qui faciliterait grandement une déconstruction de la monnaie unique… De facto, ces dettes ne sont pas tellement détenues par la BCE, mais surtout par les banques nationales.
Bien sûr, le gouverneur de la Banque de France agite un surcoût de 40 milliards du coût de la dette pour une hausse d’un point des taux d’intérêt à long terme, mais outre que c’est une vision à 10 ans, il ne prend pas en compte le fait qu’un quart de ce surcoût serait récupéré, et surtout que les dix dernières années et le Japon nous montre qu’il est parfaitement possible de se désendetter par la monétisation.
56 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON