Il existe une solution à la crise : le bouclier fiscal pour les pauvres
I. Présentation du problème
Depuis 2008, les pays occidentaux sont entrés dans ce que les économistes appellent une crise. Comment décident-ils qu’il y a crise ? A partir d’un chiffre, presque magique, celui de la croissance. Pour décréter qu’il y a crise, il faut qu’il y ait récession, autrement dit une croissance négative sur deux trimestres consécutifs. Après, tout dépend de l’ampleur de la récession. Une croissance négative peut l’être d’un dixième de points ou de cinq points. Ensuite, cette tendance peut durer un semestre ou bien six ans, voire plus. Il faut bien comprendre que les chiffres sont trompeurs. Supposons une récession de dix points suivie d’une croissance annuelle d’un point pendant dix ans. Les chiffres parleront d’une économie sans crise. Mais dans les faits, ce trou de dix points mettant dix ans à être comblé, un autre problème persistera, celui de la dette. Et c’est là que le casse-tête est pratiquement insoluble avec les moyens conventionnels. Car pour résorber la dette, il faut de la croissance mais il faut aussi une réduction des dépenses publiques, ce qui réduit la croissance et donc, le mécanisme est vicié et les pays sont coincés pour un bon moment. Autant l’avouer, c’est un peu ce qui se passe actuellement. La crise se traduit également par une réduction de la production industrielle et par voie de conséquence, par un chômage important et donc un second mécanisme vicié. La masse salariale se réduisant, la croissance se réduit également et donc, c’est carrément l’enlisement, sauf si les nouveaux pays industrialisés sont capables d’absorber nos produits. Dans certains secteurs, c’est encore possible mais force est de constater que les NPI parviennent de plus en plus vers une autonomie productive. Sans être grossier, on peut dire que les pays européens sont dans la merde ! Et les Etats-Unis avec !
A l’instar de la drôle de guerre, la crise de 2010 pourrait être désignée comme une drôle de dépression. S’il n’y avait pas les chiffres du chômage, de la production industrielle et de la dette, personne ne saurait que les pays industrialisés traversent une crise économique. C’est les vacances. Les réservations sont bien remplies, les familles sont sur les routes, les automobiles circulent et les stations-service font le plein. Alors qu’en ville, les cinémas sont remplis et que les restaurants et les terrasses de cafés sont assez fréquentés, comme du reste les grandes surfaces où l’on continue à voir les chariots remplis de victuailles. Malgré ces apparences, la crise fait des ravages mais sur une portion réduite de la population. Quelques centaines de milliers de travailleurs éjectés du système se sont ajoutés aux déjà précaires. Cela devrait fait quelques huit à dix millions de personnes en substantielle difficulté. En gros, la crise a fait passer le nombre de gens en difficulté de dix à douze millions. C’est pour cette raison que la crise ne se voit pas. Deux millions de précaires en plus, c’est 3% de la population française. Enfin si, il y a des personnes qui voient les effets de la crise. Ce sont les bénévoles de la banque alimentaire et des restos du cœur ! Ainsi que les travailleurs débordés du pôle emploi. Et pour finir les médiateurs dans les dossiers de surendettement ! (Et enfin le cycliste bordelais de ce dernier dimanche qui n’a pas vu grand monde dans les magasins ouverts pour les soldes).
Cette crise est décidément crispante, du moins pour ceux qui, doué d’une âme à dimension humaine, se disent que la situation n’est pas acceptable. Oui mais que faire à part quelques mots d’indignation et pour ceux qui peuvent, un don aux associations. L’économie, l’Etat, ne peuvent-ils rien ? Il se peut qu’il n’y ait rien à faire, sauf gérer le marasme et espérer un redémarrage. Mais supposons qu’il y ait une solution. Le bon sens conduit à suggérer que si on connaît les causes de cette crise, alors on devrait trouver les solutions pour s’en sortir. Quant à la raison, elle tente d’y voir clair. S’il est possible que comprendre d’où vient cette crise, alors on peut penser que les économistes savaient l’état des finances et des comptes mondiaux et qu’ils n’ont rien fait pour prévenir cette crise. Ce qui est un délit, du moins sur le plan moral. Néanmoins, compte-tenu des activités plutôt obscures des banques, avec des comptes déguisés, des produits financiers que même les directeurs ne comprenaient pas, eh bien cette crise, même si on pouvait soupçonnait qu’elle arriverait, a surpris par son ampleur. Si certains comptes sont à découvert, c’est une comptabilité masquée qui a été découverte à l’occasion de ce trou monétaire dans les finances publiques et privées.
II. Argumentation
Supposons qu’on connaisse au moins un facteur, fondamental et généralisé, simple dans son énoncé, susceptible d’expliquer pourquoi cette crise se dessine. Eh bien on pourrait alors intervenir pour corriger la crise et redonner à l’économie un visage plus humain. Ce facteur est en vérité connu, il a pour désignation la disparité des solvabilités, autrement dit d’un côté une économie empire faite par et pour les élites et classes supérieures, de l’autre, une tierce économie de la précarité, faite par (mais pas pour) les travailleurs pauvres, les intérimaires, les marchés parallèles parfois, les sous employés et les individus aidés. C’est un phénomène connu et qui a pour nom le capitalisme anti-fordien. Du coup, la tendance est à la déflation car il n’y a pas assez de masse d’argent pour payer les produits et même, les écouler, d’où la baisse des productions industrielles.
A cause de la dette, les pays industrialisés ont décrété la rigueur, ce qui ne peut qu’accentuer le problème de solvabilité. Au Royaume-Uni, les études indiquent que le quintile le plus pauvre sera amputé de presque dix point de revenu, contre deux points pour le quintile le plus riche. Des coupes sévères seront effectuées dans les dépenses sociales, aides publiques autant que salaires publics. Au Portugal, des gens auparavant bien lotis se ruent dans les centres d’aide alimentaire alors qu’une femme de ménage est payé 15 euros la journée pour nettoyer les dix étages de cages d’escalier. Il paraîtrait que les achats de viande ont presque cessé dans un supermarché discount, au profit des saucisses, boîtes de thon et pâtes dont la consommation a doublé. Il y donc bel et bien des signes de la crise dont on peut se faire une idée en consultant la dernière livraison de Courrier international, des signes qu’on verra en Espagne, en Grèce, en Italie, en France et bien évidemment aux Etats-Unis où à Detroit, 10 000 logements vont être rasés, y compris des belles demeures dans la centre historique. Les « jetés de l’économie » s’en prennent aux dirigeants qu’ils considèrent comme des criminels, alors que l’opinion publique moyenne semble croire à une sorte de fatalité économique, ayant pris le parti de la résignation. Et le philosophe, que peut-il dire ? Eh bien qu’il n’y a pas de fatalité parce que connaissant la principale cause du marasme, il sait comment réagir. Le philosophe dit aussi que s’il y a des moyens disponibles et que les dirigeants ne les utilisent pas, alors ces élites peuvent être désignées, au moins moralement, comme une bande de criminels.
Pour être complet dans cette vue générale sur l’état de l’économie, il faut souligner l’existence des grandes masses de monnaie qui sont inemployées. La bourse a énormément chuté, avec d’autres valeurs, notamment l’immobilier. Les économistes qui aiment faire peur, comme Jacques Attali, parlent de la destruction de milliards de dollars et d’euro. C’est erroné. Lorsque la bourse chute, c’est qu’il y a vente d’action et le produit de cette vente va ailleurs. Notamment dans l’or dont le cours sur un an a augmenté de 30 points en dollars et 45 points en euro. Le métal argent a fait mieux, respectivement 33 et 48. Ne cherchez pas, l’argent n’a pas disparu. Il a simplement quitté l’économie réelle pour se placer dans des lieux où il stagne et ne sert plus le système capitaliste. Il se raconte que des centaines de milliards d’euros sont en quête de destination et cherchent des structures pour s’investir. On a pu lire aussi dans la presse que près de 400 milliards d’euros ont été prêtés par les banques à la BCE à un taux ridicule, juste pour ne pas disparaître et trouver un lieu d’accueil. La thèse des disparités de solvabilités n’en est que plus éclatante. On voit bien les deux pôles du problème. D’un côté, des gens sans argent et des biens cherchant preneurs au risque de déflation, et de l’autre côté, des masses de monnaie considérables en errance, inutilisées pour le capitalisme industriel.
III. Présentation de la solution du bouclier fiscal pour les pauvres
Et donc, la question qui tue. Y a-t-il une solution ? La réponse, c’est que oui, sans doute. Je vais utiliser le bon sens du physiocrate. Imaginons un verger privé d’arrosage. Deux solutions sont possibles. Soit faire venir des camions citernes ou bien forer profond en quête de nappe phréatique, soit user d’un stratagème pour faire pleuvoir. La seconde solution est la meilleure. Observons maintenant l’état de nos économies. Les gens ont besoin d’argent. On peut aller creuser dans les nappes phréatiques, chez les possesseurs d’or, d’argent, dans les comptes privés, les paradis fiscaux mais que tout ceci est compliqué. Il est plus simple de faire pleuvoir et de créer de la monnaie pour irriguer la tierce économie. Rien n’est plus simple que cette opération comptable que peut réaliser la BCE, ainsi que les autres banques centrales. Mais attention, cette monnaie doit aller vers les gens les plus démunis. J’avais auparavant imaginé un revenu universel. En fait, la solution la plus morale serait d’introduire un revenu fiscal, autrement dit un impôt négatif et donc progressif.
On alloue à chaque contribuable, individu, couple avec ou sans enfant, un revenu fiscal progressif en fonction du taux d’imposition de ce contribuable. Voici un exemple de ce que ça peut donner. Pour un contribuable non imposable, allouons-lui 350 à 400 euros par mois. Ensuite, progressivement, 250 à 300 euros pour la tranche imposable à 10%, puis 150 à 200 euros pour celle imposable à 20%, puis plus rien à partir de 30%, étant entendu qu’à partir de ce seuil, on n’a pas besoin de revenu fiscal.
Eh bien voilà, je crois qu’il s’agit là de la plus grande invention économique du 21ème siècle. Ce revenu fiscal fonctionne comme un authentique bouclier fiscal pour les pauvres. Un revenu fiscal s’ajoute aux plus démunis et se combine avec Rsa, l’Aah, le Smic, les petites pensions de retraite ou d’invalidité. Si le bouclier fiscal pour les riches a pour maxime, l’Etat ne peut pas prélever plus de 50% du revenu d’un contribuable, alors la maxime du bouclier fiscal, c’est que nul ne peut avoir moins de 800 euros pour vivre ! Avec ce dispositif, un smicard devrait disposer de 1500 euros pour vivre. Plus généralement, tous les membres des classes inférieures s’y retrouvent et même les classes moyennes.
Comme toutes les idées de génie, il faut les expliquer plutôt trois fois qu’une car les gens sont lents à la comprenette, surtout les spécialistes en économie. Au risque de me répéter, le financement de cette mesure ne repose que sur une opération comptable. C’est de l’argent créé ex-nihilo par la banque centrale et qui ensuite, est redistribué sous forme de bouclier fiscal par les ministères de l’économie des pays membres de la zone euro. Cette opération répond parfaitement aux besoins de l’économie. Il faut augmenter la masse monétaire. Les risques d’inflation ? Ils sont très limités. Parce que la subtilité c’est l’allocation spécifique aux plus pauvres de cette création de monnaie et que de plus, la tendance est déflationniste. C’est le moment d’y aller. Un cercle vertueux s’en suivra. La consommation va s’accroître, les industriels augmenteront leurs profits, les investissements repartiront, l’argent tombera dans les caisses de l’Etat sous forme de TVA et autres augmentations des volumes imposées, le déficit se réduira. Bref, c’est magique ! La croissance repart.
(J’ouvre cependant une parenthèse sur des détails importants mais faciles à régler. Admettons que la BCE crée un montant suffisant d’euros pour couvrir l’ensemble du bouclier fiscal dans sa zone monétaire, disons, sur une année, quelque chose comme 3 à 4 points de PIB ; l’euro risque de baisser, d’où une tension inflationniste à l’importation mais des exportations plus aisées. Cet effet pourrait être compensé si au même moment, les Etats-Unis et le Japon créent aussi une masse monétaire pour leur propre bouclier fiscal. Laissons ces détails en suspens, ils sont largement solutionnables)
IV. Le fin mot de cette affaire
Revenons sur terre, il n’y a rien de magique mais tout de la rationalité économique appliquée à une morale politique. Le citoyen lambda se demandera comment est-ce possible et pourquoi cela n’a pas été fait. En fait, le capitalisme est parvenu à un stade combinant la technique, la productivité, l’ouverture, la globalisation, qui offre deux voies pour son développement. Soit au profit de l’hyper-finance avec les crises qu’on connaît, celles de 1993, de 2001 et la plus puissante, celle de 2010. Soit de manière équitable en redonnant au capitalisme classique les moyens de son développement fordien qui, avec les moyens actuels, peut améliorer la vie de tas de gens. Bref, le capitalisme financiarisé est arrivé à un stade de réversion permettant d’utiliser le mécanisme de rééquilibrage que je viens de proposer.
Dernier coup de gong pour réveiller les consciences. Le problème, la solvabilité des gens, la solution, solvabiliser avec le bouclier fiscal pour les plus démunis. L’instrument, la BCE, la mesure phare, créer la monnaie. Principe de Gabor, tout ce qui est techniquement possible sera réalisé. Oui mais si le désir humain, ou la volonté, s’y colle. Si les gens n’ont pas le désir d’avancer ensemble, de partager l’existence et ses moyens, alors, rien ne se fera… Sans passion. Principe de Hegel. L’idée fondamentale est donc d’opposer deux capitalismes, l’un fordien et l’autre anti-fordien. En 2010, le second a triomphé. Rappelons le principe de Ford, payer les ouvriers pour qu’ils achètent les produits qu’ils fabriquent. Mais comme la productivité a augmenté, il n’y a plus assez d’ouvriers pour acheter les produits alors, il faut que les instances monétaires et fiscales augmentent le revenu des gens pour inventer le capitalisme post-fordien qui résoudra temporairement la crise.
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