Innovation-Entreprises : quand l’adaptation du droit devient urgente
PME Innovantes et coup d’accordéon : Une protection juridique des entrepreneurs et business angels à mettre en place pour éviter les dévoiements de certaines lois non adaptées aux nouvelles problématiques de ce secteur.
Le droit commence à s’adapter aux problématiques économiques des PME innovantes
Le développement des PME innovantes, et notamment des Jeunes Entreprises Innovantes (JEI), est un des axes majeurs d’épanouissement de l’économie française en terme de création de points de croissance et d’emplois. Diverses lois nouvelles (statut JEI, crédit impôts recherche CIR) ont permis de prendre en compte les nouveaux modèles économiques de ces sociétés innovantes, qui bien souvent valorisant de nouvelles technologies ou de nouveaux produits issus des avancées de la Recherche, requièrent de plus ou moins importants besoins en capitaux lors des premières années avant d’atteindre l’équilibre et dégager des profits.
Afin de favoriser le développement et la compétitivité de ce pan du secteur économique, l’Etat s’est adapté aux nouvelles problématiques et certaines lois nouvelles ont vu le jour allant dans le bon sens.
A titre d’exemple, le statut de JEI a permis à ces sociétés d’avoir certains avantages fiscaux (exonération d’impôts sur les sociétés, de la taxe professionnelle...) mais aussi des allègements utiles de charges sociales patronales afin de prendre en compte le fait que ces sociétés font bien souvent des pertes les premières années car elles doivent investir beaucoup et recruter avant de commercialiser leurs produits et devenir profitable.
Ces sociétés présentent alors souvent de forts besoins en financement (capitaux entre autres), notamment dans les domaines high tech et biotech, et font donc appel à différents types d’investisseurs selon les phases de développement : En amorçage, les fonds régionaux de capital-risque et business angels ; Puis lors des levées de fonds suivantes aux fonds d’investissements en capital-risque (Venture Capital : VC).
A titre d’exemple une fois encore, en plus de la création de différents fonds d’amorçage régionaux, un nouveau statut concernant les business angels a vu le jour permettant aux business angels de se regrouper afin de pouvoir bénéficier de divers avantages fiscaux mais aussi de garanties et de financements, incitant alors les business angels à investir dans ces sociétés innovantes et à aider de manière utile et efficace à leur développement.
Le coup d’accordéon dans les PME innovantes
Pour financer leur développement et leur besoin en financement, les sociétés innovantes se tournent ensuite vers les fonds de capital-risque afin de réaliser une ou plusieurs levées de fonds en leur soumettant une proposition de valeur et un business plan précis permettant de créer de la valeur pour leurs actionnaires.
Quand les fonds de capital-risque entrent au capital de ces sociétés, c’est parce que ces sociétés ont de forts besoins en financement mais aussi que les potentiels de développement et de valorisation sont très importants, laissant escompter un fort taux de retour sur investissement à moyen/long terme (4-8 ans en moyenne). Au niveau de l’exploitation, ces sociétés vont alors générer des pertes pendant plusieurs années telles qu’elles sont prévues dans les business plans et tableaux prévisionnels.
Dans une société dite « classique » au modèle économique dit lui-même classique, il peut parfois être alors plus que nécessaire de résorber les pertes accumulées afin d’aider à la recapitalisation de la société pour sauvegarder son intérêt social, en réalisant une réduction du capital à zéro par annulation de toutes les actions existantes puis de procéder à une réaugmentation du capital, c’est le fameux « coup d’accordéon ». C’est le cas typique de sociétés en très mauvaise santé, qui ont besoin pour être sauvées et protéger les salariés, de passer par une telle étape, tout en tentant de respecter les droits des différentes catégories d’actionnaires, que ce soit majoritaires et minoritaires, notamment le droit préférentiel de souscription, sauf cas particuliers.
Mais dans le secteur de l’innovation, le contexte est totalement différent car les modèles économiques sont différents et agréés par les actionnaires. D’ailleurs, les lois telles que le statut de JEI, le CIR, le regroupement de business angels, vont dans ce sens et reconnaissent les particularités de ce secteur, que sont les besoins en financements et les pertes comptables générées pendant quelques années. Suite à une levée de fonds au près des fonds de capital-risque, les PME innovantes peuvent alors se développer, recruter activement de nouveaux salariés, lancer les projets/produits/services dans des phases plus coûteuses, accroître leur surface, recruter des top-managers, générant ainsi de manière paradoxale dans ce secteur de l’innovation à la fois des pertes mais aussi de la valeur et de réels produits issus des phases de R&D.
Les risques d’abus et de dévoiements de telles pratiques
Alors que ces pertes sont prévues et notamment par les actionnaires bien souvent majoritaires, que sont devenus les fonds de capital-risque et représentés majoritairement au conseil d’administration qu’ils contrôlent, et qu’il est prévu de réaliser par la suite une nouvelle augmentation de capital issue d’une levée de fonds programmée, les pertes cumulées ayant permis de développer la société et de créer de la valeur peuvent également être résorbées par une réduction du capital social à zéro, suivie d’une réaugmentation du capital orchestrée et réalisée par les actionnaires majoritaires, alors que le véritable intérêt social de la société n’est pas en jeu.
Les actionnaires majoritaires, à savoir les fonds de capital-risque peuvent alors décider de réaliser une telle opération de coup d’accordéon expropriant les actionnaires minoritaires que sont généralement devenus les entrepreneurs et les business angels, voire les fonds d’amorçage, acteurs qui ont fortement contribué à la création et au développement de ces sociétés, et laissant alors 100% du contrôle de ces sociétés aux fonds de capital-risque.
Malheureusement, même si de telles pratiques ne sont pas la généralité dans le monde du capital-risque, elles peuvent arriver ou être utilisées comme moyen de négociation/pression à l’aube d’un nouveau tour d’investissements.
La nécessaire adaptation du droit aux problématiques nouvelles
Le droit régissant la réduction du capital social à zéro n’est pas adaptée aux nouvelles problématiques des entreprises innovantes et à leurs modèles économiques, laissant alors la place à des abus et dévoiements allant totalement à l’encontre du développement de ce secteur. Ce manque d’adaptation nécessaire du droit nuit aux différents acteurs du secteur que sont les entrepreneurs et les business angels, voire les fonds d’amorçage et salariés, et constitue un dysfonctionnement et un frein au développement compétitif de ce secteur.
Afin de continuer à favoriser la vocation d’entrepreneur, à inciter les business angels et les fonds d’amorçage à investir dans ces PME innovantes, voire à favoriser le recrutement et la motivation de collaborateurs et d’empêcher les abus, un statut ou dispositif de protection juridico-économique des actionnaires minoritaires de PME innovantes doit voir le jour.
Nous pouvons imaginer de définir des règles supplémentaires pour protéger les droits de ces actionnaires minoritaires ou de redéfinir le cadre légal de la réduction du capital social à zéro pour les PME innovantes. Voici quelques pistes de réflexion :
- Le critère comptable, à savoir les pertes, ne peut être un critère suffisant pour légitimer une réduction du capital à zéro
- Le critère création d’emplois sur les 24 derniers mois doit être pris en compte
- Le critère création de valeur par rapport à la dernière levée de fonds (valorisation par expert financier indépendant) aussi
- Le critère respect des business plans tels que signés lors du contrat d’investissement, à savoir projections financières et développement d’actifs
- Les (ou le) actionnaires majoritaires décidant d’un tel coup d’accordéon ne devraient pas pouvoir resouscrire au capital (nouveaux fonds) ne légitimant pas ainsi un abus de majoritaire dans ces sociétés
- ...
Pour conclure, il apparaît clairement qu’en matière de droit économique, le droit doit de plus en plus s’adapter à l’économie et à ses nouvelles problématiques, comme l’économie s’adapte au droit, permettant d’éviter les abus et dévoiements de lois non adaptées, et ainsi inciter les différents acteurs des PME innovantes à contribuer à leur développement (entrepreneurs, business angels, fonds d’amorçages, salariés...).
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