Interprétation hérétique de la crise financière de 2008
1929 n’aura pas lieu en 2009 ! Mais que se passe-t-il au juste ? Comme je n’ai aucune raison de faire confiance aux économistes, aux médias, aux experts et encore moins aux politiques, je livre le fond de ma modeste pensée, forcément incomplète, sur cette crise financière qui s’insère sur un fond de ralentissement économique.
Notre président évoque un nouveau Bretton Woods. Oui, certes, mais n’oublions pas que ces négociations ont abouti après la guerre de 39. Faudra-t-il attendre une explosion pour revoir le système monétaire ? Et puis, pour causer sérieusement, ce serait quoi un nouveau Bretton Woods pour M. Sarkozy ? Si c’est réglementer le système des banques, c’est de l’ordinaire, déjà dans les textes. Si c’est revoir le système des banques centrales et l’irrigation du système par la monnaie, c’est autre chose. Je crains que notre président ne lance à la légère quelques slogans en les enjolivant par quelques faits majeurs de notre histoire. Après Blum, Jaurès et Grenelle, voilà Bretton Woods. Oui, c’est sympa comme idée, mais pour montrer ses bonnes intentions, il faudrait d’abord perforer le bouclier fiscal et faire passer à la caisse ceux qui sont pour une bonne part responsables de la situation. Les idées lancées par Sarkozy sont bien souvent associées à des symboles dépouillés de la matière permettant de les réaliser. Des symboles pour calmer les gens, comme d’autres symboles sont utilisés pour exciter les mêmes gens. On brandit Jaurès, les caisses sont vides pour insérer les pauvres.
Cette crise financière ne serait-elle pas plutôt le signe d’un dysfonctionnement du système au lieu d’en être la cause ? Depuis toujours, le système productif se transforme, avec l’appui du capital. Mais depuis vingt-cinq ans, un capitalisme de siphonage, c’est ainsi que je l’appelle, s’est greffé sur le système. Le siphonage de l’économie réduit la solvabilité des ménages. L’Etat n’est pas exempt de responsabilité, soignant les hauts revenus publics. Et régulièrement, des bulles se forment et se crèvent puis le système se remet en route et les inégalités se creusent avec les profits augmentant. Les Etats, notamment la France avec son modèle social, mènent une politique interventionniste. Mais cette fois, en 2008, la relance n’est plus possible. Bref, on assiste à une crise classique et récurrente que Marx avait anticipé, mais en se trompant sur l’issue finale. Le profit veut aller trop vite, le moteur casse, cette fois, les contribuables vont copieusement passer à la caisse, les chômeurs payer la casse, et le moteur va repartir, sans qu’on n’ait analysé les raisons de ce choc. Qui sont assez simples du reste. Le capitalisme fordien des Trente Glorieuses et du « American Way » des sixties a fait place à un capitalisme anti-fordien. Accentué du reste par une frénésie consumériste débridée, surtout aux Etats-Unis. Les banques distribuent des crédits, titrisent les créances, se refilent les joujoux financiers… on connaît la suite.
L’un des facteurs ayant engendré la crise actuelle, ce sont les liquidités copieusement injectées par Alan Greenspan, directeur de la Fed, et ce depuis 2001 (voir A. Pettifor, Opendemocracy, traduit dans le dernier CI). On se souvient de l’effet WTC, de la chute artificielle et émotionnelle de la bourse, avec la baisse des taux d’intérêt comme emplâtre psychique destiné à redorer la confiance. La crise vient essentiellement des Etats-Unis, qui ont produit une croissance à crédit basée notamment sur une consommation elle aussi à crédit et une dette colossale due en plus aux dépenses militaires. Si bien que les Etats-Unis fonctionnent aussi comme une entreprise financière ; la plus grande au monde, capable avec son dollar encore hégémonique de pratiquer le siphonage ; les économistes sérieux affirmant que les States vivent au-dessus de leurs moyens, sur le dos de l’économie mondiale. La propagation de la crise financière est due à l’interconnexion du système bancaire. En fait, il s’est produit un surdosage. Les junkies de la finance, accrochés aux junk bonds, aux subprimes, aux produits titrisés et autres spéculations, se sont shootés avec ces liquidités. D’où overdose et cure de désintoxication par le Dr Paulson. Une cure financée par les contribuables américains pour l’essentiel (sous réserve que le Congrès change d’avis).
Les contribuables paient. Ils devront travailler et consommer moins pour sauver le système et les emplois des banquiers qui se sont bien servis ces dernières années. En plus, la guerre aggrave le déficit américain et donc les finances et, au final, la super puissance se fragilise et un autre monde se dessine. Mais, s’il en est ainsi, c’est que la monnaie déployée par les banques centrales n’irrigue pas l’économie réelle comme elle le devrait. Les spéculateurs fonctionnent pour une bonne part sur ces liquidités faciles. Et voilà la faille majeure de tous les systèmes. Une faille qu’aucun économiste n’a pu ou voulu traiter comme il se doit. En Europe, la récession est aussi présente. Les officiels la font reposer sur les Américains, mais c’est erroné. La crise des solvabilités est due, entre autres facteurs, à la spéculation sur l’immobilier qui a englouti depuis des années des sommes faramineuses, en Espagne, en GB, en France. Il n’y a pas les excès des subprimes américaines, mais il y a les tares endémiques d’un système économique basé sur le siphonage excessif. Les mesures contre les parachutes dorés ne sont que d’ordre symbolique et émotionnel. Il faut moraliser dit le président. Ces parachutes, ce ne sont que des excroissances remarquables et visibles d’un système vérolé dans ses fondements dont les profits sont partagés, directement ou non, pas plus de gens qu’on ne le pense. Ces parachutes, des pailles eu égard aux sommes injectées dans la finance. Légiférer ces parachutes ne changera pas le système, mais calmera l’opinion publique un instant.
Une image pour visualiser cette crise. Celle d’une cordée d’alpinistes. Le premier de cordée représente le monde de la finance avec ses perspectives de profits, le reste de la cordée représente l’économie réelle. Les financiers ont joué en montant trop haut, l’économie ne suit pas et le premier de cordée dévisse, entraîné par la stagnation de l’économie réelle. C’est alors l’Etat qui récupère les risques de chute, de faillite, de domino. Mais rien de magique. L’Etat nationalise et le contribuable (qui est un travailleur réel payant des impôts réels) assure les appuis. Pour le dire autrement, la finance joue à la hausse la croissance, mais son jeu est limité par les contraintes de l’économie réelle et quand l’écart entre le retour sur placement parié et la possibilité réelle de retour est trop accentué, un décrochage se produit. Le haut de la cordée doit redescendre et attendre que l’économie travaille. On appelle cela crever la bulle ou bien apurer le système.
En gros, voilà comment je vois les choses. Un ralentissement de l’économie était amorcé dès 2006. A cette époque, la frénésie des capitalistes de casino n’a pas cessé, sur fond d’ivresse immobilière. Un exemple, en 2006, Natixis : deux banques populaires s’entendent pour faire des affaires. Verdict du 29 septembre 2008 : l’action est passée de 20 euros à 1,80 euro. Le ralentissement en Europe est dû notamment au trou noir de la bulle immobilière. Le chômage est en hausse depuis 2005. Il semble avoir baissé, mais les chiffres officieux des syndicats indiquent une stabilisation. Ce chiffre n’a plus une signification certaine tant il est manipulé. Ce qui compte c’est le taux d’emploi, chiffre qui traduit la réalité en prenant en compte tous les travailleurs intérimaires, occasionnels, à temps partiel, et qui la plupart subissent cette situation. Nous voilà donc dans une dynamique de ralentissement récession qui a commencé vers 2006 et se terminera quand le système sera apuré, entraînant la confiance. Cela peut prendre un an comme trois ou quatre ans. Quant aux autres zones économiques, Chine, Russie, Brésil, etc., la crise entraînera certainement un ralentissement, mais même la Chine perdait quatre points de croissance, cela situerait quand même à sept point, au-dessus de nos Trente Glorieuses.
Il n’y aura pas de dépression comme en 1929 et l’économie va traverser cette passe sans trop de casse, excepté ceux que le travail laisse sur le rancart de la vie décente, qu’ils soient travailleurs précaires, classiques ou en RSA, ou chômeurs ou au RMI. Le plus regrettable, c’est que l’analyse de cette crise ne débouche pas sur des vérités susceptibles de débattre sur le concept de société et d’aboutir vers un monde plus équitable. Il faut entendre François Hollande utiliser cette crise pour attaquer bêtement Sarkozy sans réfléchir plus loin qu’un neurone de blonde. A se demander si un PS définitivement mort ne serait pas le seul salut de la gauche. Que se passe-t-il en réalité ? La finance veut trop de profit. Pour parvenir à ses fins, il faut que le coût du travail baisse (ou que la productivité augmente suffisamment, ce qui n’est pas possible pour réaliser les profits voulus par cette caste de la finance). Eh bien, elle y a réussi. Des formidables profits ont été réalisés avant 2007 et ceux à venir sont perdus, mais le contribuable va payer. Le travailleur va alors payer plus d’impôts pour servir le système du profit. Par le canal étatique. Le travailleur aura alors moins sur la fiche de paye. Et le tour est joué. Le coût du travail a baissé, non pas dans une entreprise ou un secteur, mais d’une manière mutualisée. Ils sont forts ces magiciens aux commandes des Etats ploutocratiques d’Amérique. Des Etats unis pour faire baisser le coût du travail !
The show must go on ! Cette crise, c’était une occasion pour réfléchir sur les excès du système que j’appelle capitalisme de siphonage ici, et ailleurs, national-capitalisme ; et inventer un autre pacte économique (du concret, pas du Bretton Woods de chez Guaino !) Mais tout va rentrer dans l’ordre. Vous pouvez reprendre votre sommeil ordinaire (D’ailleurs, le citoyen ordinaire se complaît dans un état d’incompétence politique, pour preuve, la Sécu qui sombre, par la faute des professionnels et des usagers, unis dans une même gabegie et la bénédiction des mutuelles qui font du profit). Un jour, après le grand krach de notre ère contemporaine, après le pétrole, pourrait venir un capitalisme de civilisation. Si nous le voulons.
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