L’arnaque du démantèlement nucléaire
Le démantèlement d'un réacteur nucléaire est supposé restituer un sol d'herbe verte : toute trace de nucléaire et de radiations ayant disparu. Deux graves problèmes se posent à savoir, d'une part le coût et la durée de la déconstruction et de la purification du site, et d'autre part le devenir des matériaux contaminés et radioactifs venant se rajouter aux traitements des déchets nucléaires produits pendant le fonctionnement du réacteur. Les montants élevés et discordants pour les coûts de démantèlement sont des profits en perspectives pour les entreprises spécialisées, (Les coûts pour la centrale de Brennilis sont déjà de l'ordre de 50 fois ceux du devis initial ! Ils tendent vers un milliard d'euros). Autre arnaque intellectuelle, le démantèlement ne fait que déplacer des déchets contaminés et radio-actifs : la radioactivité ne diminue qu'à son rythme naturel propre, et souvent ce rythme s'exprime en siècles ou millénaires. Et personne ne veut des déchets dans sa commune ou dans son voisinage. Alors que faire ?
Un réacteur nucléaire est dangereux pendant son fonctionnement et tant que son coeur et la piscine de refroidissement/stockage des combustibles usagés sont pleins de combustibles radioactifs : une explosion du coeur ou de la piscine serait catastrophique comme à Tchernobyl (dans une moindre mesure à Fukushima). En absence de combustibles nucléaires les abords du réacteur et de la centrale ne sont pas dangereux : même en fonctionnement des militants de GreenPeace sont montés sur l'enveloppe en béton d'un réacteur contenant son combustible. Le personnel de pilotage et d'entretien chemine normalement sur le site de la centrale, sauf à l'intérieur de zones hautement radioactives près du coeur et de la piscine !
A fortiori, une centrale débarrassée de ses éléments de combustibles ne serait plus un risque pour les populations avoisinantes. EdF avait envisagé pour Brennilis, de laisser au repos la cuve du réacteur une fois débarrassée de son combustible et de l'eau lourde, et ce, pendant une cinquantaine d'années avant de tenter son éventuel démantèlement. Pendant ce temps la radioactivité de la cuve contaminée décroît. Si les Élus et les Autorités administratives ont exigé un "retour à l'herbe" sur toute la superficie concernée, plus de 20 ans après la fermeture, la cuve et le coeur vides ne sont pas encore démantelés ! Les premières opérations de déconstruction (démolition des bâtiments annexes à la tronçonneuse et au marteau-piqueur, sciage ou découpe au chalumeau des élément métalliques) s'accompagnent de dispersion de poussières et déchets radioactifs sur le site et sur le cheminement des transports : tout cela à décontaminer ultérieurement ainsi que de tous les matériels et équipements utilisés. Les sols contaminés devront être enlevés sur une profondeur importante pour être déposés sur d'autres sols, ailleurs ! Les éléments fortement contaminés (cuve, circuit primaire, pompes, échangeurs sont trop radioactifs pour être recyclés dans des aciéries. Il faudra les stocker après leur tronçonnage, dans un lieu qui ne s'appellera pas "centrale nucléaire" et qui devra être géré et surveillé. Il faudra reconstituer les sols de la centrale par des apports de terres en provenance d'autres lieux.
Que va-t-on gagner par ces déplacements de matériaux contaminés radioactifs : Plusieurs dizaines d'hectares de terres à vocation agricole, qui ne seront jamais décontaminées à 100% et dont l'usage en agriculture ou en zone d'activité commerciale ou industrielle n'est pas une certitude ! La valeur "agricole" de ces terres récupérées sur le site est de l'ordre de quelques centaines de milliers d'euros, tout au plus, à comparer avec le coût du "retour à l'herbe" : environ un milliard d'euros ! L'investissement en démantèlement total est donc un énorme gaspillage de ressources qui seraient mieux utilisées dans des installations de production d'éoliennes et/ou de panneaux solaires.
Il est utile d'analyser un autre démantèlement en cours, celui du réacteur "CHOOZ-A" de faible puissance (300 MWe) sous la maîtrise d'EDF, réacteur dont les constituants potentiellement dangereux, la cuve du coeur et ses 4 générateurs de vapeur d'une part, et sa piscine de désactivation d'autre part, sont installés dans deux cavités souterraines à 150 mètres de profondeur. Avec le même état d'esprit du "retour à l'herbe" les opérations en cours ou prévues sont les suivantes : arrêt en 1991 ; puis en 2001, après une phase de repos permettant une baisse de la radioactivité, lancement du démantèlement des annexes après la vidange de la cuve et des générateurs de vapeur (les barres de combustibles usagées déposées dans la piscine ayant été dirigées vers l'usine de retraitement de la Hague, après la période obligatoire de désactivation, environ deux à quatre ans), la radioactivité globale étant alors réduite de plus de 99%. L'eau du circuit primaire est stockée dans la piscine pour plus de 20 ans avant d'envisager une décontamination de l'eau par le tritium radioactif. 10300 tonnes de déchets faiblement radioactifs à vie courte ont ainsi été envoyés vers un centre de stockage transitoire. En 2010 EdF lance le démantèlement des générateurs de vapeur, de la cuve et du circuit primaire, organes fortement radioactifs, avec des radionucléides à vie longue. L'opération globale est prévue jusqu'en 2025 ! Cette déconstruction, fort dangereuse va générer plus de 1000 tonnes de "super déchets" (cuve du réacteur et ses annexes, pompes et tuyauteries, générateurs de vapeur) dont on ne sait que faire : entreposage intermédiaire, enfouissement en grande profondeur (théoriquement interdit dans les sites en cours d'étude). Les coûts restent secrets ! Après 2025, les deux cavités souterraines ne seront toujours pas visitables en tant que témoins de la volonté de puissance industrielle des hommes ! Ces cavités auraient pu et dû servir de stockage de déchets issus de la déconstruction.
Avec une dose de bon sens et "deux neurones pour réfléchir" il est souhaitable de considérer l'énergie nucléaire, de sa mise en oeuvre à son possible abandon, de façon sereine, sans prendre l'Allemagne comme exemple à suivre. D'abord, l'Allemagne n'a pas abandonné l'énergie nucléaire : elle n'a arrêté, sur un coup de tête politique que 8 réacteurs sur 17, les autres ne seront arrêtés qu'en fin de durée de vie. Elle a effectivement démantelé un neuvième réacteur, sans la moindre difficulté de traitement des déchets radioactifs car ce réacteur n'avait pas encore démarré, donc n'était pas chargé en combustible radioactif ! Les réacteurs arrêtés sont inscrits dans un programme de démantèlement sans que les coûts et le devenir des matériaux contaminés soient maîtrisés.
Le parc nucléaire français en service ou déjà arrêté.
En ce qui concerne la France, le devenir des réacteurs nucléaires ne se limite pas aux centrales d'EdF, à ses deux réacteurs arrêtés en cours de démantèlement (Brennilis et Chooz-A) et à ses 58 réacteurs en service dans 19 sites. Car 9 réacteurs EdF de la génération graphite/gaz sont à l'arrêt, depuis plusieurs décennies, sur des sites, en service, équipés de réacteurs classiques à eau pressurisée ; et en outre, une bonne trentaine de réacteurs de recherche scientifique sont à l'arrêt (puissances entre quelques W et 190 MW). En plus de ce beau monde il y a les deux réacteurs à neutrons rapides (Phénix et Superphénix) et déjà 6 réacteurs de sous-marins nucléaires retirés du service (pour 10 encore en service actif et les deux réacteurs du Charles-de-Gaulle). En ajoutant les réacteurs de recherche scientifique en service et en construction, c'est déjà environ 120 réacteurs nucléaires de différentes tailles et générateurs de déchets radioactifs qui devront être "traités" au cours de ce siècle. Si le nettoyage intégral des sites urbains de recherche scientifique équipés de réacteurs de faible puissance, est plus que souhaitable, (et a été réalisé pour les microréacteurs de quelques dizaine de Watts), l'option "retour à l'herbe" est démagogique dans la majorité des cas des réacteurs de forte puissance.
Le véritable problème est le traitement des déchets radioactifs.
Les craintes justifiées émises avec force par des humains sont dues aux radiations invisibles émises par les matériaux radioactifs. Elles provoquent des maladies (cancers...), détruisent des cellules vivantes dans la nature et cassent leur ADN. Pour s'en prémunir il faut éviter de s'exposer aux radiations nucléaires : elles baissent en intensité en fonction du temps suite à leur désintégration naturelle intrinsèque, en fonction de la distance à la source et en fonction des matériaux que les radiations doivent traverser (bouclier de protection) avant d'atteindre des cellules vivantes. La concentration initiale et la masse concernée de matériaux radioactifs de la source sont de la plus haute importance.
Le traitement idéal des déchets radioactifs serait la transmutation en des éléments neutres, suite à des bombardements radioactifs, dans des réacteurs spécifiques. Pour l'instant seul le plutonium Pu239 retiré des épingles de combustibles usagés est extrait pour alimenter du nouveau combustible, soit dans le Mox, en faible quantité dans les réacteurs classiques à eau pressurisée, soit en forte concentration dans les surgénérateurs (Phénix, Superphénix, aujourd'hui à l'arrêt). Les autre déchets fortement radioactifs sont dangereux (ils sont parfois utilisés dans de petites unités de stérilisation ou médicales) et ne font pas l'objet de programme de recherche pour leur destruction par pressurisée. Actuellement les déchets dangereux et fortement radioactifs issus du retraitement des combustibles dans l'usine de La Hague, sont d'abord stockés dans l'enceinte de l'usine puis soit expédiés dans leur pays d'origine (avec d'énormes difficultés organisées par les groupes d'action antinucléaires) soit stockés sur le sol français pour ceux d'EdF. Le "stockage" dans les fosses océaniques est heureusement interdit, le stockage dans des anciennes mines de sel en Allemagne est déjà défectueux et devrait être abandonné et le stockage français dans des couches d'argile stables à grande profondeur est au minimum controversé. Les principaux éléments radioactifs des déchets sont le Strontium 90 et le Césium 137 dont les périodes de désintégration naturelle de la moitié de leur masse est de 29 et 30 ans, c'est-à-dire qu'ils perdent 90% de leur radioactivité en un peu moins d'un siècle, 99% en deux siècles, 99,9% en trois siècles,.... 99,99999999% en un millénaire ! Le temps de stockage étanche reste donc le facteur unique de décontamination radioactive.
Le stockage sur le site des centrales et dans une enceinte de confinement étanche et résistant aux diverses agressions extérieures est une solution sérieuse, pratique et relativement peu onéreuse.
L'enceinte de confinement de chaque réacteur contient le coeur et le circuit primaire avec les pompes, les échangeurs, ainsi qu'une piscine de désactivation et de chargement:déchargement des éléments combustibles. Une fois les éléments combustibles enlevés et dirigés vers l'unité de retraitement, et l'eau de la piscine évacuée et stockée dans un bassin confiné étanche en vue d'un traitement ultérieur, il est souhaitable de remplir l'enceinte de confinement avec d'autres déchets de la centrale (en plus de la cuve du coeur et du circuit primaire). Ensuite les vides sont remplis de sable sec ou de ciment fluide peu chargé en ciment (meilleur transfert thermique). Les matériaux contaminés ainsi stockés ne sont pas dans l'immédiat (à quelques siècles près) apte à un recyclage. L'épaisseur (1 à 2 m) de l'enceinte de confinement en béton existante ne pouvant résister à des impacts d'avion de ligne ou de missiles explosifs il y a lieu d'envelopper l'enceinte par une forte couche de béton, "un sarcophage" d'au moins 5 m d'épaisseur (et même 10 m s'il le faut !). D'où un total de 20 à 50 000 m3 de béton, faiblement armé et d'un coût nettement inférieur à 1000 €/m3, soit un total de 20 à 50 M€.
Les sites actuels des centrales existantes contiennent 2, 4 ou 6 réacteurs en service. Le programme de désengagement progressif devrait remplacer 2 réacteurs par un EPR. Les sites ont une grande superficie et peuvent accueillir les nouveaux réacteurs EPR d'une durée de vie de l'ordre de 50 ans. Ainsi les anciens réacteurs (sous contrôle de la centrale) confinés sans leur combustible dans des sarcophages constitueraient pour l'avenir des "pyramides" des temps modernes : dans quelques millénaires la radioactivité aura quasiment disparu.
Cette solution est quasiment applicable sur tous les sites, avec une interrogation pour Fesseinhem et Blayais, sites potentiellement inondables. Elle ne requiert pas d'enquêtes d'utilité publique et ne transporte pas des déchets radioactifs par les réseaux de transports (route, voie ferrée, fluvial ou maritime). Ses coûts faibles, par rapport à la solution démantèlement type "retour à l'herbe", permettront de financer les énergies douces de substitution.
L'innovation et le progrès ne sont pas incompatibles avec le bon sens !
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