L’euro, facteur de croissance ou de récession ?
Les résultats du 4ème trimestre viennent de confirmer une dure réalité : la crise est plus sévère en Europe qu’aux Etats-Unis puisque le PIB a reculé de 1% outre-Atlantique contre une baisse de 1,5% dans la zone euro comme en Grande-Bretagne. Un paradoxe qui doit amener à se poser des questions sur l’euro.
Une zone euro asphyxiée économiquement
Lors du débat sur le traité de Maastricht, ses partisans promettaient un futur économique radieux. Aujourd’hui, ils affirment que l’euro nous protège. Pourtant, alors que la crise est partie des Etats-Unis, que le taux de chômage y a déjà progressé de 3 points, que des millions de ménages ont été expulsés, la récession y est moins forte qu’en Europe. En 2008, le PIB Américain a cru de 1,2% contre 0,8% en zone euro. L’Europe est entrée en récession un trimestre avant et 2009 s’y annonce encore plus mauvais.
Pire, l’examen de l’évolution du PIB est encore plus cruel pour l’Europe en montrant une asphyxie économique progressive. Alors que la croissance était de 2,4% dans les années 80 en France et en Italie et de 2,3% en Allemagne, elle est passée à respectivement à 2%, 1,6% et 2,1% dans les années 90 puis à seulement 1,3%, 0,5% et 0,8% dans les années 2000. Dans le même temps, le Royaume-Uni, en retard dans les années 70, affiche une croissance de 2,7%, 2,5% et 1,8% sur les trois dernières décennies.
Les chiffres qui sont tombés pour le 4ème trimestre sont désastreux pour la zone euro. Alors que le PIB Américain a reculé de 3,8% en rythme annuel, il a baissé de 4,8% en France, de 6% au Royaume Uni, de 7,2% en Italie et de 8,4% en Allemagne. La situation de l’Espagne et de l’Irlande, les anciens champions de la croissance européenne, est encore plus mauvaise avec une baisse du PIB Irlandais qui pourrait atteindre 5% sur 2009 avec un déficit budgétaire de 10%.
Une monnaie unique pour une zone qui ne l’est pas
Malheureusement, on peut se demander aujourd’hui si l’euro, loin de nous protéger, n’est pas un handicap pour les économies européennes. En effet, le problème de la zone euro est son hétérogénéité. Dans les années 2000, la majeure partie (Allemagne, France, Italie), avait une croissance et une inflation faibles qui demandaient une politique monétaire accommodante. De l’autre, des pays comme l’Espagne ou l’Irlande, en forte croissance et avec une inflation supérieure, avaient besoin d’une politique monétaire plus restrictive pour éviter la formation de bulles, immobilières notamment.
Résultat, la politique monétaire de la BCE a été une cote mal taillée, une politique trop accommodante pour les pays en forte expansion et trop restrictive pour les pays qui restaient dans une croissance molle. Pire, cette inadéquation a renforcé les écarts entre les pays puisque la politique de la BCE a alors renforcé l’expansion espagnole et irlandaise tout en maintenant l’Allemagne, la France et l’Italie dans cette croissance molle. La même politique était à la fois trop restrictive pour certains et trop laxiste pour d’autres.
Et aujourd’hui, le bilan est encore plus mauvais puisque l’on constate que la croissance de l’Espagne et de l’Irlande était artificiellement soutenue par des taux d’intérêts trop faibles. Résultat, ces pays se réveillent avec une terrible gueule de bois, un effondrement économique qui fait s’envoler le chômage (déjà 14% en Espagne !) alors que les pays qui ont subi une croissance molle pendant les années 2000 souffrent davantage que les Etats-Unis dans cette crise. Tout le monde semble perdre avec l’euro.
Pourquoi l’euro est un facteur de récession
Pire, le principal bénéfice de l’euro, la réduction des écarts de taux, a été annihilé par la crise puisque la Grèce emprunte 2,4 points plus cher que l’Allemagne. En outre, la BCE ne peut pas racheter des emprunts d’Etat pour baisser leur taux, contrairement à ce que font la Fed ou la Banque d’Angleterre. Encore pire, la rigidité induite par la monnaie unique pousse à un nivellement par le bas des salaires (ce que fait l’Allemagne depuis 10 ans) et de la fiscalité, qui a un profond effet dépressif sur les pays les plus riches.
Enfin, le biais globalement restrictif de la BCE provoque une surévaluation de l’euro dévastatrice pour les entreprises exportatrices, ce qui explique que l’Europe soit entrée en récession un trimestre avant les Etats-Unis l’an dernier. Michel Aglietta a calculé que la parité normale de l’euro est 1,07 dollars. Même sous les 1,3 dollars aujourd’hui, l’euro est encore surévalué de 20%, ce qui explique le choix d’Airbus de confier une partie du fuselage de l’A350 à un fournisseur Américain pour l’assembler... en Europe !
La zone euro n’est pas une zone géographique adaptée au partage d’une même monnaie. De nombreux économistes le soutiennent. Résultat, la politique de la BCE asphyxie les uns (France, Allemagne, Italie) et dope artificiellement les autres (Espagne, Irlande) avant un très dur réveil...
12 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON