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Accueil du site > Actualités > Economie > L’hyperpuissance a des courbatures

L’hyperpuissance a des courbatures

On nous annonce la première faillite d’un prêteur hypothécaire américain. Il est mis en faillite sans tentative de sauvetage parce qu’il est couvert par l’institution fédérale garantissant les dépôts bancaires, la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC). Le contribuable américain va payer les folies de son système financier, et cette fois on ne cherche pas à le lui dissimuler.

Dans le Washington Post du 11 juillet, on nous informait de la tenue d’une réunion de la Commission des finances au cours de laquelle, en présence du secrétaire d’État Paulson et du président de la Fed, Bernanke, son président a déclaré : « Nous avons certes le pouvoir de réagir aux crises, mais ce que nous sommes en train de rechercher ce sont les règles à instaurer pour réduire la probabilité des crises ».

Ce n’est évidemment pas très rassurant, sachant que la crise est annoncée depuis deux ans et a explosé depuis une année complète. Se pourrait-il que les prix Nobel d’économie, les Médaillés Field et autres super matheux qui ont conçu les instruments à l’origine de la crise ne coopèrent pas à la conception de procédures de régulations appropriées ?

C’est vrai que les parangons de la liberté du commerce n’ont pas de chance avec la régulation et d’une manière générale avec les normes qui la dominent. C’est ainsi que la loi mise promptement en œuvre cette fois après le scandale Enron (causé en grande partie par la collaboration active d’un régulateur mondialement connu, le cabinet d’audit Arthur Andersen), a eu pour conséquence visible :
1. de décourager les entreprises honnêtes de rester cotées à New York en raison des dépenses causées par les nouvelles obligations ;
2. de ne pas traiter du tout la régulation des sociétés financières, avec les conséquences qui en ont résulté.

Et les normes, dont on sait qu’elles sont un moyen considérable d’imposer une domination peu visible, mais très profitable, peuvent aussi se retourner contre les géostratèges à courte vue ; les autorités américaines ont toujours été très laxistes sur les principes comptables, contribuant ainsi à encourager la « créativité » dans un domaine où elle n’a pas sa place. Cela a entraîné un long combat entre les comptables européens et leurs homologues américains, qui s’est terminé par la victoire de ces derniers, dans les emballements de la mondialisation et les complexes d’une Europe trop timide. Le résultat a été l’adoption générale, comme méthode de valorisation des actifs, de la valeur du marché. Quand les marchés sur lesquels devaient être cotés les titres représentatifs, peu ou prou, des subprimes, ont fermé, la valeur du marché est devenue zéro. Selon le principe comptable européen, il aurait suffi de déprécier le titre en proportion du risque réellement présent. Le résultat aurait été qu’au lieu de constater une perte de 100 %, il aurait suffit de provisionner 5, 10, voire 20 ou 30 %, correspondant à la part réelle de subprimes dans le titre. Cela aurait évidemment fait une différence considérable dans l’évaluation de la crise et ses effets réels.

Le terrain des normes sera tout le temps un lieu d’affrontement entre puissances. Il est permis de s’interroger sur la common law, norme juridique au service des Anglo-Saxons, mais sans qu’elle puisse justifier d’un avantage technique compensant ses inconvénients par rapport au code. En particulier, et curieusement, c’est la vie des affaires qui en souffre (du côté du non-Anglo-Saxon bien entendu), sans que l’on sache toujours si les coûts entraînés par la common law sont dus à sa complexité intrinsèque ou à une manifestation du juridisme américain à l’entier bénéfice des cabinets d’avocats. Une chose est sûre, elle favorise le protectionnisme des Etats-Unis intra-muros, en rendant possible une insécurité juridique réelle pour les concurrents étrangers.

Enfin, l’orgueilleuse devise « le dollar c’est notre monnaie et c’est votre problème » doit être remisée dans l’armoire des triomphes passés. Il n’est en effet plus possible de tout miser sur la croissance à attendre de la baisse des taux (d’autant que descendre en dessous des 2 % actuels n’aurait probablement aucun effet sur l’activité), alors que l’inflation commence à rogner le pouvoir d’achat des ménages. Cela devrait, espérons-le, amener à une réflexion salutaire les nombreux "théoriciens" qui désirent réformer la BCE.


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3 réactions à cet article    


  • MagicBuster 23 juillet 2008 12:01

    En gros la France c’est pareil , les déficits sont publics et les bénéfices privés . . . avec la complicité du public... Cherchez l’erreur.


    • Forest Ent Forest Ent 24 juillet 2008 12:35

      Article intéressant.

      « Nous avons certes le pouvoir de réagir aux crises, mais ce que nous sommes en train de rechercher ce sont les règles à instaurer pour réduire la probabilité des crises ».

      Dans le contexte où cette phrase a été prononcée, il faut comprendre :

      "Nous n’avons aucun moyen de réagir à cette crise, alors pour occuper la galerie, nous allons parler de la suivante dans 50 ans."

      Se pourrait-il que les prix Nobel d’économie, les Médaillés Field et autres super matheux qui ont conçu les instruments à l’origine de la crise ne coopèrent pas à la conception de procédures de régulations appropriées ?

      A l’époque où ils les ont conçus, ils n’y avaient aucun intérêt, puisqu’ils le voyaient comme du know-how privé.

      Mais, sur le fond, je pense qu’ils en sont incapables - je sais, ça peut paraître énorme, mais LTCM a été là pour montrer qu’ils ne comprennent pas vite. Ils en sont incapables parce qu’ils croient avoir inventé une "martingale". En pratique, celle-ci ne consiste qu’à repousser le risque dans un évènement de plus en plus rare, mais sans en abaisser l’espérance mathématique. Cela engendre des crises de plus en plus "graves".

      Ils en sont incapables parce que, comme beaucoup d’économistes, voire d’ingénieurs, ils reposent trop sur des modèles, et pas assez sur l’observation des faits, ie. la statistique. Et les modélisateurs et les statisticiens sont souvent mal à l’aise sur les événements rares, les "queues de distributions".

      C’est ainsi que la loi mise promptement en œuvre cette fois après le scandale Enron a eu pour conséquence visible de décourager les entreprises honnêtes de rester cotées à New York en raison des dépenses causées par les nouvelles obligations.

      C’est ce qu’elles disent. J’y crois moyennement. La SOx n’a pas un coût phénoménal. Elle a par contre une contrainte de transparence, vaguement gênante dans un contexte concurrentiel. Je pense surtout que le retrait de la cote a permis de masquer plus facilement les risques financiers et l’évasion fiscale.

      Selon le principe comptable européen, il aurait suffi de déprécier le titre en proportion du risque réellement présent.


      Voui, et c’est quoi le risque réel sur les subprimes ? Je me souviens d’articles sur AV disant qu’il ne saurait dépasser 150 G$. Ils s’appuyaient sur l’encours de prêts "à risque". Et c’était une analyse complètement fausse : en cas de baisse générale des prix, le risque vaut pour tous les prêts. La vraie évaluation du risque, c’est la solvabilité des ménages, mais la tracer est une usine à gaz monstrueuse, et aucun contrôle ne peut le vérifier. Et encore, on ne parle là que de produits plus ou moins réels... Quelle est la valeur comptable d’une future (d’une option de vente ou achat à terme) ?

      Il est vrai que la compta US est procyclique et accentue les crises, mais elle ne les crée pas. Le vrai sujet, c’est les ratios prudentiels à la base. Et personne n’a encore inventé de ration prudentiel pour les futures. Ca permettrait d’ailleurs de se rendre compte qu’ils n’assurent pas grand chose, en termes d’espérance mathématique. Paulson va en inventer à un moment où il n’y a plus de crédit. Ca sera donc tout à fait dérisoire.

      A titre anecdotique, je vous renvoie à une discussion avec un l’auteur de cet article :

      http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=27993

      en août 2007, et en particulier à ce post :

      http://www.agoravox.fr/commentaire_static.php3?id_article=27993&id_forum=1481422


      • fred 25 juillet 2008 15:35

        "les autorités américaines ont toujours été très laxistes sur les principes comptables, contribuant ainsi à encourager la « créativité » dans un domaine où elle n’a pas sa place. "

        Entièrement d’accord, phénomène anglo-saxon dans sa majorité.

        Ce qui m’inquiète aussi c’est l’informatique : il a dû y avoir des erreurs dans leurs raisonnements en général.

        La créativité mixée au bidouillage informatique dans lequel on se perd à cause de la non-possibilité de représentativité mentale, m’inquiète.

        Car alors seuls sont qui ont été bien formés en maths (et sont expériementés en prgrammation) comprennent intuitivement qu’il y a un problème de cohérence, les autres non. Ils regardent l’ordi en faisant "hare PC" smiley)

        Sans même encore compter une éventuelle mauvaise volonté ou incompétence manifeste... Suivez mon regard...

        Enfin on verra...

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