L’usine de mon village, le jeu de cartes et ma TVA
Je préfère l’avouer d’emblée, même au risque de me déconsidérer : l’économie ne m’a jamais intéressé. à la lecture de la presse, j’ai toujours ignoré les pages, saumon ou blanches, qui lui sont consacrées. De plus, c’est tout juste si j’ouvre le bilan annuel de mon entreprise ! Comme j’ai l’esprit plutôt littéraire, cette science, basée en partie sur les mathématiques, me parait obscure. Malheureusement, qu’on le veuille ou non, l’économie nous rattrape et je m’efforce de comprendre. Et pour ce faire, les économistes pontifiants des journaux télévisés ou les politiciens désorientés ne sont que d’un bien piètre secours. Dans des laps de temps très courts, ils se contredisent eux-mêmes, ou entre eux, laissant ainsi à penser que s’il s’agit d’une science, elle est bien opportuniste, si ce n’est dévoyée. Il me parait plus pertinent de faire appel à mon bon sens, si j’en ai une once et à celui de mes semblables, paysans, charcutiers ou piliers de bistrot.
Dans mon village il y avait une usine, installée la, il y a plus d’un siécle par un ingénieur de génie pour profiter de l’énergie hydraulique que nécessitais la mise en fabrication de ses nombreux brevets . Pour le moins paternaliste, si ce n’est réactionnaire, avec son millier d’ouvriers, il a vécu de nombreux conflits sociaux rythmant la vie de son entreprise. Mais un arrangement finissait toujours par se trouver, car il était très attaché à ce qu’il considérait comme sa chose et la productivité augmentait de pair avec le progrès social. L’héritage familial n’est pas toujours le plus pertinent moyen de transmission, et ses descendants, nettement moins inspirés, ont connu quelques revers ; à la première occasion du capitalisme, devenu mondialisé, ils ont vendu l’usine et tout ce qui allait avec. Les nouveaux patrons sont venus une fois l’an, de Paris ou de Zurich, au gré des transactions boursières. Le dernier en date, depuis Boston n’a pas trouvé sur son globe le petit bourg français, et comme il avait déjà ses habitudes à Shanghai, il a rayé d’un trait de plume ce qui faisait le revenu de centaines de familles. Le maire, le conseiller général et le député ont eu beau gesticuler, la messe était dite.
D’ailleurs ne nous disait-on pas que la mondialisation était inéluctable et plutôt que de geindre, il fallait s’y préparer, se former aux métiers du futur : la haute technologie, les services à la personne…. Mais comment, comment a-t-on pu nous faire gober tout cela ?
Tout naïf et inexpérimenté en économie que je suis, j’ai bien compris que la raison de faire fabriquer à moindre coût dans des pays sous-développés – de préférence tenus par des dictatures, voire communistes, le maximum de produit manufacturés, a pour unique objet de faire sans vergogne un maximum de profit. Comment pourrait-on croire que cela puisse durer alors que la population de nos pays se paupérise avec l’augmentation du chômage ? Grâce au crédit, évidemment, afin que le consommateur tienne son rôle le plus longtemps possible !
Je jouais à la bataille, quand j’étais enfant, avec un grand père un peu gâteux : si je n’avais plus de cartes, il m’en donnait, ainsi nos parties duraient des heures. Par malheur, les jeux d’argent n’ont pas la même candeur, et surtout, la première crise a éclaté… Les gouvernements unanimes ont dépensé sans compter pour sauver leurs banques, alors que les budgets étaient déjà dans le rouge. En effet, il faut nécessairement que l’état investisse dans le pays car les infrastructures en ont besoin, et cela crée des emplois. Sinon qui le ferait, puisque les ingénieurs de génie sont partis en Chine ? Les collectivités locales s’évertuent tant bien que mal à juguler la misère grandissante, il faut construire des logements sociaux neufs même si des milliers de bureaux sont vides. Et après le RMI arrive le RSA, afin que mot « fraternité » aie encore un sens. Tout cela n’a pas empêché, jusqu’à maintenant, nos élus de transformer chaque rond-point de circulation en petit hameau de Marie-Antoinette, et de daller de marbre les halls des Hôtels de ville ou de région. Les déficits explosent. Les impôts des seules classes moyennes n’y suffisent plus, les pauvres laissent tout leurs revenus aux caisses des supermarchés low-costs alors que les riches ont vu leur imposition baissée. On sait que les très riches, – de plus en plus nombreux, financiers spéculateurs et délocaliseurs ont depuis longtemps quitté fiscalement le pays. Ils ne reviennent que pour encombrer nos plus beaux ports avec leurs yachts ostentatoirement vulgaires ou pour dîner avec le Président de la République.
« Les marchés », c’est le nom de cette espèce de nébuleuse quasi-divine qui a poussé à la Mondialisation, et qui a bien compris que sa rapacité galopante et à très court terme ne pourra plus être assouvie dans l’immédiat par la croissance de la Consommation. Elle s’est alors mise en tête de faire rendre gorge aux états qui lui doivent des milliards, action dont elle est pourtant à l’origine ! L’énormité est que ce sont en fait également les banques que ces mêmes états ont sauvées. On trouve ainsi la même absurdité que le jeu de carte de mon enfance, mais avec à la clef, la mise en semi-esclavage des populations productrices de richesses, et cela, au bénéfice d’une minorité. Car qui peut sérieusement croire que les plans dits « de rigueur » puissent avoir un effet positif et retourner la situation ? Le must étant celui imposé à la Grèce ! Imaginez ce qui se passerait dans notre pays si l’on baissait, même d’un pourcentage minime les salaires, et qu’on augmente la TVA de deux ou trois points, – sans parler de l’allongement de la vie au travail ! Les ménages se restreindraient, essaieraient d’économiser, avec pour conséquence finale la chute immédiate de la consommation entraînant faillites et chômage, misère et déficits abyssaux. Autant bombarder de suite toutes nos villes (c’était d’ailleurs la solution que l’on appliquait autrefois pour mettre fin aux crises). La classe politique quasi-unanime, tels des honteux Papandreou, semble résignée. Alors qu’il y une urgence absolue, les seuls qui proposent de partager la dette avec les créanciers sont les souverainistes, de droite comme de gauche, exemples Dupont-Aignan ou Mélenchon. Dur constat pour l’Européen que je suis…
Et ma petite entreprise dans tout ce marasme ? La TVA à 5,5 % qui n’est pas, je l’ai déjà dit et je le répéterai une niche fiscale, mais le juste taux pour ce secteur, l’a sauvée l’année passée. C’est par ailleurs la seule branche qui a créé des emplois pendant la crise, à savoir plus de 20700 en moins d’un an. Les objectifs étaient de 20 000 en trois ans ! Selon François Bayrou, c’est du « pipeau », et je suis en colère.Savez-vous ce qui pourrait arriver d’ici quelques mois ? Prenons date : devant l’incapacité de nos gouvernants à réduire les déficits, les agences de notation qui sont au service des prêteurs vont déclasser la France. En un tour de main, le taux d’intérêt de la dette va augmenter d’un petit point. C’est trente milliards d’euros qui vont partir dans la poche des financiers. Chapeau pour le hold-up ! Du « pipeau » ou de la grosse caisse ?
Combien d’emplois à la clef ? Même mon petit établissement de modèle artisanal, – qui n’a pas besoin, lui, de croissance exponentielle pour survivre risque de disparaître. Alors quand j’entends des politiciens, que ce soit la première secrétaire du Parti Socialiste ou le Président du Modem designer encore et toujours les restaurateurs comme bouc émissaire, je m’inquiète. Leur connaissance de l’économie devrait être mille fois supérieure à celle d’un débutant tel que moi, et pourtant j’ai l’intuition funeste qu’ils n’ont pas encore tout compris.
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